A coeur ouvert

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Alors qu'Ethan s'apprêtait à voir les larmes d'Ecarlate pour la première fois, cette dernière se ressasit et ne lui accorda pas ce privilège.

Elle redressa ensuite sa tête et le fixa  d'un air neutre.

— C'est bon ? Tu as fini ? demanda-t-il.

— Oui, siffla-t-elle. J'ai fini.

— On peut toujours demander à Barth de nous construire quelque chose, reprit Ethan dans l'espoir d'attenuer le malaise. Si ça lui prenait du temps, on pourra toujours attendre demain.

— Dans deux semaines et demi, ce sera la fin de l'année.

— Avancer sans savoir par quel moyen, c'est im-pos-si-ble. Maintenant qu'on a une piste, on ne sait pas comment faire. Propose-moi quelque chose alors.

— Tu peux construire un radeau, toi.

— Sans blague ?

— J'ai lu un livre qui parle de comment le faire. Je peux te montrer.

Ethan soupira mais acquiesça de la tête. Toutefois, dans cette partie d'Erland, il n'y avait aucun arbre à l'horizon. Tout était dominé par des reliefs rocheux et parfois tranchants. Et aussi de touffes d'herbes.

Ils décidèrent donc de rebrousser chemin.

— Ethan ? demanda Ecarlate alors qu'il descendait une colline.

— Hm ?

— Je peux te poser une question ?

— Vas y...

— Barth m'a informé que tu imaginais des mondes. Il m'a parlé du roman qui te tient tant à cœur. Est-ce que l'écrire est vital pour toi?

— Tu veux vraiment le savoir ?

— Oui.

— Au tout début, c'était une idée qui ne cessait de revenir dans ma tête. Toutes mes pensées étaient focalisées sur cette idée. Puis j'ai laissé tomber un moment. Ensuite, après ta rencontre, c'était pour me débarrasser de toi. Car la plupart de chose qui m'arrivait ou se produisait à Erland, me donnait une impression de déjà vu. Je sais que c'est insensé, mais je me suis dit que je pouvais prédire l'avenir en écrivant. Je me suis donc dit qu'en me mettant au travail, je finirai par tomber sur un indice pour trouver l'éclair.

— Tu écris pour te débarrasser de moi ?

— Au début. Maintenant, c'est à cause de Nils.

— Je ne l'aime pas. Nils.

— Pourtant sans lui, je n'aurais pas été motivé à vouloir t'aider. C'est lui qui m'a encouragé à vouloir le faire. Du coup, j'ai décidé de vraiment écrire pour...

— Pour...?

— Je ne te le dirai pas. (Ethan rougit d'embarras.). C'est gênant.

— Pour... ?

— N'insiste pas. Garde juste en tête, que je t'aide parce que j'en ai envie maintenant.

— Pour... ?

— Ecarlate !

— J'ai appris que les hommes s'agaçaient facilement lorsqu'on répétait la même question inlassablement. Généralement, ça finit pour obtenir la réponse. Pour ?

— Tu veux vraiment jouer à ce jeu ?

— Pour ?

— D'accord... d'accord... j'écris pour vivre une aventure avec toi. Ça te va ? Satisfaite? Je me suis dit que peut-être en écrivant, j'influencerai sur ce qui arrivera.

— Tu as des visions... ? Tu transpose tes visions?

— Un roman, je préfère. Mais je ne suis pas sûr. Je ne prédis pas... ça ne peut pas être vrai.

— Pourtant quelque chose en toi te pousse à croire que tout ce que tu écris devient réel, pas vrai ? On l'appelle "l'intuition".

— Je t'avais dit que c'était gênant.

— Pas du tout. Je trouve ça normal, au contraire. Ça montre que tu espère en quelque chose.

— Wow...

— Quoi ?

— C'est la première fois qu'on discute vraiment, toi et moi. D'habitude, ce sont des menaces auxquelles j'ai droit.

— J'apprends à vivre comme vous.

— J'aimerais que tu gardes ce côté sympa de toi, tu veux bien ? mais tu peux te débarrasser du côté pleurnichard. Ça ne te va vraiment pas.

— J'ai appris que pleurer pouvait faire compatir les autres.

— C'est pour cela que tu as essayé de pleurer comme une gamine tout à l'heure ?

— Je ne suis pas une gamine...

Ethan avait du mal à le croire. Il discutait aisément avec elle, et elle était réactif. Était-ce dû au fait qu'elle avait mis ses sentiments à nues ? Même si elle gardait cette expression déroutant dans son regard?

Elle aussi se plaisait dans la conversation.

Au moment où ils débouchaient en ville, une voix lointaine leur fut lancée.

— Hey !!!

Ils se retournèrent et virent Anders et Kristina qui couraient vers eux.

— Je savais que c'était vous, dit-elle au loin pendant qu'elle s'essoufflait à descendre une petite colline d'où des gens reconstruction les ligablos. Je vous ai entendus.

— Ralentis Kristina... tu vas glisser !!! l'alerta Anders.

Mais trop tard, la jambe de Kristina heurta un rocher qui dépassait d'une dune de neige et commença à rouler vers eux.

ECARLATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant