Je fus arraché à mon sommeil par la sonnerie stridente du réveil de mon téléphone. Je baladai péniblement ma main sur la table de nuit en quête de l'appareil pour mettre fin à cette cacophonie qui était insupportable à mes oreilles. Après quoi, je demeurai un instant, allongé, à me frotter ostensiblement les yeux pour finir de m'éveiller. Je me redressai et jetai un œil sur Maelie qui était toujours étendue à mes côtés, parfaitement immobile et visiblement toujours endormie.
Je me hissai hors des draps, le plus discrètement possible pour ne pas la déranger, enfilai une chemise et un pantalon de costume, attrapai ma veste, et filai en direction de la porte d'entrée de mon appartement après avoir fait un petit détour par la cuisine pour y prendre ma dose quotidienne de caféine.
Je dévalai les escaliers pour bientôt me retrouver dans la rue que j'arpentai d'un pas pressé. Je m'arrêtai d'abord dans un bureau de tabac pour y acheter le journal comme je le faisais tous les jours. Bien sûr, j'étais encore suffisamment jeune pour savoir qu'il existait des éditions numériques accessibles depuis un ordinateur ou un smartphone, mais je faisais partie de ces irréductibles qui pensaient que rien ne remplaçait le charme du papier. Quand Maelie avait découvert cette habitude, elle m'avait accusé d'être vieux jeu et je m'étais empressé de la contredire, sans doute dans un pur souci de fierté mal placée, lui expliquant que je voyais ça comme un acte de résistance face au dictat du numérique qui gagnait inexorablement notre société.
Je m'engouffrai ensuite dans la boulangerie du quartier pour y trouver de quoi offrir le petit déjeuner à Maelie, prenant soin de respirer à pleins poumons les effluves de viennoiseries tout juste sorties du four qui se diffusaient depuis les cuisines. J'adorais cette odeur qui symbolisait l'un des rares souvenirs heureux que je gardais de mon enfance, quand ma mère m'emmenait acheter des croissants avant de me déposer à l'école. Alors, chaque fois qu'il m'arrivait de mettre les pieds dans une boulangerie, je ne pouvais m'empêcher de me sentir nostalgique.
Quand ce fut mon tour d'être servi, je désignai de l'index au gérant les croissants, restant ainsi fidèle à la tradition, puis les petits chaussons napolitains dont Maelie raffolait. En fait, je m'étais fait la réflexion que mon étudiante préférée était décidément férue de tout ce qui avait trait à la cité parthénopéenne. Si je voulais la faire voyager, je savais où l'emmener.
De retour à l'appartement, je la trouvai assise en tailleur sur le lit, en train de pianoter frénétiquement sur le clavier de son téléphone. Je m'approchai d'elle, déposai un baiser sur le haut de sa tête et lui dit, tout en lui tendant un petit sachet :
_ Tiens, si tu as faim.
_ Oh merci, tu es chou.
Elle m'étreignit un instant et se dépêcha de s'attaquer aux viennoiseries que j'avais pris soin de lui rapporter.
Nous profitâmes pleinement de ce petit-déjeuner au lit puis vint le moment de nous rendre à l'université. Je devais lui donner cours à 10h et nous n'étions pas vraiment en avance.
Nous prîmes ma voiture et je la déposai à quelques centaines de mètres de notre destination pour éviter que quelqu'un nous voit arriver ensemble. Déjà que nous avions été surpris la veille par l'un de ses camarades, il valait mieux redoubler de prudence désormais.
En pénétrant dans l'amphithéâtre, je m'étonnai de voir que David Lachant n'était pas présent. Il avait visiblement manqué à la promesse qu'il m'avait faite. Fallait-il y voir un lien avec notre rencontre, ou au contraire n'était-ce qu'une simple coïncidence ?
Mon cours se déroula sans encombre particulier. A l'issu de celui-ci et avant de rentrer chez moi, j'envoyai un SMS à Maelie pour lui proposer de la ramener. Elle me répondit presque dans la foulée qu'elle restait manger avec des copines à la faculté car elle avait cours de bonne heure en début d'après-midi. Ce fut donc seul que je regagnai mon domicile.
Arrivée dans le hall de la résidence et après avoir salué un voisin que je détestais (mais bon la politesse était une vertu), je fis un crochet par les boites aux lettres pour récupérer mon courrier. Des pubs, des pubs et encore des pubs, m'agaçai-je en me demandant à quoi pouvait bien servir l'autocollant « stop pubs » que j'avais collé sur ma boite. A rien visiblement.
Je fus aussi surpris de trouver une enveloppe cartonnée. Je fis un effort de réflexion, je n'avais rien commandé de particulier et je n'attendais aucun document important. Pourquoi donc un tel colis ? Je gravis les escaliers qui me ramenaient à mon appartement en n'ayant de cesse de me poser cette question.
Une fois chez moi, je me délestai de ma veste pour aussitôt m'atteler à ouvrir l'étrange courrier, brûlant de curiosité à l'idée d'en découvrir le contenu. Je déchirai l'enveloppe puis plongeai la main à l'intérieur pour en ressortir plusieurs feuilles de papier glacé ce qui me fit aussitôt penser qu'il s'agissait de photos.
Je ne m'y trompai pas et, lorsque je jetai un œil dessus, je me trouvai littéralement stupéfait, à tel point que, manquant presque de défaillir, je les fis tomber au sol. Toujours sous le choc, je fis un pas de recul pour aller m'adosser contre le mur derrière moi. Ce que je craignais tant venait de se produire. Les clichés que je venais de recevoir étaient accablants de vérité. Ils nous représentaient, Maelie et moi, en train de nous tenir la main au restaurant, de nous enlacer au sortir de celui-ci et de nous embrasser au détour d'une rue hier soir. Je sentais poindre en moi la panique à mesure que je prenais conscience des conséquences destructrices que pourraient engendrer ces photos si elles venaient à être diffusées à l'université. Notre relation connue de tous, nous aurions à affronter un flot de préjugés et de reproches venant des étudiants comme des professeurs, et je ne savais pas si notre amour pourrait survivre à cette mauvaise publicité.
De toute évidence, quelqu'un nous avait suivi et s'était fait un plaisir de jouer les paparazzis. Je devais absolument découvrir de qui il s'agissait. Je n'eus d'ailleurs pas à faire un gros effort de réflexion et mon instinct ne tarda pas à désigner un suspect. Il était même tout trouvé puisque nous l'avions croisé ce soir-là. Son nom, David Lachant. Je le soupçonnais d'autant plus qu'il était absent à mon cours de ce matin et qu'il avait donc très bien pu venir déposer dans ma boite aux lettres ces saletés de photos. Cela dit, je me questionnais. Si j'avais raison, si c'était bien lui l'auteur de cette inacceptable ingérence de notre vie privée, que cherchait-il au juste ? Quel était le mobile de ce crime ignoble ? Je n'en avais aucune idée mais j'étais bien décidé à le découvrir. Et, pour ça, il ne me restait plus qu'à lui rendre une petite visite qui promettait de ne pas être très courtoise.
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Love and Justice
Roman d'amourQue seriez-vous prêt à sacrifier par amour ? Votre travail ? Votre ambition ? Votre honneur ? Vos fiançailles ? Votre famille ? Et a-t-on le droit d'aimer n'importe qui ? Jusqu'où Alex Mavri, jeune professeur en droit privé et spécialiste du droit...