CHAPITRE 38

27 6 2
                                    

Le matin du jour suivant, Astrid Sven s'était vêtue et descendait au salon. Kristina, sa fille, prenait son petit déjeuné dans la salle à manger. Toutefois, elle avait remarqué quelque chose d'inhabituel chez sa mère. Elle (stressait ?), s'étonna-t-elle. Kristina n'avait pourtant jamais vraiment vu sa mère dans un tel état. Elle était ce genre de personne à ne jamais accepter le fait qu'elle eût eu tort dans sa vie. Mais là, ce n'était pas l'impression qu'elle manifestait.

- Maman ? lui demanda-t-elle. Ça va ?

- Ça va... ça va... répondit le shérif en la rejoignant à la table à manger.

- On ne dirait pas. (Elle prit une bouché de cacahuète.)

- Passe-moi le sucre.

- A vos ordres (Elle s'exécuta.). C'est aujourd'hui que vous allez récolter les noms. C'est aujourd'hui qu'on commence... c'est peut-être ça qui te stresse.

- Je ne suis pas stressée, Kristina. Et d'ailleurs, je n'ai pas encore pris ton nom. Que comptes-tu faire ?

- Moi, je me chargerai de l'aménagement des ponts... depuis que j'ai ramené Vigo chez ses compagnons. Je me suis dit qu'il serait peut-être temps d'aménager une zone rien que pour eux. En plus, Anders a dit qu'il allait m'aider.

- Anders Solveig ? Je m'attendais à ce qu'il aille en mer, lui. Puisqu'il ne peut s'empêcher d'être le larbin du capitaine Turgis.

- Anders n'est pas un larbin, maman. Il aime ce qu'il fait. C'est déjà honorable.

- Finalement, je n'ai plus faim, répondit-elle en délaissant son petit déjeuner.

Elle se leva, mit son manteau car la neige avait recouvert toute la ville dehors. Il était de temps d'oublier les survêts qui allaient paraître légers face à ce nouveau froid. C'était l'heure des bonnets et de lourds mentaux.

- Maman !

- Quoi ?

- Tu as oublié ton badge.

- Hum... merci... (Elle le prit.)

Quand elle ouvrit la porte, une masse de neige s'écroula sur sa tête, ne manquant pas d'arracher un sourire amusé de la part de Kristina. Le shérif grogna un moment et s'en alla dans son véhicule.

Kristina sortit avec une pelle et chassa la neige qui était tombée sur la véranda. Lorsqu'elle leva ses yeux, elle vit des camions de ratissage traverser Erland. Ils venaient de terminer le port. Un autre groupe de gros porteur se dirigeait maintenant vers la côte, surement pour le processus de reconstruction. Tout le monde s'investissait à sa manière et cela se voyait à travers les gens qui fourmillaient sur la rue.

Kristina rentra, prit son bonnet et son manteau, puis sortit. Elle avait rendez-vous avec Anders, ce dernier l'attendant devant la porte de la grille, dans sa voiture.

Elle referma l'enclos et entra.

- Bien dormi ? lui demanda-t-il. Et la plaie dans ta jambe ?

- Ça va.

- Retrouver la fille, c'est ça ?

- Comment t'as deviné que ce que j'avais en tête ?

- Bah, je te connais assez pour savoir qu'après ce qu'elle a fait, tu aimerais la revoir. Au moins une fois, pour être sûr qu'elle était bien réelle. C'est pour ça que tu as voulu qu'on mette nos noms sur la liste de personne à réparer les quais. Je me trompe ?

- C'est là-bas que je l'ai rencontrée. J'espère qu'elle finira par y pointer à nouveau le bout de son nez.

- Peut-être qu'elle est retournée d'où elle venait.

- Anders... poussa-t-elle, tu as toi-même entendu ce qu'elle ne cessait de répéter : « Mon éclair. Mon éclair. ». Et tu as toi-même dit que tu avais vu une sorte d'éclair rouge. Si ce que tu dis est vrai, alors...

- ...Elle doit être dans les parages.

- Bingo...

- Tu sais que tu peux être aussi têtue que ta mère ?

- Anders... répondit-elle de mauvaise humeur, je n'aime pas qu'on m'identifie à ma mère. Elle est elle, je suis moi.

- D'accord... On va au port ?

- Oui, mais on va d'abord passer par la boutique de madame Pearl.

- Pourquoi ?

- Il m'arrive de temps en temps de lire, tu vois ? Je me suis donc imaginée, me posant la question : "Que ferraient les protagonistes d'un récit quelconque mettant en vedette un être inconnu, à notre place ?" La réponse évidente : chercher à découvrir qui et ce qu'elle est. Et madame Pearl regorge de vieux livres, même antiques. On ne perd rien à essayer là-bas.

- Pourquoi tu penses ça ?

- Peut-être qu'elle n'est pas la seule à avoir foulé les pieds sur terre. Ou même à Erland. Peut-être qu'au moyen-âge où je ne sais pas... Et qu'une légende est apparue à partir des créatures telles qu'elle, on ne sait jamais. Comme par exemple le mythe du loup garou... ce mythe a été fortement alimenté par la bête Gévaudan qui a commis un massacre en France entre 1764 et 1767. (Elle toussa un peu.) Il y a eu beaucoup de légendes qui sont nés du fait qu'on ne trouvait pas d'explication aux différentes visions, différentes apparitions, et j'en passe. Le chupacabra, les vampires, le monstre du Loch-ness et bien plus. Du "Je n'ai pas bien vu pour expliquer". Tu vois un peu ?

- Je vois.

- Alors je me dis qu'une légende à propos d'une créature telle qu'elle, pourrait nous aider.

- Tu t'y connais en Histoire, on dirait.

- Quand j'avais douze ans, j'adorais l'histoire.

- J'avais oublié que ta mère était stricte concernant tes notes en classe.

- On y va ?

- A vos ordres.

Anders passa la vitesse et ils s'en allèrent, tout en prenant le soin d'éviter les gens et les véhicules, voire camion, le long de la route.

Ils arrivèrent devant la boutique qui, comme Kristina le prévoyait, était encore bondée, comme à la journée d'hier. Le maire avait sorti des fonds pour commander des tonnes de vitres, et ils étaient tous stockés dans la boutique de madame Pearl. Cela expliquerait beaucoup. Sans compter le fait que des paquets de verres, des tasses, des objets en porcelaines étaient aussi commandés et stockés. La période la plus chère - financièrement parlant - du maire qui avait l'impression que d'ici peu, il ne resterait plus rien dans sa caisse.

Anders et Kristina entrèrent dans la boutique, et commencèrent à y circuler à la recherche d'indice quelconque.

ECARLATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant