1.16 - Aimez

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Ethan et Ecarlate marchaient silencieusement aux abords de la côte, un peu plus loin du port, en direction du département de gestion côtière. Leurs enjambées écrasaient quelques morceaux de roches fragiles au passage. Et le bruit que produisait la rencontre entre les vagues et la côte les accompagnait. 

De plus, à cause de la présence des roches qui tapissaient cette zone de la côte, Ethan avait du mal à manier correctement son vélo, ce dernier gigotant et semblant vouloir lâcher.

Lorsqu'ils arrivèrent près des quais, Ecarlate s'arrêta sans prévenir. Ethan ne comprit rien sur le moment, mais préféra suivre son regard. À sa droite, sur l'un des ponts, des hommes déchargeaient du matériel d'un bateau pour les charger dans un fourgon.

— On y va. Ça ne nous concerne pas.

Mais Ecarlate continua de fixer ces hommes imposants qui déchargeaient une grande quantité de matériel. Comme si son système nerveux était en alerte. Ethan remarqua alors que sa chevelure normalement blonde commençait à se dégrader lentement. Virant au gris blanc.

— À quoi tu joues ? l'interpella-t-il en la touchant par l'angle de sa main. Arrête.

Elle tourna son regard vers lui et vit quelque chose dans ses yeux. Elle n'aurait su le décrire. Cette confusion suffit à la calmer. Sa chevelure redevint blonde et les filets d'éclairs qui se préparaient à l'assaut disparurent.

— Tu obéis, reprit Ethan d'un ton impérieux.

— Oui.

— Écoute-moi (Il lui tint les deux épaules et la tourna vers lui.) J'ai plus envie que toi de récupérer ce foutu éclair. Mais ça ne marchera pas si tu n'en fais qu'à ta tête. Alors, à partir de maintenant, tu n'agiras pas, tu ne feras rien, à moins que ce soit nécessaire ou que je t'en donne la permission. Okay ?

— Contrairement à moi, tu aimes la solitude. Tu te plairais à ma place. L'éclair est la seule chose qui me tienne compagnie. Sinon, c'est la solitude que je connais.

— Ça veut dire ?

— Okay.

— Je préfère ça. Maintenant, écoute encore : On va entrer dans le département où Mickaël bosse. Là-bas, il y a beaucoup de travailleurs. Je ne veux pas que tu te fasses remarquer. Comporte-toi comme une fille normale. Est-ce que tu peux faire ça ?

— Je ne suis pas une fille normale. Et tu le sais.

— Reste silencieuse. Ne réponds à aucune question venant de n'importe qui. Pas d'éclairs.

— D'accord.

— Okay. Alors, on y va.

Ils reprirent la route et passèrent devant l'entrepôt. L'endroit où l'on entreposait les fruits de la pêche.

Ethan fut surpris de voir tous ces employés rester là, à s'ennuyer, à ne rien faire. Les poissons se vidaient, il n'y en avait plus assez. La plupart des conservateurs avaient été débranchés.

Toutefois, ils continuèrent leurs routes. Le département se trouvait de l'autre côté de la montagne des roches, à côté de la mairie.

— Ethan, fit Ecarlate alors qu'ils approchaient.

— Quoi ?

— Je viens d'apprendre un nouveau mot. C'était accroché au mur de l'entrepôt. Sa signification... je crois qu'elle traduit ce que je ressens pour l'éclair.

— Une phrase ou un mot ?

— La phrase, je l'ai comprise. Mais pas le mot.

— On n'a pas le temps pour ça.

— Je veux savoir.

Ethan, agacé, s'arrêta et la regarda profondément.

— Vas-y, je t'écoute.

— " Aimez. " C'est un verbe. J'aime l'éclair. Et je suis prêt à ôter des vies pour le récupérer ? N'est-ce pas ça, l'amour ?

— Tu n'es pas obligée de tout savoir.

— Je veux savoir.

— On y va. Pas le temps pour ça.

Il voulut reprendre le chemin, mais Ecarlate l'en empêcha en lui tenant fermement l'angle de son bras. Ethan se sentit encore plus agacé qu'avant.

— Si je te réponds, soupira-t-il, on pourra y aller ?

— Oui.

— Hum... Aimer c'est... (Ethan commença à gesticuler à la recherche des mots.) Aimer c'est vouloir le bien de l'autre. Ne pas l'abandonner. Être là dans sa joie, tout comme dans ses tristesses. Dans son bonheur, dans ses peines. Dans la gaité, dans la douleur. Satisfaite ?

Il ne le savait peut-être pas, mais en disant ces mots, il avait lâché une goutte de larme. Parler de l'amour lui avait toujours arraché des larmes. Le père parfait était un personnage fictif qu'il avait créé dans son monde. Mais en vrai... Bof...

Ecarlate avait suffisamment appris pour comprendre ce qu'il ressentait. Elle aussi avait des sentiments. L'éclair était la chose la plus précieuse, l'unique chose d'ailleurs, qu'elle n'eût jamais eu.

— L'amour est présent, peu importe la situation.

— C'est pour cela que tu es en colère ? lui demanda-t-elle en le fixant.

Le regard d'Ecarlate avait changé de teneur. Ce n'était plus ce regard foudroyant qu'il connaissait d'elle. C'était un autre type de regard. Presque bienveillant.

— Tu es en colère parce que tu es triste ? Tu es seul ?

— On y va maintenant.

— Tu es...

— ...tais-toi ! Ne dis plus rien, cria-t-il d'un ton qui se voulait menaçant. Je ne veux plus t'entendre.

Il reprit la marche.

Ecarlate le suivit jusqu'au bureau de son père sans plus rien ajouter.

Elle ne dit non plus aucun mot en entrant dans le département, en passant à travers les travailleurs qui s'acharnaient sur leurs paperasses. Et même quand ils arrivèrent devant la porte du bureau de Mickaël.

— Tu m'attends ici.

Il lui tint l'épaule et l'obligea à s'assoir sur le banc d'attente en face de la pièce. Ecarlate se laissa faire et s'assit dessus. Le jeune ado s'avança ensuite vers le bureau de son père et frappa :

— Qui est là ?

— C'est moi.

Mickaël, qui était en compagnie de Nils, fut surpris de la visite inattendue. Jamais ! Grand jamais ! Ethan n'avait daigné vouloir le voir dans son poste de travail. Il en ressentit une certaine joie et sourit.

— Je crois que je vais te laisser avec ton fils, fit Nils en ouvrant la porte.

Ethan entra, salua Nils au passage et se plaça devant le bureau de son père. La minute d'après, la porte se referma.

En sortant, Nils ne prêta pas attention à Ecarlate qui était assise en face de la porte du bureau, mais cette dernière, si : Au moment où Nils disparut de son champ de vision, elle se leva et se mit en tête de le suivre. Alors, elle se leva et traversa le couloir pour le rejoindre.

Une violente tempête se préparait.

ECARLATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant