CHAPITRE 21

35 7 2
                                    

Liv et Ethan s'éloignaient du port, sous un ciel qui virait au gris sombre, envahi de nuages qui ressemblaient plus à des brumes hostiles qu'à cette amicale masse grise-blanchâtre qu'on lui connaissait. Et le vent prenait de l'ampleur à chaque minute qui passait.

Ethan marchait derrière Liv, en portant ce qui restait de sa bicyclette.

Face à une Liv bavarde, il avait du mal à isoler ses pensées. A chaque fois qu'il pensait qu'elle en avait fini, elle reprenait de plus belle avec un nouveau sujet. Ethan n'appréciait pas vraiment ces genres de personne.

Je préfère la compagnie de l'autre, pensa-t-il pendant qu'ils s'approchaient du fourgon.

Le gros véhicule était aussi grand qu'un autobus. Mais que diable pouvaient-ils faire avec autant de matériels ?

La portière arrière s'était un peu décalée sur le côté, laissant à Ethan l'occasion d'entrevoir trois superordinateurs, reliés les unes aux autres par des câbles, eux-mêmes connectés au canal installé au-dessus du fourgon. Il se pencha encore plus pour voir à travers la vitrine blindée au fond noir, mais ne put voir rien de plus que ces trois superordinateurs que deux hommes raccordaient.

L'inquiétude monta au moment où il constata qu'ils étaient armés et que leurs armes étaient loin d'être conventionnelles. On aurait dit de jouets adaptés au monde réel, accroché à leurs ceintures.

Lorsqu'ils s'approchèrent, il dût ralentir son allure, car ces hommes imposants lui parurent menaçant dès l'instant où il croisa le regard de l'un d'eux, qui mettait en place l'antenne. Est-ce ces matériels qu'on utilise pour enquêter sur la cause de la rareté des créatures marines ? se demanda Ethan. Là, Liv, comme si elle lisait dans sa tête, reprit :

— Nous savons ce que nous faisons, Ethan. Oh ! J'adore ce nom : Ethan.

— Hum...

— Savais-tu que certains poissons étaient sensibles aux minuscules flux électriques naturels de l'océan ?

Que faire de cette information ? pensa à nouveau Ethan. C'était eux les spécialistes, pas lui.

— A quoi va servir l'antenne ?

— Pas n'importe quelle antenne... ? élargit-elle son sourire. Chaque être vivant laisse des traces de son passages, aussi infimes soient-elles. Ça peut être une odeur, un écho... même une ensine. Prenons par exemple (Elle s'arrêta, se tourna vers lui et lui tint le menton.) Vous vous trouvez là, n'est-ce pas ?

— Euh... vous pourriez éviter de me toucher comme ça ? C'est très gênant.

— Oh ! Je vous demande pardon. Je veux juste vous montrer quelque chose. (Elle tira son menton de telle sorte qu'Ethan se décale sur le côté.) vous venez de quitter d'un point A vers un point B. Jusque-là, vous comprenez ?

— On peut dire...

— Maintenant (Elle fit des gestes circulaires sur l'endroit où il se trouvait quelque second avant.), imaginez que des traces de votre présences occupent maintenant cette espace. Cet endroit. Un peu comme un ombre qui prend du temps à se dissiper.

— Vous voulez dire que cette antenne peut... ?

— Effectivement. Peu importe où nous allons, tant que nous quittons d'un point A vers un point B, nous laisserons toujours des traces ayant témoigné de notre présence quelque part. Que ce soit la respiration, l'odeur. Rien ne s'efface complètement dans la physique.

— Je ne vois pas mon ombre, ni ma sueur.

— C'est ça que notre micro-science essaie de traiter. Des infimes particules témoignant du passage d'un être quelconque. Beaucoup ont du mal à l'imaginer, mais certaines bactéries peuvent prendre des années avant de se dissiper, quitte à se reproduire par milliers. Juste qu'il manque du matériel adéquat pour les analyser. Chose que nous avons. (Elle tourna son regard vers le fourgon.) Nous pourrons analyser les flux des bancs poissons, en essayant de comprendre à partir de quel moment, ces flux sont devenus irréguliers. Ainsi, nous pourrons identifier le problème. Ma théorie est simple : un flux électrique s'est immiscé dans le flux migratoire de nos chers amis à nageoirs, ce qui forme comme une sorte de barrière.

— Wow, répondit Ethan d'un ton qui voulait dire : « Je n'en ai rien à foutre. »

— Si tu veux, je pourrais t'expliquer tout en cours de route.

— Je préfère discuter sur autre chose.

— Ah bon ?! Moi aussi. Mes collègues pensent que je suis accro à la science. Ils oublient que j'adore...

— C'est parti pour un tour, soupira Ethan.

Ils arrivèrent près du fourgon, et tout sembla être prêt. Plus que quelques petits détails à régler puis ce serait bon.

L'un des hommes de Liv descendit du côté conducteur et s'avança vers eux.

— Tout est bon, madame Ivar... Nous sommes prêts, dit-il de sa voix lourde et imposante. (Il lança un regard à Ethan.)

— Oh ! Je te présente Ethan. Mon hôte. Je me suis proposé de le raccompagner. Vu la tempête qui approche, ce serait juste non ?

L'homme sembla lancer un soupire de dédain, et grogna de plus belle. Mais il acquiesça de la tête et retourna. Cependant, au moment où il remontait dans le fourgon, Liv l'interrompit :

— Si ça ne vous dérange pas, c'est moi qui vais conduire. Je m'assiérai devant avec Ethan. Tu peux aller à l'arrière.

L'homme, visiblement en colère maintenant, acquiesça à nouveau et monta derrière.

— Tu viens ? demanda Liv en l'intention d'Ethan.

Ce dernier haussa les épaules et s'exécuta. Le fourgon démarra et s'en alla.

— Il y a une chose que je ne comprends pas, fit remarquer Ethan pendant que le véhicule bifurquait sur la voie principale. Si tous les matériels électriques ont grillé comme vous le dites, pourquoi les vôtres ont l'air de fonctionner ?

— Tout est question de technologie, Ethan. Notre technologie ne vient de n'importe où, j'te rappelle ?

Ethan parut intrigué par ce qu'elle venait de dire. Vu la lourdeur du matériel qu'ils avaient à leur disposition, pourquoi opter pour ce type travail ? Enquêter sur les phénomènes que traversait Erland. Avec tout ce dont ils avaient à disposition, ils pouvaient accomplir tout autre chose de bien plus grand. Réaliser l'impossible. Mais ils se rabattaient sur : « Découvrir pourquoi les poissons se font rares. ». Toutefois, ce n'était pas important, jugea-t-il, chacun fait ce qu'il aime faire.

— Mon vélo, dit Ethan en se rappelant qu'il avait apporté sa bicyclette.

— Comme neuf, lui sourit Liv. Mes hommes savent faire de merveilles avec des outils.

— C'est ici, reprit-il en pointant du doigt sa maison.

— Oh ! J'adore votre présence. Vous ne pourriez pas rester encore quelques instants avec moi ?

— Non !

— Okay... Okay... J'espérais juste que... J'espère qu'on se reverra et qu'on pourra encore parler.

Ethan grogna et le fourgon s'arrêta devant la grille de la parcelle.

Ethan voulut descendre, mais fut tiqué par quelque chose. Sur le tableau de bord, il crut remarquer des points de différentes couleurs indiquant différents endroits d'Erland. En légende : vert – bas, bleu – moyen, orange – fort, rouge – fort élevé.

Il n'aurait bien sûr pas été intrigué si cela ne le concernait pas. Mais il n'y avait qu'un point rouge. Et ce point rouge, c'était lui, car il vit en commentaire, à côté du point : « Eth. ».

Son attention fut ensuite déviée par le sourire de Liv qui lui refermait la portière.

— Tu ferais de mieux de te mettre à l'abri. La tempête s'annonce violente. Vous n'avez pas de sous-sol ?

— Au revoir, lui répondit-il en lui faisant dos avec son vélo réparé. Et il rentra enfin chez lui.

L'un des hommes Liv vint prendre place à côté de cette dernière, au siège voisin puis d'une mine froissée dit :

— C'est lui, c'est ça ?

— Ne le brusquons pas, répondit-elle en changeant soudain le ton de son visage. Ce n'est qu'une question de temps.

Le véhicule démarra puis disparut.

ECARLATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant