CHAPITRE 31

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PHASE 2 : APRES LA TEMPETE

Le lendemain matin, aux environs de 6h, tout le monde à Erland avait pris le temps de reprendre ses esprits avant de se rendre compte des dégâts occasionnés par la tempête. L'inondation qui prenait du temps à se vidanger, des débris (arbres déracinés, morceaux de bois, déchets, etc..), les morceaux arrachés des bâtiments fragiles, des verres et vitres brisées. Au niveau de la côte, c'était encore pire. Elle était complètement ravagée et transformée en un tas de décharge.

En rentrant chez elle, Astrid avait dû crier à gorge déployée pour que sa fille ne l'entende et ne vienne lui ouvrir la porte. Cette dernière était donc sortie en sa direction. Astrid n'avait pas mis longtemps à comprendre qu'elle avait une plaie sur la plante de son pieds droit, à la façon dont elle boitait vers elle.

Kristina lui avait alors expliqué qu'il s'agissait d'un morceau de la fenêtre de sa chambre. Et avait aussi trouvé une autre explication pour Vigo qui venait aussi de reprendre conscience et s'amusait dans la salle d'eau. Astrid était trop fatiguée pour réagir, ainsi, elle avait accepté de passer l'éponge.

Du côté des Holger, au moment où Mickaël et Nils se réveillaient, Ethan se tenait déjà à côté. Eux aussi avaient été trop sonnés pour commenter quoi que ce fût. Alors, comme tout le monde à Erland, ils s'étaient mis à réparer la maison, la débarrassant de tout ce qui avait été détruit, brisé, cassé, et rangeant ce qui avait réussi à rester en assez bon état.

Aux alentours de 9h, toutes les parcelles d'Erland avaient été inondées de tout ce qu'ils avaient débarrassé de leurs maisons, attendant patiemment les camions vide-ordures. L'eau en surplus avait jauni certaines herbes. Les buissons qui délimitaient les parcelles s'étaient complètement affaissées.

Du travail, il y en avait énormément. Entre s'occuper des maisons, des parcelles et des boutiques ; s'occuper de nettoyer les routes envahies par des résidus de diverses tailles ; et le plus dur, s'occuper de la côte. Des grues, et des camions de déboisement avaient dû d'ailleurs être commandés de la ville voisine pour s'en charger.

Tout ce remue-ménage dura toute l'avant-midi, allant même jusqu'aux environs de 2h.

— C'est vous le maire, oui ou non ? criait quelqu'un dans la foule rassemblée autour du fourgon de ce dernier.

La portière du fourgon était équipée d'une courte échelle sur laquelle le maire avait tendance à se poser pour parler à la population. Et ce jour-là, la quasi-totalité d'Erland l'encerclait en protestant et en se plaignant bruyamment, pendant qu'il essayait de reprendre la situation en main. Sa secrétaire, se battait aux côtés d'agents de l'ordre pour maintenir certains à une distance considérable de lui. La tension était à son comble. Personne ne laissait à l'autre l'occasion de parler.

— Calmons-nous, clamait le maire, je ne vois pas en quoi s'échauffer les esprits pourrait arranger quoi que ce soit à notre situation.

— C'est vous le maire non ?!!

— Nous n'avons plus de courant, nos maisons ont été saccagées et... !

— On a à peine pu sauver nos meubles... nos maisons ressemblent maintenant à des pièces sans meuble, il... !

— Nos buissons... vous prenez ça au moins en compte ? !

— Voyons, tentait le maire. Pas tous à la fois quand même.

— Et les poissons ? Maintenant que le hangar à bateau est détruit !

— Nos bateaux aussi... !

Le maire voulait se faire petit. Personne ne lui laissait le temps de parler. Et malgré la fraîcheur de l'approche de l'hiver, il transpirait. Stresse et confusion d'esprit l'assaillaient.

— Le port est détruit... ! Nous n'avons plus de quoi... !

— ...Laissez-moi parler d'abord... !

— Non... c'est ma famille et moi qui avons le plus bavé... !

— Votre télé n'est pas partie en mille morceaux, je vous signale !

— Ces riches, toujours là à dramatiser pour des choses inutiles... !

— Avoir une télé ne fait pas de nous des riches, juste des gens civilisés !

— Qu'est-ce que tu viens de dire là !?

Les deux hommes qui se disputaient voulurent se jeter l'un sur l'autre à travers la foule qui les séparaient quand une détonation retentit.

Ils lancèrent un regard vers l'origine su bruit et virent Liv en compagnie de ses quinze hommes. Ils se tenaient à côté de leur fourgon, et étaient armés.

C'était Liv qui avait tiré en l'air. En voyant qu'elle avait obtenu l'attention de tous, elle sortit un haut-parleur du véhicule, toussa et dit d'une voix qui se voulait douce :

— Qui est le maire de cette ville ? Vous croyez peut-être que s'acharner sur lui de cette manière finira par arranger la situation ? Je vous demanderais donc de bien vouloir vous calmer, et d'exposer un à un la situation. Puis, nous écouterons la voix de maire. Soyons raisonnable, s'il vous plaît.

La foule sembla se calmer, et Liv croisa ses bras en direction du maire, en entendant son verdict. Ce dernier, toujours suant, la remercia dans son for intérieur.

— ­Erland fait face à une situation qu'il n'avait jamais vécu, reprit-il. C'est indéniable. Pour être tout à fait franc, nous n'étions pas préparés à affronter tant d'événements de cette ampleur. D'abord, la pêche qui est devenue infructueuse, ensuite la coupure de courant, et enfin la tempête qui nous achève. Mais est-ce pour cette raison que nous devons nous inquiéter ? A défaut d'être une petite ville balnéaire aux large de l'atlantique, ne sommes-nous pas une communauté ? En tant que maire, je me dois d'assurer le bien-être de tout le monde sans exception.

— Quelle solution envisagez-vous alors ? demanda une journaliste dans la foule.

— C'est une bonne question. (Le maire fouilla dans le regard de foule et croisa celui d'une sexagénaire.) madame Pearl... (Elle hocha la tête) Votre boutique est toujours opérationnelle, n'est-ce pas ?

— Oui, mais tous mes articles étaient collectionnés dans des caisses vitrées.

— Pas grave mais vos articles sont toujours... ?

— Certains... Enfin, j'crois.

— Qu'avez-vous en tête monsieur le maire ? demanda la journaliste.

— Nous avons tous beaucoup perdu au cours de cette tempête, mais nous disposons encore des biens qui pourraient nous servir.

— A.. ?

— Une foire.

A ce mot, des rumeurs s'élevèrent dans la foule, la plupart étant constituées de protestation voulant dire : « Il est devenu fou. »

— Comment voulez-vous organiser une foire alors qu'on n'a plus rien à offrir !

— C'est vrai ! Notre première source économique est en carence !

— Sans compter le port rasé !

— J'aurais dû quitter cette ville quand j'en avais l'occasion !

— Dis-donc, calmons-nous d'abord. Si nous nous mettions d'arrache-pied à reconstituer la ville, nous pourrions sortir de ce fossé. (Le maire avala à grosse gorgée sa salive et continua:) Madame Pearl, dans votre boutique, vous vendez des coquillages, des perles, des ressources précieuse et belles à attirer le regard. Des jolis articles. Et même de vieux livres d'histoire, n'est-ce pas ?

— Et pour la pêche... ? On fait comment ?

— Les spécialistes avancent... je suis sûr qu'ils ont trouvé une solution.

Les regards de tout le monde se tournèrent vers Liv et son équipe.

Liv Ivar bomba le torse et leur afficha son habituel sourire.

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