ECARLATE

1.17 - Coupure générale

Barthélemy était calme. Ou du moins, il s'efforçait de le rester.

Le shérif ne le portait pas vraiment dans son cœur. Il avait peur que cela joue à son désavantage. Et ce, pendant qu'il attendait dans la salle d'interrogatoire. Mains menottées sur la table.

Pourtant, c'est lorsque sa barbe commença à gratter qu'il leva sa tête en direction de la porte d'entrée et dit :

— Mon menton... ça gratte.

Il cambra sa tête vers ses mains pour se soulager, mais cela lui couta beaucoup d'efforts. Sa colonne vertébrale n'était plus ce qu'elle avait été.

L'instant d'après, Astrid entra avec la mèche recouverte dans un tissu qu'elle déposa sur la table, juste devant lui. À son expression sauvage, Barth pouvait y lire de la rancune. Il pouvait y lire du mépris. Mais, en même du temps, du triomphe.

Elle referma ensuite la porte derrière elle et s'assit en croisant ses mains.

— Vous m'avez arrêté pour entrave à une enquête policière, à ce que je sache. Pourquoi me faire subir ça ? Je ne suis pourtant pas mêlé à une affaire de meurtre.

— Vous connaissant, Knut, il vaut mieux être prudent. (Elle poussa la mèche vers lui.) Maintenant, vous allez me dire ce que c'est. Et ne m'obligez pas à le découvrir. Avouez et finissons-en.

— Vous avez trouvé une mèche de cheveux dans les bois, okay. Mais, je ne suis pas le seul à fréquenter cet endroit.

— Vous y chassez, Knut. Qu'est-ce qu'il vous manque pour simplement avouer ? Ça ne coute rien de dire : « J'ai vu une fille perdue... je l'ai amadouée... je l'ai violée... je l'ai tuée... je l'ai enterrée... mais j'aurais dû remarquer cette chevelure. »

— Une chevelure qui produit des brins d'étincelles ?

— C'est pour cela que je veux que vous me l'expliquiez, vous-même ? Peut-être que votre version aura quelque chose de logique, vous en pensez quoi ? Car jusqu'à preuve du contraire, vous... vous... vous ne l'auriez pas électrocutée par hasard ?

— Avec quoi ? Je n'ai rien d'électrique chez moi. Vous ne me permettez même pas de me fournir en électricité.

— Vous avez peut-être trouvé un moyen, on ne sait pas.

Barth perdit patience et reprit en haussant le ton :

— Je ne les ai pas tuées ! Combien de fois je vais devoir le répéter ?

— Je ne vous parle pas de ce que vous aviez commis dans le passé, Knut.

— Bertil a eu peur. Il vous a raconté des conneries. Croyez-vous vraiment à l'existence d'un être comme elle ?

— Peut-être s'agissait-il d'un effet d'optique. Quand on vieillit, la vision se détériore pas mal. Et c'est vrai que je ne peux pas le croire sur parole. Mais de tout ce qu'il a déclaré, un fait s'est avéré. Et la preuve, la voici. (Elle lança un regard à la mèche.) Alors, je le répète une dernière fois : que savez-vous de cette mèche ?

À cet instant, des pensées fusèrent dans la tête du vieil homme. Qu'est-ce qu'il avait à perdre à lui dire ? Il n'avait qu'à tout lui raconter. Le problème : le croirait-elle ? Elle avait prouvé à plusieurs reprises qu'elle ne croirait jamais à ses versions des faits. Alors, imaginer sortir une histoire aussi invraisemblable que celle d'Ecarlate... Autant ne rien dire et voir ce qui se passerait par la suite. Sur ces pensées, il boucla ses lèvres qui continuaient de vibrer.

— Vous ne voulez rien dire alors ? C'est vous qui voyez. (Elle se leva.) Attendez-moi là.

Astrid sourit et prit la mèche à travers le tissu. Cela étant, elle commença à la scruter et à observer ce circuit électrique qui faisait des allers-retours d'un bout à l'autre de la brindille de cheveux.

Cependant, en se dirigeant vers la porte, elle remarqua que la mèche avait commencé à changer de couleur, virant au rouge. Ensuite, une décharge la frappa à la main, lui arrachant un petit cri de douleur. Le brin tomba à terre et se mit à se tordre en balançant des étincelles autour d'elle.

Astrid dut effectuer des pas arrière pour ne pas être électrocutée dans le champ de la mèche.

— Knut !

— Quoi ? Ça aussi, vous allez me le mettre sur le dos ? rugit-il en commençant à paniquer.

Barth était menotté sur une table en métal : si l'un des éclairs entrait en contact avec ne fis qu'un bout de la table, il se retrouverait électrocuté aussi. Ainsi, il usa des dernières forces qui lui restaient pour faire pencher la table sur le côté, loin de la mèche. Seulement, il tomba sur les fesses et la table s'effondra sur lui. 

Astrid fit sortir son talkie-walkie pour appeler de l'aide, mais l'appareil grilla dès l'instant où elle le prit.

La mèche devint écarlate et dans un bruit strident, commença à se consumer elle-même en relâchant tout ce qu'elle avait. Puis un flash plus que lumineux s'ensuivit, accompagné d'un hurlement assourdissant qui vint taire l'agonie du brin agité. De cette explosion de lumière, en résultat une coupure générale dans toute la ville. Le flash de l'explosion fut si brutal et aveuglant qu'Astrid et Barth furent forcés à se protéger les yeux.

Puis, plus rien. Que des traces de suies sur le sol où se tenait la mèche.

Astrid, encore sonnée et accrochée à la porte, s'avança avec précaution. En même temps, d'autres agents arrivaient sur le lieu, ne cessant de questionner : « Qu'est-ce qui s'est passé ? ». L'un d'eux aida Barth à se relever en poussant la table qui le dominait. Lui aussi avait l'air sonné. Venaient-ils d'échapper de près à la mort ?

— Mon talkie-walkie n'a pas... fit soudain Astrid en essayant de reprendre son souffle. Qu'est-ce qui s'est passé de votre côté ?

— Les machines ont grillé, puis il y a eu coupure de courant.

— C'est compris. En entendant, Ramenez Knut dans sa cellule, le temps de reprendre mes esprits.

Elle chancela vers la porte, et quand l'un de ses agents voulut l'aider, elle le repoussa :

— Ça va, je ne suis pas morte. C'est déjà ça. Occupez-vous de Knut.

Barthélemy fut emmené dans sa cellule pendant qu'Astrid chancelait jusqu'à son bureau. Elle scruta sa main droite et constata qu'il y avait des traces de brûlures.

Elle grimaça puis sortit une boite à pharmacie de l'étagère de son poste de travail.

— C'était quoi ça ?