1.1 - Un enfant normal

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PHASE 1 : A L'APPROCHE DE LA TEMPÊTE

Tout commença dans un petit quartier d'Erland, composé généralement de parcelles non clôturées dont d'épais buissons délimitaient les terrains. Sous ce ciel gris clair, déroutant les adeptes de la gestion du temps, une maison à l'allure abandonnée sortait du lot. Elle n'était pas grande — juste assez pour contenir deux ou trois personnes. Et pendant que la rue s'animait d'enfants de tout âge s'amusant à courir, à jouer à cache-cache ou à d'autres jeux du genre ; des enfants dont des parents discutaient en sirotant du café sur leurs vérandas, Ethan Holger s'isolait dans la maison esseulée. Dans sa chambre plus précisément, assis sur un escabeau en face d'une petite table. Il y était depuis l'après-midi. 

Ne voulant pas sortir jouer avec les enfants de son âge cet après-midi-là, il avait passé la majeure partie de son temps à ruminer un récit qu'il envisageait de traduire en roman. Ses paumes saillantes imbibaient de sueur le papier-rame sur lequel il écrivait, tandis que la poubelle qui lui tenait compagnie à côté était bondée de papiers froissés et déchirés. Encore une victime de la page blanche. Pourtant, il ne voulait pas se laisser abattre. Plus que déterminé à trouver comment commencer son histoire, il restait planquer là à attendre encore et encore.

Il lança un petit regard à travers la fenêtre d'où il pouvait observer la maison d'en face. Il ne vit qu'un groupe d'enfants jouant au ballon. Peut-être avait-il besoin d'un catalyseur, d'un coup de boost. Mais déçu et désespéré, il froissa ce papier et le jeta à la poubelle, tout en poussant un profond soupire, le temps de tirer une autre feuille de rame de l'étagère.

— Ce n'est pas comme ça que les idées vont t'illuminer, lui fit remarquer son père qui venait d'ouvrir la porte de sa chambre.

— Salut, papa, lui dit-il sans lui lancer le moindre le regard. J'étais en train de... en train de...

— Tu ferais mieux de sortir prendre l'air, lui reprit-il en ramassant la poubelle remplie de papiers froissés. Tu passes la majeure partie de ton temps dans ta chambre à écrire, écrire, encore écrire.

— Excuse-moi si j'ai trouvé un domaine dans lequel j'excelle, lui répondit-il de mauvaise humeur.

— Ethan... tu sais bien que ce n'est pas ce que je sous-entendais. Tu écris bien. Peut-être que tu arriveras à gagner quelque chose avec ce que tu aimes faire, mais essaies d'être au moins un peu réaliste : Tu auras besoin de bien plus qu'écrire pour espérer gagner ta vie.

— Comme pêcher ?

— Ethan...

Le père d'Ethan, remarquant que ce dernier continuait de fixer l'étagère à la recherche d'un nouveau papier-rame, ferma la porte et s'approcha de lui.

— Ethan... ça te dirait de comporter comme un gosse normal pour une fois ? soupira-t-il en se posant sur son lit. Bientôt cinq mois...

— Si tu veux parler de maman... pas la peine... J'étais déjà au courant qu'elle n'avait plus besoin de moi.

Les yeux d'Ethan devinrent humides à ce mot. Mais d'un revers de la main, il balaya la goutte de larme qui voulut s'en échapper. Son père se pencha alors vers lui en soupirant encore une fois.

— Ethan... je sais que ce n'est pas facile pour toi. Tout ça (il balaya la chambre du regard.) C'est nouveau et je peux comprendre. Je me suis battu pour t'avoir près de moi et...

— ... maintenant, je passe mes journées dans ma chambre à imaginer des histoires qui sortent de l'ordinaire pendant que mon père passe ses journées en mer à gérer des poissons sortis tout droit de l'océan. Génial.

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