Chapitre 17 (Maelie)

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A peine étais-je rentrée chez moi que je me jetai sur mon ordinateur pour réviser. Les premières évaluations approchaient doucement mais sûrement. Bien sûr, ce n'était pas encore les partiels. Seulement des devoirs surveillés sur table, peu coefficientés et d'une durée qui ne dépassait généralement pas une heure. Mais je tenais à répondre immédiatement présente. Histoire de montrer à tout le monde que je n'étais pas là pour faire de la figuration mais bien pour briguer la position si convoitée de major de promotion. Jusque-là, j'avais été placée mais encore jamais sacrée. Il y avait toujours eu quelqu'un de plus malin que moi pour me voler la vedette. Aussi, cette année, j'espérais que ce serait enfin à mon tour de triompher. Et ce n'était pas la seule raison qui me motivait à travailler dur. De bonnes notes, c'était aussi la garantie d'accéder aux Master 2 des facultés de droit les plus réputées du pays. Je rêvais d'entrer à la Sorbonne. En plus de bénéficier de la formation juridique la plus prestigieuse de France, je pourrais ainsi découvrir Paris et ses charmes innombrables autrement qu'à la télévision.

Je n'en étais pas encore là. Pour y parvenir, je devais me donner les moyens de mes ambitions. Et cela commençait par apprendre ce cours de droit des contrats. Une petite centaine de pages, taille de police 9, interligne 1.5. Des numéros d'articles à retenir toutes les trois lignes. Et tout autant de dates d'arrêts rendus par la Cour de Cassation, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français. Bref, la routine pour tout aspirant juriste qui se respectait.

Je m'étais donnée pour objectif de mémoriser vingt pages dans la soirée. Rien d'irréalisable en principe, si seulement quelqu'un n'était pas venu frapper à la porte d'entrée. Je me doutais de qui il s'agissait. Je n'avais aucune envie d'aller ouvrir mais je songeais que le silence n'était sans doute pas la meilleure des réponses. Je décidai donc de prendre sur moi.

Mon intuition se vérifia. C'était mon bailleur qui venait me rendre une visite dont je savais déjà qu'elle n'aurait rien de courtoise.

Chaque fois que j'avais le malheur de le voir, il me paraissait plus imposant et plus effrayant encore. Il n'y avait pas à dire, ce type était un véritable colosse. Il flirtait dangereusement avec les deux mètres de haut. Il avait une grosse bedaine qui débordait de son tee-shirt, de longs bras velus au bout desquels étaient accrochées des paluches gigantesques, des cuisses aussi larges que celles d'un pistard, et un visage à l'air sévère et flanqué sur son côté droit d'une balafre qui s'étirait de son menton jusqu'à son front. En bref, quand il venait ainsi me réclamer de l'argent (car c'était bien ce qu'il venait faire), j'avais la terrifiante impression d'avoir affaire à un caïd.

_ Ah... Bonsoir Mr Monso, dis-je en feignant la (mauvaise) surprise.

Il ne me retourna pas la politesse, préférant en venir immédiatement à ce qui l'intéressait.

_ Vous pensez me payer quand votre loyer ?

_ Dès que possible. Je suis un peu courte ce mois-ci. Laissez-moi juste le temps de demander à mes parents un petit complément.

Il demeura silencieux un instant, posant sur moi un oeil furax qui me faisait le redouter plus encore. Puis, il répondit d'une voix menaçante qui en aurait fait trembler plus d'un d'effroi.

_ Vous n'avez pas intérêt à traîner. Sinon je vous fais dégager sur le champ, trancha-t-il ainsi en me prenant de haut avant de tourner les talons et de commencer à se diriger de son pas lourd caractéristique vers l'ascenseur.

Il était si méprisant. Comme toujours quand il me parlait en fait.

D'ordinaire, je n'aurais rien dit. J'aurais baissé la tête, susurré des excuses que je ne lui devais même pas, et je me serais empressée d'aller me terrer chez moi le temps que le monstre daigne enfin s'éloigner. Mais, bizarrement, ce soir-là, j'étais d'humeur combative. Sûrement galvanisée par ma victoire en cours de procédure pénale devant Alex Mavri et à mes risques et périls, je rétorquai donc :

_ Au fait, moi aussi j'ai quelque chose à vous demander.

Surpris, il se retourna, attendant curieusement que je poursuive. Je ne tardai pas à le faire :

_ Quand est-ce que vous comptez réparer le ballon d'eau chaude ? Je vous ai envoyé un courrier à ce sujet il y a de ça plusieurs semaines déjà. Un courrier auquel, à ma connaissance, vous n'avez jamais répondu. Or vous êtes tenu, en tant que bailleur, de faire cette réparation.

Son visage se raidit sous l'effet de la rage qui l'assaillait soudain. Qu'avais-je fait ? Je venais de mettre le monstre en colère. A présent, il allait fondre sur moi avec pour seule obsession que de venger l'affront que je lui avais fait.

Pointant sur moi un doigt accusateur et tout en me jetant à la figure un torrent de menaces, il s'avançait vers moi. J'en étais persuadée, il revenait m'anéantir. Je me croyais perdue. Personne ne pourrait rien faire pour moi.

Je reculai d'un pas puis de deux. Je songeai que je pouvais toujours claquer la porte et ainsi m'enfermer à double tour dans mon appartement. Ça ne servirait à rien. Mon appartement était avant tout le sien. Il avait les clés. Non. Vraiment, je ne savais plus quoi faire.

Il était maintenant tout près de moi, comme sur le point de me porter un coup fatal. Il s'apprêta à dire quelque chose quand soudain une voix semblant sortir de nulle part le devança :

_ Si j'étais vous, je ferais ce qu'elle dit.

Une voix que je connaissais.

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