CHAPITRE 30

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Liv Ivar était assommée contre le volant. Des morceaux de vitrines de la portière garnissaient sa chevelure orangée et tirée en queue de cheval.

C'est lorsque la portière s'ouvrit de son côté qu'une main massive commença à l'agiter doucement. Ce qui eut le mérite de lui arracher un gémissement fatigué. Quand elle ouvrit ses yeux, elle vit, Anthon, l'un de ses hommes, tenant une lampe-torche dans sa main. Elle entendit aussi le ruissèlement d'eau qui avait inondé la ville.

Elle avait des blessures et coupures au niveau du menton, de la joue, ainsi que quelques bleues sur le front.

Elle se redressa en s'adossant sur son dos, et essaya de jauger la situation. Astrid demeurait inconsciente, avec aussi des morceaux de vitrine sur ses cheveux. Elle ramena son regard sur Anthon.

- Le matériel... Toujours opérationnel ? toussa-t-elle.

- En quelques sortes.

- Le matériel a subi des dégâts ? reprit-t-elle d'un air hautain.

- Non...

Elle se massa la nuque et reprit :

- Combien d'hommes ont repris connaissance ?

- Les quinze... c'est vous qui avez enclenché le concentrateur ?

- Évidemment que non, répondit-elle. C'est elle qui l'a fait, elle a failli tout faire rater.

Visage ferme et impassible, Anthon se pencha de côté afin de voir Astrid.

- Elle s'est fait attaquer par l'éclair... fit Liv. Ce qui veut dire que nous ne nous sommes pas trompés. L'éclair se trouve bel et bien ici.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

- Nous n'avions prévu que trois tonnerres, répondit-elle. Et même avec le quatrième, cela n'a pas suffi à attirer la gardienne. Ce qui me pousse à penser à deux conclusions : soit elle n'est pas encore arrivée sur terre, soit elle est mal en point.

- J'ai du mal à comprendre. Pourquoi se préoccuper de la gardienne, alors que l'éclair est la raison pour laquelle vous faites ça.

- Je sais, mais sans elle, l'éclair n'a pas de valeur pour moi. Ce n'est pas de la puissance que je cherche, c'est autre chose. Cependant, tu as raison sur un point : si on trouve l'éclair avant elle, on pourra facilement l'utiliser pour l'attirer.

Astrid gémit à côté.

- Elle est sur le point de se réveiller, fit Liv à l'adresse de l'homme. On en reparlera.

L'homme acquiesça et rentra à l'arrière du fourgon.

Liv tourna ainsi son regard vers le shérif qui se réveillait et sourit :

- Je vois que vous êtes réveillée, shérif, dit-elle.

- Hein...

Les yeux d'Astrid étaient encore plissés, mais elle reprenait tout de même conscience petit à petit.

- Que s'est-il passé ? murmura-t-elle.

- Vous avez actionné le concentrateur... Nous en usions déjà à Condor. Des tempêtes violentes et quotidiennes avaient choisi cette pauvre ville pour cible. Alors nous utilisions le concentrateur pour attirer la foudre ailleurs. (Astrid balaya les bouts de verres de ses cheveux.) En l'actionnant, vous avez attiré le tonnerre sur nous.

- Ma tête... MA FILLE ! combien de temps ai-je été inconsciente ?

- Toute l'après-midi, ainsi que la soirée. Mais ne vous inquiétez-pas. Apparemment tout le monde commence à peine reprendre conscience.

Erland était plongé dans le noir, et seuls les phares du fourgon éclairaient ce côté de la ville. Sinon, ce ne serait que la lumière des étoiles ainsi que de la lune qui domineraient.

- Vous pourriez peut-être me présenter des excuses pour avoir déclenché la mise en marche du concentrateur, proposa Liv de son sourire inébranlable.

- Pourquoi devrai-je le faire ? Des armes pareilles ne devraient pas être mises à la disposition de tous comme vous l'avez fait. C'est le genre d'arme qu'on mets à l'abri de toute touche.

- Vous avez raison shérif Sven. C'est ma faute. J'aurais dû le mettre dans un endroit approprié. Je vous demande pardon d'avoir exigé vos excuses.

- Hum...

Astrid ouvrit la portière et descendit.

- Où allez-vous ?

- Je rentre chez moi. Vu les dégâts laissés par la tempête, ma fille aura besoin d'aide...

- Attendez !

Liv se pencha vers elle, et lui tendit une lampe-torche.

- Vous allez en avoir besoin.

- Merci...

Astrid prit la lampe et partit disparaître dans l'horizon, marchant sur un terrain inondé d'eau.

Quelques minutes plus tard, Anthon la rejoignit à l'avant du fourgon.

- Qu'elle peut être désagréable, commenta Liv.

- Vous m'étonnerez toujours... Gardez un tel sang-froid face à une telle arrogance...

- Je sais... Mais ne nous préoccupons pas de ça pour l'instant. Nous avons raté l'opportunité de nous emparer de l'éclair à cause d'elle, c'est vrai. Mais réfléchissons d'abord à un plan de secours.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

- Le garçon. La seule piste potable qu'on ait, c'est ce garçon.

- Nous allons réparer tout ce qu'il y a à réparer. D'ici demain, le travail sera fait. Ainsi, on pourra s'occuper du gamin.

- Non... moi, je m'occuperai du garçon. Vous, examinez les flux électriques dans la mer et dans l'atmosphère de cette ville. Peut-être que l'éclair est encore dans les parages. Je vais tâcher de savoir s'il connait quelque chose ou s'il a été en contact avec la gardienne. Toutefois, Il est déjà tard. On verra ça demain, et ce que le maire pensera de la situation. Espérons juste qu'il ne nous mettra pas les bâtons dans les roues. Je n'ai pas vraiment envie de tuer, ce coup-ci.

- C'est noté.

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