ECARLATE

CHAPITRE 35

— C'est assez compliqué, finit par répondre Ethan sous la gêne après un long moment d'hésitation. Je n'ai aucune idée de l'endroit où peut se cacher ton éclair. Ne te fâche pas, mais en vrai, je ne sais pas par où commencer.

Ecarlate poussa un sifflement haineux avant de se calmer. La gêne prit d'assaut les pensées d'Ethan. Il avait réellement peur d'elle. Il était carrément terrifié, ayant compris à quel point elle pouvait être dangereuse. Et ce regard déroutant de sa part ne l'aidait en rien.

— Je tiendrai ma promesse, je te jure. Je le ferai parce que... euh... parce que...

— ... parce que tu as peur de moi.

Ethan fixa le tas d'instruments de construction qui languissaient sur le sol neigeux.

— Elle m'a raconté ce qui s'est passé pendant la tempête, fit Barth.

— Vous voulez reconstruire votre cabane, répondit le jeune homme dans l'espoir de changer de sujet. Je peux aider ?

— Ça tombe bien, répondit Barth en lui touchant l'épaule. Tu sais bien que je n'ai pas le droit de mettre les pieds en ville. J'aimerais donc que tu ailles faire des courses pour moi. Si ça ne te dérange pas. (Il tourna son regard vers l'entassement d'instruments de constructions) Comme tu le vois, avec ce qui a survécu, je ne pense pas que ce sera suffisant pour reconstruire un chez-moi décent. Tu n'aurais pas un feutre et une feuille de papier pour écrire quoi acheter... ?

— Je ne suis pas sorti avec mon sac... Mais vous pouvez toujours lister. Je retiens facilement les choses.

Barth lui lista alors tout ce dont il avait besoin en fouillant dans ses dernières économies. Mais peu lui importait. A quoi bon avoir l'argent, si l'on n'a pas un toit ? Il n'aurait qu'à attendre le mois prochain pour toucher sa pension mensuelle. De plus, son fusil de chasse était toujours opérationnel pour débusquer de quoi manger. Il n'était donc pas inquiété.

— Monsieur Knut, lui dit Ethan en remontant sur son vélo. Vous avez pleuré ?

— Oh !

Il avait remarqué des traces qui avaient témoigné de la présence des larmes dans ses yeux.

— Les pleurs d'un vieil homme ne sont pas si importants, fiston, sourit-il. Si tu veux, Ecarlate peut t'accompagner. Cela me laissera le temps de concevoir un plan.

Ethan n'était pas partant à cette idée. Marcher avec elle était quelque chose qu'il voulait beaucoup éviter. Mais avec ce sentiment d'insécurité s'il osait la vexer... il eut du mal à réfléchir.

— Si elle le veut, dit-il enfin.

Ecarlate posa une hache sur le tas d'instrument, s'épousseta en se débarrassant des morceaux de neiges qui essayaient de passer à travers la fermeture-éclair de son survêt, et marcha vers lui.

— N'oublie pas de nous acheter des bonnets... ajouta Barth. Cet hiver s'annonce glacial.

Ecarlate rejoignit Ethan, et ils purent ainsi s'en aller en direction de la ville.

Arrivés à l'entrée d'Erland, ils constatèrent qu'il y avait encore des personnes qui n'avaient toujours pas fini le grand ménage. Les routes étaient encore envahies par des camions-éboueurs qui recevaient des débris et des déchets des maisons. Il y en avait dans chaque intersection.

— La quincaillerie doit être débordée après ce que la tempête a fait, fit remarquer Ethan. Les boutiques aussi.

Ils continuèrent à marcher, croisant au passage des habitants qui se demandaient qui était cette jeune fille qui l'accompagnait, étant donné qu'à Erland, tout le monde connaissait tout le monde. Ils n'avaient jamais vu Ecarlate auparavant. Cependant, en compagnie d'Ethan, ils durent acquiescer le fait qu'elle était venue passer des vacances chez lui ou autres raisons du genre. Peut-être, était-ce sa cousine.

Les bords de routes se garnissaient de neige, et certains recoins étaient déjà envahis par des dunes et de minuscules montées de neiges. Autant dire qu'il y en avait qui en profitait. Surtout les plus jeunes qui se jetaient carrément dessus sous les regards inquiets des voisins.

En continuant leur route, Ethan et Ecarlate virent le véhicule d'un policier passer devant eux, près d'une intersection. Ce dernier les salua au passage et continua sa route.

Ils finirent enfin par arriver à la quincaillerie. Et comme Ethan s'en doutait, elle était bondée. Des allers-retours, ils en voyaient beaucoup. A tel point qu'une deuxième entrée avait été nécessaire pour faire office de deuxième sortie. Ainsi, il y avait une porte d'entrée et deux portes de sortie.

Ils s'y avancèrent, et Ethan gara son vélo à côté avant d'entrer avec Ecarlate dans la boutique. D'abord, ils devaient affronter la file infinie de personnes qui essayaient de se répartir dans la boutique qui déjà, n'était pas très grande. Ensuite traverser la pièce principale réservée aux objets du quotidien. Pour enfin, se retrouver dans l'entrepôt.

— Ecarlate ? demanda Ethan en lançant un regard derrière lui. Tu es toujours là ?

— Oui... répondit-elle pendant qu'une personne, sortie de nulle part, s'incrusta dans la rangée, entre eux deux.

— Ne t'éloigne pas.

— Je sais.

Ethan repassa dans sa tête les instruments dont avait besoin Barth pour reconstruire sa cabane. Un mètre ruban, une scie, un marteau, un burin, un tournevis, une pelle, une truelle, une taloche. Le compte était un bon.

Une épaule le percuta par derrière, le faisant décaler sur le côté. Avec une telle foule, comment était-ce possible de se déplacer librement jusqu'à l'entrepôt d'outils ? Il lança un autre regard derrière lui. C'était maintenant sept personnes qui le séparaient d'Ecarlate. Sa prière à ce moment, était qu'elle garde son calme. Et ce fut le cas. Son regard était fixé sur lui, et ne semblait pas vouloir le lâcher. Ethan en conclut donc qu'elle ne le lâcherait pas.

30 minutes d'effort à se débattre dans le bouchon était nécessaire à Ethan pour arriver dans l'entrepôt d'outils où il y avait enfin assez d'espace pour se déplacer librement. La pièce était aérée par huit fenêtres d'envergure de deux bras soudés, et les outils étaient rangés sur des étagères numérotées. Les instruments les plus lourds étaient en bas, et le plus légers en haut. Il y avait aussi un stock de sac adéquat pour le transport des outils. Ethan en prit un et commença à le remplir de ce dont Barth avait besoin. Ecarlate arriva et l'aida.

Une fois finis, ils se dirigèrent auprès du caissier et étalèrent les marchandises.

— Vous voulez refaire les meubles ? leur demanda-t-il.

— On peut les avoir ? s'impatienta Ethan.

— Il n'y a pas de quoi s'impatienter, reprit le caissier en sortant un ticket. Les jeunes...

Ethan paya et ils sortirent avec les instruments. Arrivés dans le parking, Ethan accrocha le paquet sur un guidon de son vélo, étant donné que c'était quand même lourd. Et ils purent reprendre la route.