Chapitre 35 (Maelie)

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Durant tout l'après-midi, j'étais restée sur le qui-vive chaque fois que j'avais eu à arpenter les couloirs de l'université. Je craignais tant de rencontrer Alex Mavri. Et pour cause. Sofia m'avait raconté qu'il avait non seulement remarqué mon absence de ce matin mais qu'il s'était en plus payé l'indiscrétion de venir la questionner à ce sujet. Il ne manquait décidément pas de toupet. Heureusement que mon amie m'avait couverte en prétextant que j'étais malade. Seulement, il devenait à présent impératif que j'évite de me trouver nez à nez avec lui si je ne voulais pas voir ce fragile alibi s'effondrer. D'où la prudence draconienne que je m'imposais.

Sitôt la journée de cours terminée, je ne m'éternisai pas et sautai dans le premier bus pour rentrer chez moi. De retour à la résidence, je me dirigeai vers l'ascenseur pour finalement constater, dépitée, qu'il était encore en panne. Je gaspillai quelques secondes à ruminer mon agacement puis je me résignai à emprunter les escaliers, songeant que gravir des dizaines et des dizaines de marches en talons aiguilles serait sûrement un pur bonheur pour mes pieds.

Comme je n'avais pas d'autre choix, je pris sur moi et me lançai dans la douloureuse ascension qui devait me mener jusqu'à mon étage. Ce fut alors que je jouai de malchance. En quittant l'université, je m'étais naïvement crue tirée d'affaire. Je comprenais maintenant que j'avais été terriblement présomptueuse car voilà qu'à quelques mètres à peine de chez moi il avait fallu que je tombe sur celui que je ne voulais surtout pas croiser.

Alex Mavri était en train de dévaler au pas de course les escaliers précisément au moment où je les grimpais. Fallait-il y voir un mauvais coup du destin ? Peut-être bien. En attendant, dans ces conditions, je ne pouvais pas me défiler ni même fuir la conversation qu'il s'empressa de me faire presque aussitôt qu'il me vit :

_ Bonjour ! Ça me fait plaisir de vous voir.

Il semblait presque sincère. Mais je n'oubliais pas ce qu'il avait dit de moi la semaine passée. Comment le pourrais-je ? Ses mots m'avaient fait si mal. Et, s'il croyait qu'une voix douce et un beau sourire suffiraient à m'attendrir après ça, il se fourrait le doigt dans l'œil.

_ Comment allez-vous ? me demanda-t-il ensuite toujours aussi mielleux.

_ Bien, répondis-je d'abord spontanément avant de me rendre compte presque immédiatement de ma maladresse.

Je m'empressai de me corriger, m'efforçant de faire une malade à peu près crédible afin de coller à la version que lui avait donnée Sofia pour justifier mon absence de ce matin.

_ Enfin, pour être honnête, j'ai connu mieux, ajoutai-je, improvisant une quinte de toux.

_ En effet, vous n'avez pas l'air d'être au meilleur de votre forme, se fendit-il en réponse tout en me détaillant d'un regard inquiet.

Je ne savais pas trop comment prendre sa réflexion. Bien sûr, je devrais me réjouir d'être aussi convancante dans mon rôle de convalescente mais, à vrai dire et si l'on considérait le fait que je me portais en réalité très bien, elle ne m'était pas très agréable à entendre. En fait, l'idée qu'il puisse me trouver affreuse, car je craignais que ce soit ce qu'il ait voulu dire, ne me plaisait pas du tout. Il le remarqua sans doute et alors il tâcha de se corriger autant qu'il le put :

_ Ne le prenez pas mal surtout. C'est simplement que vous êtes un peu pâlichonne. Mais cela dit rassurez-vous. Vous êtes toujours aussi jolie.

Je rêvais ou il venait de dire que j'étais jolie ? Si si. C'était bien ce qu'il avait dit. Mon coeur s'en était trouvé secoué de bonheur et je n'avais pu m'empêcher d'esquisser un sourire flatté en réponse à son compliment avant de me reprendre aussi net pour ne surtout pas risquer de trahir l'euphorie qui me gagnait déjà. J'essayais de prendre un peu de recul et surtout de me tempérer car rien ne garantissait qu'il pense vraiment les paroles qu'il venait de prononcer. D'autant qu'il s'était contredit en l'espace d'à peine deux phrases. Par conséquent, je serais peu inspirée de m'emballer. Quant aux symptômes physiques qu'il décrivait, je les devais aux quelques marches que je venais d'avaler au moins autant qu'au malaise que je ressentais en sa présence car je n'avais de cesse de repenser à cette soirée qui avait suffi à faire voler en éclats toutes mes illusions.

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