Hollow

53. Lieu Neutre

Mon corps se retourna vers cette voix grave et veloutée, cette tonalité basse et lente, un frisson et un arc électrique parcoururent mon anatomie en un instant. Il ne portait qu'une veste et des chaussures à moitié attachées témoignant de son empressement à venir nous rejoindre à l'extérieur. Il n'avait pas pris le temps de retirer ses bandages ensanglantés, il allait certainement se débarrasser de ses bottes qui allaient être tachées de l'intérieur. Malgré cette odeur de fer qui flottait dans l'air, je pouvais toujours distinguer le bois de santal et la rose. Il avait buté je ne savais combien d'homme et pourtant, je pouvais toujours sentir cette délicieuse odeur émanant de sa peau. Il nous sondait, se demandant probablement ce que l'on faisait ici au beau milieu de nulle part.

Son regard n'était pas sur moi, mais plutôt sur son meilleur ami qui ouvrit la portière sans prononcer un seul mot à son égard. Je ne comprenais pas ce qui se passait entre ces deux-là, mais je préférais m'éclipser de leur discussion. Je ne voulais plus être mêlé à la vie de Levi Ackerman. J'étais attiré par lui, oui, j'avais fantasmé sur une relation avec lui, oui, mais j'avais bien vite réalisé qu'il n'était pas fait pour cela. Son style de vie n'était pas pour moi et j'étais incapable de lui faire confiance. Je me dirigeais vers les champs, lorsque la voix d'Erwin me somma de rentrer dans sa voiture.

Il faisait sombre, froid et j'étais fatigué, malgré tout cela, je savais que lorsque Levi avait quelque chose en tête il ne l'avait pas dans le cul donc, il était hors de question que j'entre dans cette voiture sans que ces deux-là ne se soient parlé. Je n'écoutai pas le blond et m'aventurai vers la terre qui fut dépouillée de ses cultures. Je regardais l'horizon ne voyant qu'une immense étendue de noire, les mains dans les poches, mes pieds me menaient le plus loin possible de leur discussion. J'avais de la difficulté à gérer mes émotions en présence de Levi, mon cœur et ma tête n'étaient pas en harmonie lorsqu'il était question de cet homme.

Ma tête savait que sa vie recelait beaucoup trop de secret et de choses dont je préférais ne pas savoir, mais en même temps le fait d'être gardé dans l'inconnu m'irritait au plus haut point. Mon cœur aimait Levi, chaque fibre de mon corps le désirait, un seul de ses touchés m'embrasait et je fondais dans ses bras. Je détestais le fait d'être si faible face à lui, mais en même temps j'adorais savoir que j'étais sa seule faiblesse. Il était la marque de mon ambivalence, chaque fois que j'étais près de lui, je désirais fuir et sauter dans ses bras. Chaque fois qu'il me touchait, j'en voulais plus et je désirais que tout cesse en même temps. Je le détestais et l'adorais.

Je m'assis où je me trouvais et regardais le ciel, d'ici je pouvais voir tant d'étoile, tant de petite lumière dans le ciel qui était si noire, ma respiration était visible aussi. J'entendais quelque écho de la conversation entre les deux amis, celle-ci était quelque peu mouvementée, mais ce qui attira le plus mon attention furent les pas qui venait vers moi. Ils n'étaient pas pressés, la cadence était régulière, ni trop lente, ni trop rapide. Cette personne prit place à mes côtés et lorsqu'elle m'interpela je ne sus retenir un petit sourire.

- Tu n'as pas trop froid?

- Je préfère avoir froid que me faire balader comme une poupée entre deux têtes de mule.

Elle se mit à rire, elle devait certainement comprendre ce que je voulais dire puisqu'elle les connaissait mieux que quiconque. Contrairement au noiraud, elle était habillée chaudement. Une tuque, un manteau, des bottes bien fermée ainsi que des gants. Son sourire était bien présent sur son visage, je me demandais même s'il était possible de la voir sans.

- Tu as raison Eren, tu es la raison de leur dispute. Il lui avait demandé de ne pas t'approcher, de te laisser tranquille.

- Tu lui as donné mon adresse n'est-ce pas Hange?

- Coupable, mais en même temps... C'est de la torture de voir Levi si triste. Il était heureux avec toi tu sais.

- Erwin m'a dit que Kenny le menaçait.

- Tu sais très bien que ce n'est pas ça qui va envenimer le moral de Levi. Avec le nombre de personne qui osent le menacer à tous les jours, il aurait été grincheux 24\7. Maintenant il l'est.

- Pourquoi?

Elle me regardait d'un air perplexe, comme si je connaissais déjà la réponse à cette question. Elle insinuait que j'étais la cause de l'humeur de Levi.

- Il n'avait qu'à jouer franc jeu.

- Désirais-tu réellement savoir que Kenny menaçait de te tuer s'il refusait d'aller à Venise. Voulais-tu réellement que Levi te demande de faire un voyage avec lui parce qu'il craignait pour ta vie. Aurais-tu aimé qu'il te dise désolé bébé je dois aller me débarrasser d'un corps, mais après je te baise dans ce lit? C'est ce que tu aurais aimé entendre Eren?

- Non.

- Alors non, tu ne veux pas savoir la vérité. Tu veux uniquement un mensonge sortit de ton imagination.

- Ce n'est... Je n'ai... Merde

Je laissais tomber mon corps au sol, regardant uniquement le ciel et rien d'autre. Elle avait raison, je lui en voulais, mais au fond de moi, je savais que je ne voulais pas la vérité. Je n'avais aucune envie de savoir ce qu'il avait fait avec son oncle cette journée-là, je désirais uniquement qu'il soit là avec moi. Si je m'étais réveillé et qu'il était toujours dans le lit avec moi, je n'aurais pas réagi, même si la place avait été froide, même si une partie de moi savait que ce n'était pas réellement pour nous que nous étions là-bas, je n'aurais rien dit. Malheureusement pour moi, le fait qu'il n'ait pas été là m'avait irrité et déçu. J'avais réalisé que je passerais toujours deuxième et la nouvelle était plutôt difficile à accepter.

- Je veux être le premier.

- Même si ta vie en dépend?

- Que veux-tu dire?

- Même si la raison pour laquelle tu passes en deuxième est ta propre protection?

- Je... Non.

- Pourquoi es-tu ici Eren?

- Parce que Erwin m'a amené?

- Ça, c'est ce que tu veux croire. Pourquoi es-tu ici Eren?

- Je voulais voir...

Je soupirais, je détestais cette femme. Je fermis les yeux et me rassoyais, n'osant pas rouvrir les yeux, je continuais le fond de ma pensée.

- Je voulais le voir, comprendre comment il se sentait après m'avoir vu au cabaret. Je voulais voir s'il avait tourné la page. Je voulais savoir s'il avait trouvé quelqu'un d'autre. J'ai vu un homme envahit par la colère, j'ai vu un animal en cage qui attaquait tout ce qui s'approchait de lui. Tous ces gens l'admirent parce qu'il est capable de battre n'importe qui, moi ce que je vois, c'est une personne blessée qui ne sait pas comment gérer les émotions qu'elle vit.

- Et pourtant lorsqu'il t'a vu, il a arrêté.

- Et pourtant...

Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. Je ne ressentais plus le bout de mes doigts, mes orteils étaient gelés et pourtant... Mon cœur était chaud.