Chapitre 51 (Maelie)

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Deux jours qu'Alex Mavri n'avait plus donné signe de vie. Je commençais à m'inquiéter. Ne le croisant plus dans la montée alors que d'ordinaire c'était le cas presque quotidiennement, je m'étais finalement décidée à aller sonner à sa porte. Mais rien. Il ne m'avait pas ouvert et, lorsque j'avais tendu l'oreille pour guetter sa présence à l'intérieur de son appartement, je n'avais entendu strictement aucun bruit. En somme, tout portait à coire qu'il n'était pas là. Je me souvenais l'avoir entendu faire référence à ses origines parisiennes lors de l'un de ses cours. Sans doute était-il donc simplement retourné voir sa famille dans la capitale le temps d'un week-end. Ou peut-être sa fiancée... Non, ça ne pouvait pas être le cas. Il ne pouvait pas me déclarer sa flamme pour ensuite courir rejoindre les bras de l'odieuse Élodie dès le lendemain. Ça n'avait pas de sens.

Et ce baiser que je lui avais donné ? Je savais qu'il ne l'avait pas laissé insensible. Je l'avais senti à sa manière d'accompagner mon étreinte. Je l'avais vu dans ses yeux juste après que mes lèvres aient quitté les siennes. Les sentiments qu'il m'avait avoués hier soir ne pouvaient pas s'être envolés dans la nuit.

Forte de ces certitudes, je m'efforçais donc de garder mon calme et de prendre mon mal en patience. Mais il était évident que j'attendais son retour de pied ferme car il était très frustrant d'embrasser un homme et de devoir ensuite subir son silence pendant plusieurs jours.

Heureusement, les cours reprenaient aujourd'hui. J'avais donc bon espoir de le revoir. Je ne m'y trompai pas. A mon arrivée dans l'amphithéâtre, il était déjà là, seul, assis derrière son bureau, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur.  Comme toujours en fait. De loin, j'essayai d'attraper son regard. En vain. Il était sans doute trop absorbé par ce qu'il était en train de faire.

Quand tous les étudiants furent installés, il prit la parole. Comme si de rien n'était, il déroula à un rythme effréné sa science des procédures d'enquête pendant près de deux heures. Je fus incapable de prendre en note ce qu'il disait. Mon esprit était bien trop accaparé par les souvenirs de cette soirée qui avait tout changé. Et, surtout, je m'impatientais de le voir en aparté pour que nous puissions enfin en parler. Aussi, à la fin de son cours, j'attendis le temps que les rangs de l'amphithéâtre se vident puis je descendis les marches et comblai les quelques mètres qui me séparaient encore de lui.

Il était en train de finir de rassembler ses affaires pour s'apprêter à partir. Lorsque je fus parvenue à sa hauteur, il ne daigna d'abord même pas me regarder. Je songeai que c'était peut-être par gêne ou par timidité. J'allais vite comprendre qu'en fait ça n'avait rien à voir.

Finalement, comme il semblait résolu à m'ignorer, je me décidai à lui lancer dans un sourire :

_ Dites, vous vous étiez volatilisé ce week-end. Non pas que je vous aie cherché mais j'ai tout de même été étonnée de ne pas vous voir. Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'après ce qui s'est passé l'autre soir je m'attendais à avoir de vos nouvelles un peu plus tôt...

Cette fois-ci, il leva enfin la tête pour me regarder. Il avait l'air fatigué et soucieux. Il me dit d'un ton désolé :

_ Justement. A propos de l'autre soir, il faut que je vous dise...

Visiblement très mal à l'aise, il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à poursuivre :

_ Je regrette mon attitude envers vous. Ça n'était pas correct. Je n'aurais pas dû vous faire une telle confession ni vous laisser m'embrasser d'ailleurs.

Il regrettait. C'était pourtant lui qui avait commencé par me dire qu'il m'aimait. Je n'avais fait que lui répondre. Et, à présent, il était en train de m'expliquer, non sans peine, qu'il avait changer d'avis et qu'il préférait qu'il ne se passe rien entre nous.

_ Vous savez, je suis votre enseignant alors ça ne serait pas sérieux que nous ayons... Enfin vous voyez bien...

Pourquoi ce revirement ? Je ne comprenais pas. Un jour il me déclarait son amour d'une manière qui ne laissait aucune place au doute et, la semaine suivante, il me racontait qu'il était préférable que nous conservions nos distances. Il avait forcément dû se passer quelque chose ce week-end. Finalement, je lui fis remarquer, bien décidée à le contraindre à se justifier et espérant ainsi en apprendre davantage :

_ Ça n'avait pourtant pas l'air de vous gêner l'autre fois.

_ Je n'avais pas réfléchi. Maintenant si. Je pense vraiment que nous ferions mieux de nous cantonner à des relations universitaires.

Il s'obstinait à camper sur sa position. Quant à moi, je me laissais peu à peu gagner par la frustration.

Il avait beau dire, je ne croyais pas que ce soit le fait d'être mon professeur qui le bloque. C'était déjà le cas l'autre jour et ça ne l'avait pas empêché de me confier qu'il était amoureux de moi. Alors quoi d'autre ? Ou plutôt qui d'autre ?

J'étais en train de me bâtir une conviction selon laquelle c'était Élodie l'explication. Et si, comme je l'avais redouté, il était allé lui rendre visite ce week-end ? Je devais en avoir le coeur net. Aussi, je le questionnai :

_ C'est parce-que vous êtes fiancé que vous doutez, n'est-ce pas ?

Tout en évitant de devoir soutenir mon regard, il répondit :

_ Au contraire, c'est précisément parce-que je ne le suis plus.

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