ECARLATE

CHAPITRE 46

En rentrant chez lui, Mickaël avait été surpris de trouver Ethan plus tôt à la maison. En sachant que la quête en mer n'était pas encore terminée, il lui avait alors demandé pourquoi était-il déjà rentré. Mais Ethan ne lui avait donné comme réponse qu'un silence agaçant.

Le père sentit que quelque chose n'allait pas. Il arrivait à apercevoir du traumatisme dans son regard. Son fils n'apporta aucune réaction à ses gestes, à ses questions. Et quand il avait essayé de le bousculer un peu, il bégaya.

Ethan avait toujours été un garçon direct. Par ces bégaiements, il en avait conclu que quelque chose lui martelait l'esprit. Il avait eu beau essayer de lui demander, Ethan n'avait pas répondu. Alors, il avait laissé tomber. Pour l'instant.

Maintenant, il se préparait car il faisait partie de ceux qui avaient opté pour redorer le blason de la côte. Pendant qu'il mettait son manteau sur lui, Ethan rêvassait en tournant sa cuillère sur une tasse vide. Il appuyait sa tête sur sa paume, mais tremblait de partout.

Mickaël tenta donc une dernière approche.

- Ethan... parle-moi. Dis-moi quelque chose...

Mais Ethan ne réagit pas. A ce moment, Mickaël regretta d'avoir mis fin à sa relation avec Nils. Lui au moins, aurait réussi à lui arracher un aveu. Mais il abandonna et s'en alla.

De longues minutes plus tard, quelqu'un vint frapper à la porte. Ethan, encore sonné, dut chanceler vers la porte, espérant ne pas perdre équilibre.

- Q-q-qui est-ce ? demanda-t-il.

- C'est moi. Liv Ivar.

- Je n'y retournerai pas, lâcha-t-il.

- On pourrait parler ? Je n'essaierai pas de vous convaincre d'y retourner. Promis.

- Allez-vous-en, s'il vous plaît.

Sa voix était déformée. On aurait cru qu'il sortait d'une large période de bégaiement abondant.

- Hier, vous aviez oublié votre sac avec moi. Ouvrez, s'il vous plaît.

Finissant par céder, et jugeant qu'il n'avait rien à perdre, il lui ouvrit la porte. Il s'effaça ensuite pour la laisser entrer. Elle s'assit sur le canapé, tenant toujours le sac d'Ethan entre ses mains.

- Je ne vais pas vous prendre tout votre temps. Je vous promets.

Ethan s'assit sur le canapé d'en face, et prit appuie sur ses cuisses.

- J'ai bien aimé l'introduction de votre livre, lui dit-elle.

En ce temps de crise, où en plus, un cadavre amoché avait été découvert, elle gardait ce sourire, tout en relativisant. Un sourire qui attisa une petite colère et un agacement grandissant en Ethan. Pourquoi sourire après tout ce qui passait ?

- Si vous le terminez, je paierais pour l'impression. Mais pourquoi avoir choisi le titre " Ecarlate " ?

- C'est pour ça que vous êtes venu me parler ?

- Je vous demande pardon. Je voulais juste... Je veux juste vous dire que vous êtes un garçon qui a bien plus de courage qu'il ne le croit. A votre âge, c'est difficile de s'imaginer s'aventurer dans les entrailles de l'océan. Je ne sais pas vraiment ce que vous avez vu là-bas. J'ai d'ailleurs envoyé un de mes hommes aller y jeter un coup d'œil. Cependant, j'ai du mal à vous imaginer baisser les bras à cause d'une simple frayeur. Oh fait, J'ai lu votre introduction, et je ne peux m'empêcher de voir que vous voulez vous identifier à l'histoire. Je crois que c'est une sorte d'autobiographie fictive, n'est-ce pas ? Ce qui me pousse à penser que peu importe ce que vous avez vu là-bas, ce n'est rien en comparaison de ce que vous avez vécu dans votre enfance, et que vous continuez d'endurer. Encaisser une mère pareille demande plus de courage que vous ne le croyez.

- J'ai vu des cadavres, fit-il soudain alors que ses yeux bondaient de larme d'effroi. Des croutes en forme d'animaux. Brûlés. Sauvagement tués. Et si le cadavre dont on parle avait subi le même sort, alors...

- Alors... ? Avez-vous une idée de ce qui se passe dans cette ville ?

- Non.

Ses yeux avaient rougi. Liv ne pouvait nier qu'elle avait un peu de mal à reconnaître le garçon sûr de soi qu'était Ethan. On aurait dit que sa carapace avait été brisée, mettant à nu un Ethan plus faible, plus effrayé. Toutefois, elle ne savait pas pourquoi elle détestait le voir dans cet état. Elle avait un plan, se servir d'Ethan pour y arriver était une étape. Mais là, elle avait du mal à comprendre pourquoi sa situation la désespérait. A tel point qu'au bout d'un moment, elle faillit perdre son sourire.

- Vous voudriez peut-être qu'on marche. L'air frais de dehors est idéal pour se reprendre les idées.

- Merci de m'avoir ramené mon sac, maintenant je ne veux parler à personne.

Anxieuse, Liv se leva et prit la direction de la porte.

- J'aimerais bien sympathiser avec vous, monsieur Holger. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis fixé un objectif : réussir à gagner votre confiance.

Elle voulut ouvrir la porte quand Ethan l'arrêta.

- Vous n'auriez pas vu un éclair écarlate par hasard ?

A cette question, le sourire de Liv s'élargit. Il avait touché un point qu'elle voulait aborder avec lui.

- Oh, répondit-elle en se retournant vers lui. Difficile à répondre.

- Est-ce que vous pouvez me rendre un service ?

- Tout ce qu'il faudra pour vous prouver que je veux être votre ami.

- Vous pourriez, si vous avez le temps, essayer de localiser un éclair qui sort du lot ? Il a une couleur rouge.

- Bien évidemment. Je vous tiendrai au courant des avancés.

- Merci Liv.

- C'est normal, voyons.

Elle gloussa avant de sortir.

Une trentaine de minutes plus tard, C'est Ecarlate qui frappait à la porte.