Astrid avait pensé qu'en quittant tôt son bureau, elle serait rentrée bien avant que le tempête ne se déchaîne complètement sur Erland. Mais elle avait eu tort. La tempête avait surpris tout le monde, surtout ceux qui avaient pris leur temps pour s'abriter.
Et tout comme les autres habitants d'Erland, Astrid avait, elle aussi, été surprise par les trois coups de tonnerres.
Le premier coup avait causé le dérapage de sa caisse, cette dernière allant percuter un poteau d'orientation. Sans le coussin gonflable, elle aurait subi bien plus de dégât que cette plaie sur le front côté droit qui gouttait par-dessus son sourcil. Et quand elle avait essayé de se reprendre, en massant le côté saignant de son front, le deuxième venait frapper à son tour. Le cri strident avait accentué ses tournis, et elle avait failli s'évanouir. C'était au troisième coup de tonnerre que son cœur avait lâché presque.
Sa voiture ne voulait pas redémarrer, car le devant de la carrosserie avait été complètement bousillée.
Il y avait aussi des traînées rouges-écarlates dans le ciel.
Elle s'appuya contre le volant pour voir à travers la vitrine, mais à part le rideau argenté de la déferlante pluie, elle ne voyait que ce ciel flou et saupoudré de ces traînées rouges. Elle froissa sa mine et essaya de voir vainement à travers la vitrine, mais toujours rien.
Elle se risqua à ouvrir un tout petit peu la portière quand l'éclair écarlate la vit et chargea sur elle. Astrid eut à peine le temps de se rendre compte de ce qui se passait que, par reflexe, elle refermait déjà la portière. L'éclair s'entrechoqua contre le capot, faisant fondre les pneus au passage.
Astrid, envahi par l'ahurissement se cambra contre le siège.
Elle baissa un tout petit peu la vitrine afin de voir ce qui l'avait attaqué. Cependant, elle ne vit qu'une masse rouge-écarlate qui se tordait derrière le rideau de pluie, et qui prenait du volume. Vu les grésillements qui s'en échappaient, elle comprit qu'il s'agissait d'un éclair. Elle remarqua alors que ce dernier prenait du volume et s'apprêter à frapper à nouveau.
Ainsi, sans réfléchir, elle sortit de l'autre côté du véhicule, et l'éclair fondit sur l'engin.
Elle se retrouvait maintenant ciblée sous l'averse de pluie qui l'empêchait de s'orienter. Toutefois, elle entendait toujours son assaillant derrière elle. Elle se releva, et malgré la pluie qui rendait le terrain boueux, elle se mit à courir maladroitement. Se mettre à l'abri...
Elle passa devant une parcelle, et courut vers la grille. Puis commença à sonner. Mais à son grand désespoir, elle fit constat que la panne avait rendu les sonnettes inutilisables.
L'éclair frôla son visage tout en lui donnant un aperçu de la chaleur qui emmenait de lui. Et alors que sa chevelure se plaquait sur son font à cause de la pluie, elle recommença à courir, espérant tenir bon jusqu'à chez elle. Oups ! Elle avait oublié les clefs de la maison dans la voiture.
L'éclair frappa encore une fois, et s'écrasa à côté de sa jambe, en produisant des gerbes d'étincelles. L'instant d'après, sans prévenir, il cessa l'assaut et partit disparaître dans le ciel.
Astrid, après quelques douloureuses enjambées, sentant que l'éclair ne la poursuivait plus, s'arrêta et essaya de prendre conscience de la situation. Mais la pluie... cette maudite averse s'acharnait contre elle et ne voulait pas la laisser se reposer. Au moins, elle l'avait échappé belle. Elle n'avait jamais eu autant peur de perdre la vie.
Elle éternua une fois.
Sous le sol aux herbes couvertes de boues, accotant la chaussée, elle essaya vainement de se repérer. Jusqu'à ce qu'elle vît une silhouette floue qui ressemblait à un fourgon. C'était peut-être sa chance. Elle chancela encore pendant que le vent la tirait à revers, l'obligeant à fournir des efforts colossaux pour marcher.
Une fois arrivée, elle sentit que la portière était ouverte. Sans se poser de question, elle entra et soupira.
— Je vous demande pardon de...
Mais elle ne termina pas sa phrase quand son regard croisa le sourire de Liv. Elle était au volant et tenait une sorte de pistolet à parabole.
En tant que shérif, il était de son devoir de connaître tout le monde à Erland. Donc, comme son visage ne lui rappelait rien, ses nerfs devinrent à vif.
Elle sentit ensuite la chaleur du siège sur lequel elle était assise, mais l'eau qui ruisselait sur son corps, à travers ses habits, rendaient un peu désagréable cette situation.
— Vous devez être le shérif Sven, ou bien ?
L'atmosphère dans le fourgon donnait l'impression qu'il ne pleuvait pas dehors. Elle tourna donc son regard pour être sûr qu'elle ne rêvait pas. Il pleuvait dehors, mais aucun bruit ne se faisait entendre à l'intérieur.
Elle retourna son regard vers Liv.
Cette dernière appuya sur un bouton du tableau de bord, et un vent chaud vint se joindre à leur compagnie.
— Liv Ivar, reprit-elle en lui tendant sa main. Je suis ravie de faire votre connaissance. J'imagine que vous devez être troublée. (Elle rangea son arme dans la boite-à-gang.) Nous avons été engagés par le maire.
— Vous avez une preuve ? lui demanda-t-elle tout en fournissant l'immense effort de cacher la peur qu'elle avait ressenti un peu plus tôt.
— Bien évidemment...
Elle fouilla dans ses poches et sortit le pass du maire.
Astrid ne pouvait nier qu'en quelques sortes, elle lui avait sauvé la vie. Elle ne devait donc pas être trop stricte avec elle. Et le pass était authentique.
— C'était quoi cette arme que vous teniez à la main ? demanda-t-elle.
— Oh ! (Elle sortit à nouveau l'arme.) ça ? C'est une arme spécialement conçue par mes hommes pour analyser des champs électromagnétiques dans un environnement donné. On peut également l'utiliser comme paratonnerre. Vous voulez essayer ? (Elle la lui tendit.)
— Non merci... ça ira.
— Vous avez l'air mal-en-point...
— Même si je vous le disais, vous ne me croiriez pas de toute façon...
Astrid lança son regard à travers la vitrine. Aucune trace de l'éclair écarlate, à part ses auréoles rougeoyant qui s'incrustait dans l'atmosphère.
— On dirait que vous avez été attaqué, remarqua Liv en voyant des traces de brulures à travers ses bottes.
— Je ne vais pas vous déranger bien longtemps. J'attendrai juste que l'écl... je veux dire : " que la tempête " s'en aille.
— Oh ! Ne vous en faites pas pour ça. C'est un plaisir pour nous d'aider. Ça me fera un peu de compagnie... Mes hommes sont occupés à l'arrière. De quoi voulez-vous qu'on discute en attendant ?
— Vous dites que cette arme analyse les champs électriques... donc, tout ce qui est électrique ?
— En quelque sorte... c'est en observant les comportements des éclairs que nous en sommes venus à ce résultat.
— Donc, ça peut repousser des éclairs ?
— En quelque sortes... ? Ce n'est que théorique hein...
Astrid sembla alors intéressée par l'arme. Elle ne voulait plus ressentir ce danger permanent que lui avait procuré l'éclair. Liv le remarqua et son sourire s'élargit encore plus.
— Vous voulez l'essayer ?
— Et ça ? qu'est-ce que c'est ?
A ce mot, elle se pencha vers le tableau de bord où un bouton avec la légende : « Scanner » était posé et voulut appuyer.
— Non ! Ne touchez pas ! l'alerta Liv.
Mais Astrid avait déjà pressé. D'où, un quatrième tonnerre, plus bruyant et plus puissant que les autres frappa Erland. Le fourgon, pourtant extrêmement bien équipé, ne put tenir face à une telle violence. Les vitrines craquèrent et se brisèrent en balançant sur elles de morceaux.
Au bruit de la pluie, se joignit les bruits de verres qui se brisaient les unes après les autres des maisons en maisons.
Elles s'évanouirent.

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ECARLATE
AksiEthan, jeune adolescent passionné d'écriture et ayant pour projet d'enfin commencer un véritable roman, voit ses plans changés par la venue d'une créature céleste à l'apparence féminine qui le soupçonne de savoir où se dissimule son éclair. Pendant...