A contrecœur, Le shérif Sven se dirigeait vers la salle d'autopsie, en compagnie de la thanatopractrice qui s'apprêtait à sortir le corps de son empaquetage. La pièce dans laquelle elles se trouvaient avaient une allure assez sinistre. Les murs, composés principalement en carreaux gris-blanc, produisaient une sorte d'odeur de mort que seuls les habitués pouvaient encaisser.
Astrid Sven avait toujours eu horreur de venir dans un tel endroit. Le mur et le pavé avaient beau être entretenus régulièrement, ces tables en acier brillant dont la seule utilité étaient d'accueillir les morts, la répugnaient. Il y en avait cinq en tout. Et elles étaient recouvertes d'une sorte de peau en sachet léger.
Alors que le shérif s'avançait vers le cadavre empaqueté dans un étui, la thanatopractrice, prénommée Aaricia, mit ses gangs de son habituel ton las. On ne pouvait pas dire qu'elle aimait son travail. Aaricia mit donc son gang, et s'avança vers le shérif :
- Shérif Sven, fit-elle.
- Aaricia, vous avez réussi à identifier le cadavre ?
- Ce n'est pas vraiment mon boulot, moi, répondit-elle en s'étirant. Et tant qu'on n'aura pas rétabli le courant, je ne vois vraiment pas quel matériel utiliser, si ce n'est de procéder par déduction.
- Je sais.
Elle tira sur la fermeture éclair de l'étui, et Astrid ne put réprimer son dégout à la vue du corps noirci, réduit à l'état de croute bosselée, sale et difforme. Des sortes de plaques, surement les restes de ses vêtements, collaient à sa peau. De plus, l'odeur était si nauséabonde qu'elle faillit vomir sur place.
- Je vous avais prévenue, fit Aaricia.
- Je vois, répondit-elle en s'efforçant de ne pas grimacer. Brûlure au... ?
- ... Ce n'est pas la conclusion que je me serais faite si j'étais vous. Mais il y a un peu de ça. La mort a été très rapide, si vous voulez mon avis. (Elle approcha son doigt ganté vers le torse.) Vous voyez ces deux marques ? (Astrid acquiesça de la tête.) Bah, si vous regardez bien, vous allez remarquer que ces plaques convergent vers cette zone. C'est la zone d'impact.
Astrid ne l'avait pas remarqué, mais en y prêtant plus attention, elle parvint à confirmer qu'Aaricia avait raison. Les plaques accrochées au corps convergeaient vers sa poitrine.
- C'est le sang qui a commencé à prendre cher. Ensuite, ont suivi les muscles et enfin le reste du corps. Le tout en un temps record.
- Mort par électrocution ?
- Au bout d'un moment, j'ai cru que vous n'alliez pas trouver la réponse. Vous dites qu'il a été trouvé dans la forêt ?
- Holger et Germund l'ont trouvé dans un buisson dans la forêt, alors qu'ils s'apprêtaient à rentrer.
- Vous croyez que cela a un rapport avec la coupure d'électricité ? La ville tout entière est privée de courant et aucun appareil n'est fonctionnel. A moins d'être frappé par la foudre, je ne trouve aucune autre explication.
- C'est intriguant, je dois l'avouer.
- Vivement le retour de l'électricité, soupira Aaricia. J'ai acheté une nouvelle télé et j'aimerais regarder autre chose que cette pièce sinistre.
- En observant le cadavre, quelle conclusion tirez-vous ? Croyez-vous qu'il s'agisse d'un meurtre ?
- Difficile à dire. Apparemment non : sa mort a été extrêmement rapide si on en juge par l'impact sur son torse. Or, une mort ou "meurtre" par électrocution prend généralement un certain temps avant d'achever sa victime. Je dirais que la mort est survenue dès l'instant où il a plissé les yeux.
- Je vois. Merci.
- Est-ce que j'ai le choix ? soupira Aaricia pendant qu'Astrid se pressait dehors. Je déteste mon travail.
Le shérif Sven sortit de la salle et partit vomir dans les toilettes avant de finalement sortir. La nouvelle de la mort se rependait déjà dans tout Erland. Elle l'avait remarqué alors qu'elle roulait dans ses rues. Les sujets principaux de conversations étaient : « Un cadavre a été trouvé dans la forêt. ». Les parents inquiets devenaient déjà de plus en plus stricts avec leurs enfants.
Erland n'avait pas connu de mort non naturelle depuis la tragédie qu'avait provoquait Barth en tuant sa femme et sa fille. Il était donc évident qu'une graine d'inquiétude ne germe dans leurs esprits, malgré la présence de certains bonhommes de neige qui amusaient les enfants. Toutefois, la graine n'avait pas encore atteint le seuil de la panique. C'était gérable. Car à défaut de participer à la reconstruction d'Erland, certaines personnes s'amusaient déjà à se lancer des boules de neiges.
Astrid en aurait eu le sourire si elle n'avait pas eu en face d'elle, la vision atroce du cadavre noirci qui la répugnait encore. Jamais elle ne s'était sentie dans un tel malaise.
Elle roula jusqu'à arriver devant le domaine de Barth. Ce dernier venait de réussir à terminer l'installation du squelette de sa cabane. A cela s'ajoutait un pavé de bois qui servirait de support à la véranda.
Au prime abord, il ne vit pas Astrid qui arrivait : il était occupé à construire les escaliers de la véranda. Mais lorsqu'il remarqua le véhicule déboucher vers lui, il s'arrêta et relaxa ses muscles.
Astrid descendit et s'avança vers lui.
- Shérif Sven, dit-il.
- Il y a eu un meurtre dans la forêt, fit-elle sans autre forme de salutation.
- Anh... répondit-il en se massant la nuque. J'imagine que vous allez me mettre ça sur le dos. Comme d'habitude.
- Non.
- Ah... C'est bien une première. Vous voulez assoir ?
Barth lui montra les deux chaises en bois qu'il avait construit plus tôt, ainsi qu'un fauteuil à bascule. Mais Astrid croisa ses bras et continua de le fixer.
- Je préfère faire vite. J'ai du travail qui m'attend.
- Ah oui. Reconstruire la ville. Je vous écoute.
Il rangea le marteau et le paquet de clous à côté.
- Vous n'avez rien constaté d'anormal ces derniers temps ?
- Vous parlez de la mèche ? Non. A part la mèche, en tout cas.
- Je crois que la personne à qui appartenait cette mèche est la responsable.
- Pourquoi vous pensez ça ? Peut-être est-ce...
- Vous avez été témoins de ce que la mèche a fait ce jour-là. Je maintiens cette théorie.
- Ah... c'est vous qui voyez. Moi, j'essaie de reconstruire mon chez-moi comme vous le voyez. Dormir sur de la neige, ce n'est pas vraiment agréable.
- Et l'éclair rouge ?
- Quel éclair rouge ?
- Non... Laissez tomber. Je voulais juste vérifier quelque chose.
L'attaque de l'éclair écarlate continuait d'assagir sa tête. Et si c'était l'éclair le responsable ? Ou si la fille et l'éclair n'étaient qu'une seule et même personne ? Elle devait trouver de réponses. Mais comment ?

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ECARLATE
AcciónEthan, jeune adolescent passionné d'écriture et ayant pour projet d'enfin commencer un véritable roman, voit ses plans changés par la venue d'une créature céleste à l'apparence féminine qui le soupçonne de savoir où se dissimule son éclair. Pendant...