Chapitre 36 (Maelie)

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_ Ce n'est pas prudent de sortir dans votre état, me dit-il d'un air qui se voulait sûrement bienveillant mais que je ne pouvais m'empêcher de trouver condescendant.

De quoi il se mêlait ? Pour le coup, il se montrait un peu trop intrusif à mon goût. J'avais encore le droit d'aller et venir comme il me seyait sans avoir à lui rendre de comptes. Il n'était pas mon père que je sache. En temps normal et s'il n'avait pas s'agi d'Alex Mavri, je me serais fait un plaisir d'envoyer balader quiconque aurait osé se fendre d'une telle remarque à mon attention. Mais, tout bien réfléchi, il était évident que ce n'était sans doute pas la meilleure des attitudes à adopter dans le cas précis.

Je venais de faire l'impasse sur son cours de ce matin et, incapable d'assumer pleinement la véritable raison de cette décision à savoir que je lui tenais rigueur des propos qu'il avait tenus sur moi, voilà que je me retrouvais à jouer au malade imaginaire. J'étais bien consciente que c'était parfaitement ridicule mais, à présent que j'avais mis le pied dans l'engrenage, il était trop tard pour faire machine arrière. Je tâchai donc de m'inventer une excuse à même de justifier que je quitte mon appartement alors que compte tenu de ce que lui avait dit Sofia il devait m'imaginer clouée au lit :

_ Je suis juste allée acheter quelques médicaments à la pharmacie.

_ Et vous aviez besoin d'emmener votre sac de cours pour ça ? me demanda-il quelque peu perplexe.

_ Et bien il faut croire que j'avais besoin de beaucoup de médicaments.

_ Je vois ça, me dit-il dans un sourire amusé qui eut le don de considérablement m'agacer.

Je rétorquai d'un ton qui se voulait moins cordial :

_ Vous êtes un homme sur le point de se fiancer il me semble ? Dans ce cas, vous devriez savoir depuis le temps qu'une fille ne sort jamais sans son sac à main.

Je le vis perdre un peu de son assurance habituelle au moment où il ajouta :

_ En parlant de mes fiançailles, je voulais vous dire au sujet de l'autre soir...

_ Il n'y a rien à dire, le coupai-je sèchement. J'étais juste au mauvais endroit au mauvais moment. D'ailleurs, je n'aurais jamais dû accepter de venir chez vous pour me doucher. En fait, c'est vous qui n'auriez jamais dû me le proposer.

Il baissa la tête, comme s'il s'inclinait face à ma réponse. Il finit d'ailleurs par me conforter et ce avec une volonté évidente de mea culpa :

_ Vous avez raison. Je m'excuse très sincèrement si la situation a pu vous mettre mal à l'aise.

Il s'excusait. Ce qu'il ne fallait pas entendre. Non, là, vraiment, c'en était trop. J'avais la pénible impression qu'il se payait ma tête et je ne pouvais pas le laisser faire sans broncher. Alors je lui lançai dans un élan d'agressivité qui eut le don de le surprendre et qui finit sûrement, si toutefois il en doutait encore, de le convaincre que l'alibi que m'avait concocté Sofia ne tenait pas :

_ Un peu mal à l'aise ? Vous vous fichez de moi ? Je me suis retrouvée nez à nez avec votre future femme qui, non contente de vous faire une scène, s'est aussi permise de m'insulter !

_ Je comprends votre agacement... bredouilla-t-il.

_ Non, vous ne comprenez rien. Je ne suis pas agacée. En fait, je suis excédée. Excédée que vous me traitiez comme vous le faites !

_ Comment ça ?

_ Et dire que j'ai raconté à votre compagne que vous êtes un homme formidable. Tout ça pour me rendre compte presque aussitôt après que vous n'êtes, en réalité, qu'un menteur, assenai-je, totalement inarrêtable.

_ Je peux savoir ce qui vous prend ? Je ne vous permets pas de me parler sur ce ton. Dois-je vous rappeler que je suis votre professeur ? Vous me devez le respect, s'indigna-t-il en retour, essayant en vain de calmer mes ardeurs.

_ Ah oui le respect ! Parlons-en, m'emportai-je encore. Parce-que vous vous me respectiez peut-être quand vous vous fendiez d'un discours grandiloquent devant votre fiancée pour lui expliquer combien vous l'aimiez et combien je ne vous inspirais que de la pitié ? Oui, la pitié. C'est le mot que vous avez utilisé. J'ai tout entendu de votre altercation.

A cet instant, Alex Mavri sembla se décomposer tant il se sentait mal d'apprendre que je savais tout de la tirade qu'il avait faite à sa belle afin de la reconquérir quitte pour cela à me mettre plus bas que terre. Aussi, il demeura muré dans un silence honteux de longues secondes avant de trouver enfin quoi me répondre.

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