Les Élus de Paramoni

2 / Le déménagement

Dix ans plus tard...

4 septembre

Je sens qu'il va se passer quelque chose d'horrible dans cette ville.

Non, je ne peux pas écrire ça. Je n'ai aucune raison d'être inquiète et puis c'est contraire à ma doctrine : nouvelle maison, nouveau lycée, nouvelle vie.

Clary Young était habitée d'un curieux sentiment : la peur. C'était absurde, pourquoi avait-elle peur de déménager ? Ce n'était pas la première fois. Son père était un policier haut-placé souvent muté aux quatre coins des États-Unis, obligeant la petite famille à changer régulièrement de ville. Mais aujourd'hui, un sentiment inhabituel de malaise l'habitait.

« C'est probablement le stress de la rentrée, ça passera » pensa-t-elle pour se rassurer.

Assise sur le sable doux, Clary observait les vagues s'écraser à ses pieds nus. La brise du matin passa dans ses cheveux blonds, caressant sa peau d'une main glacée. Elle profitait une dernière fois de contempler la mer qui reliait l'île d'Anna Maria à Palma Sola. Rien ne pouvait empêcher cette solitude apaisante.

- Cher Journal, que puis-je dire aujourd'hui à part que ma vie craint ? lança une voix derrière elle.

Rien à part, sa cadette d'un an ; Erika.

Clary soupira et se retourna, observant Erika descendre la bute de sable parsemée de touffes d'herbes sèches, son portable et ses écouteurs à la main. Deux objets dont elle ne se séparait jamais. Son arrivée servit de distraction, sa peur se terra dans son esprit.

- Qu'est-ce que tu veux ? siffla Clary.

- Sois gentille avec ta jeune sœur favorite, dit-elle. Tu vas rester à contempler la mer comme une neuneu ou tu vas finir par nous rejoindre ? ajouta-t-elle. Les camions sont arrivés, c'est l'heure de partir.

- J'arrive, marmonna Clary, dépitée. Laisse-moi une seconde...

Erika baissa les yeux sur le journal de sa sœur, elle parut comprendre et un sourire malicieux fendit son visage.

- Oh, fit-elle. Madame écrit ses pensées les plus profondes dans son petit journal ?

- La ferme Erika.

Erika lui attrapa son journal avec une telle vitesse que Clary ne put contrer son geste, et récupérer à temps ses précieux écrits. Erika sauta sur ses pieds et l'agita devant le nez de Clary en souriant.

- Erika, rends-le-moi ! ordonna Clary en se levant. Je ne rigole pas, rends-le-moi, s'il te plaît.

Erika l'ouvrit dans un geste lent, défaisant les lanières qui le tenaient fermé, avant de dire :

- Je me demande ce qu'il peut y avoir d'écrit là-dedans... tes côtés sombres peut-être ? Des troublants secrets qui ne font pas de toi l'innocente fille qu'on croit que tu es ?

Clary arracha avec brutalité le journal des mains de sa sœur.

- Allez Clarissa, détends-toi un peu...

- Tu sais parfaitement que je déteste qu'on m'appelle Clarissa, alors pourquoi tu le fais ?

Erika fit mine de réfléchir et fronça son nez percé d'un anneau. Sa cadette ne semblait pas animée du même sentiment d'angoisse qu'elle, devenait-elle folle ?

- Parce que c'est marrant !

Sa sœur passa près d'elle, lui adressant un grand sourire provocateur. Elle lui rappela :

- Bon, il faut qu'on y aille avant que David vienne nous chercher...

Clary reprit ses baskets proprement rangées sur le sable et rejoignit Erika qui s'engageait sur la bute. Il était encore là, ce sentiment de danger. Si sa sœur ne l'énervait pas autant, elle lui aurait probablement confié ses angoisses.