22/In Tenebris

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 LORSQU'ELLE OUVRIT LES YEUX, Clary était allongée sur une herbe mouillée. La nuit était tombée, un joli ciel étoilé était suspendu au-dessus de sa tête sans l'ombre d'un nuage, une étoile filante perça les ténèbres. Une légère brise fouetta le visage de Clary, la faisant se redresser. Sa première pensée qui traversait son esprit était pourquoi personne ne l'avait réveillée ni amenée à l'hôpital ? Elle avait été tout de même inconsciente jusqu'au soir et elle se trouvait dehors ! Mais Clary comprit bien vite qu'elle ne se trouvait plus dans la réalité mais un souvenir ; la maison qui se dessinait devant elle était celle en Indiana, la maison où sa mère s'était pendue lorsque Clary n'avait seulement sept ans.

Son souffle se coupa.

Les volets étaient fermés, l'obscurité de la nuit semblait lentement grignoter les murs et les jolies fleurs plantées près de la porte d'entrée. Le quartier était sinistre, la faible lumière des lampadaires projetaient une lueur menaçante sur les pavillons voisins. La nuit était dépourvue de bruits, pas un chat ne trottinait dans les ruelles. Le silence était assourdissant, Clary pouvait entendre son propre cœur battre à la chamade contre sa poitrine. Elle déglutit péniblement puis se leva.

— Claudia ? appela-t-elle.

Mais elle n'obtint aucune réponse.

Son instinct la poussa à franchir le seuil de sa maison. Le plancher craqua sous ses baskets, un vent glacial s'engouffra et fit rouler les feuilles mortes contre les escaliers ; c'était là où elle devait aller. La maison était vidée de tous ses meubles, seuls de vieux cartons de déménagement jonchaient le sol. Clary retint sa respiration, il était impossible pour elle de reconnaître la maison de son enfance, les ténèbres dissimulaient chaque recoin. Ce n'était pas un hasard si la lumière des lampadaires se reflétaient les vieilles marches en bois de l'escalier, Clary grimpa d'un pas peu assuré.

— Claudia ?

Elle jeta un coup d'œil derrière elle, une sensation désagréable d'être épiée la faisait frissonner. Clary se tint fermement à la rambarde, elle compta les marches dans sa tête comme lorsqu'elle avait sept ans ; ces marches l'avaient toujours terrifiée et lorsqu'elle descendait pour boire un verre d'eau dans la cuisine, elle comptait les marches l'une après l'autre pour dissiper sa peur. Les nombres avaient quelque chose de rassurant, savoir compter lui donnait le contrôle.

Clary arriva au palier complètement plongé dans le noir. Elle inspira un bon coup. Étrangement, elle savait pertinemment ce qui se cachait dans ces ténèbres ; la mort.

— Un souvenir ne peut pas te faire de mal, murmura-t-elle pour se rassurer.

Soudain, un grincement glaçant se fit entendre dans son dos. Clary tourna la tête, une porte s'était ouverte. Les larmes lui montèrent, pressant son cœur et l'empêchant de hurler ; cette porte ouverte au fond du couloir débouchant sur le mal absolu était la chambre de sa mère. Là où elle l'avait retrouvée pendue.

— Non.

Elle se mit face à la porte, les poings serrés.

— Je ne renterais pas dans cette chambre Claudia !

Encore une fois, Clary n'eut que l'écho de sa voix comme réponse.

Une larme roula sur sa joue, elle n'avait pas d'autre choix que d'entrer.

— Par pitié, implora Clary d'une voix faible.

La mort dans l'âme, elle s'enfonça dans la chambre de sa mère. Elle était vide comme le reste de la maison, aucun meuble ne trônait dans la pièce si ce n'est une vieille malle à l'œil aux cent pétales. Clary sanglota doucement, elle avait l'atroce pressentiment que ce qu'elle trouverait dans cette malle n'était pas doté de bonnes intentions. Elle s'agenouilla, les mains tremblantes qu'elle posa sur le bois effrité par le temps. Elle ne l'avait jamais vue auparavant, elle connaissait la chambre de sa mère par cœur et cette malle n'existait pas. Clary implora une dernière fois le ciel avant de l'ouvrir.

Des objets, il n'y avait que des objets.

Clary battit des cils, soulagée. Elle renifla et attrapa la couverture roulée en boule près d'un masque ainsi qu'une cape rouge sang. L'édredon portait son nom brodé en or, la même trouvée dans la boîte enterrée par Emilie Young. Mais ce ne fut pas le détail qui alerta son regard, c'était ce masque fait de métal qui couvrait les yeux. Elle l'avait déjà vue. Tout comme cette cape rouge sang. Lilith. La femme qu'elle voyait en rêve, la femme qui marchait vaillamment sur le sol d'un Parthénon couvert de cadavres. Clary le prit dans ses mains et retraça les spirales qui composaient le masque.

— Je ne comprends pas souffla-t-elle.

Clary se redressa.

Tout à coup, on l'entraîna violemment au sol. Lorsque Clary vit son visage, elle hurla à pleins poumons ; le visage de son agresseur était livide, de grosses veines bleutées ressortaient grossièrement sur sa peau. Le contour de ses yeux ainsi que ses lèvres était infecté, des pustules noirâtres s'étendaient sur son cou semblables à de la moisissure. Ses prunelles étaient injectées de sang, il coulait sur les joues de la femme tel des larmes de fureur. L'horreur explosa lorsque Clary reconnut sa mère.

— Regarde ce que tu m'as fait ! hurla Emilie.

Clary la repoussa violemment et se traîna sur le sol, incapable de tenir sur ses jambes. Sa mère se releva dans un infâme craquement d'os. Elle était désarticulée comme un pantin et se déplaçait avec mal, sa tête dodelinait et ses membres étaient démesurément longs, traînant sur le sol. Clary, mortifiée par un tel cauchemar, recula à l'aide de ses coudes pour fuir cette créature.

— C'est toi qui m'as fait ça, reprit sa mère. C'est toi.

Elle avait cette voix douce, cette voix qui l'avait bercée chaque soir pour qu'elle puisse s'endormir mais à présent, elle était synonyme d'un mal extrême. Clary cria, espérant se sortir de cette vision au plus vite. Elle s'approcha dangereusement des escaliers mais l'immense bras d'Emilie se referma sur le col de son tee-shirt et la souleva. Clary détourna le regard, la peur la consumait.

— Regarde-moi, Clarissa.

— Tu n'es pas réelle ! hurla Clary.

Emilie la secoua.

— Je ne suis pas réelle ? Regarde-moi, Clarissa, tu verras à quel point je suis réelle.

Clary croisa ses yeux gorgés de sang.

— Pourquoi est-ce que tu fais ça ? pleura-t-elle.

— Je veux que tu comprennes qui tu es, dit Emilie. Je veux que tu comprennes ce qu'ils m'ont fait, ce que tu m'as fait. J'ai pris soin de toi, tu étais ma petite fille alors pourquoi Clarissa ? Pourquoi-m'as-tu tuée ?

Clary secoua vivement la tête.

— Je n'ai rien fait.

— Tout est de ta faute. C'est de ta faute s'ils sont venus ce soir-là.

— De qui est-ce que tu parles ? Maman...

— Je ne suis pas ta mère et tu n'es pas ma fille, tu es une abomination. Pourquoi m'as-tu laissée mourir Clarissa ?

Les larmes inonda le visage de la jeune fille.

— J'avais seulement sept ans, se défendit-elle.

— Sais-tu ce qu'ils m'ont fait ? Ils m'ont battue, ils m'ont torturée, ils m'ont tranchée la gorge et ils m'ont suspendue à une corde. Comment as-tu pu laisser ces genre faire du mal à ta maman, Clarissa ?

Emilie la secoua brutalement avant de la lâcher dans les escaliers. Clary hurla et tomba dans d'infinies ténèbres de culpabilité et d'horreur.

Clary reprit conscience en hurlant et se débattant.

— Clary !

Neven s'empressa de la prendre dans ses bras et de la rassurer, il lui dit d'une voix douce :

— Tout va bien, Blondie, tout va bien. Tu es réveillée.

Clary s'accrocha à Neven, allongée au sol. Le visage humide, elle voulait effacer ces affreuses images qui marquaient son esprit au fer rouge. Claudia était assise sur le canapé, un gant imbibé d'eau froide sur le front. Neven lui jeta un coup d'œil et lui fit comprendre que les choses étaient graves, Claudia avait vu le même cauchemar que Clary.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'enquit Neven.

— La mère de Clary, Emilie Young, ne s'est pas suicidée. C'était un meurtre. 

Les Élus de ParamoniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant