24/Les gênes damnés

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LA NUIT fut rude pour Clary. Son sommeil était troublé par toutes sortes de spéculations sur les révélations de Claudia ; les yeux ouverts, la respiration courte, elle dévisageait d'un mauvais œil les fissures du plafond. Les secrets que sa mère avait laissés derrière elle étaient une boîte de Pandore que Clary craignait d'ouvrir. Elle ne mesurait pas les conséquences. Qu'adviendrait-il de sa famille ? Et d'elle-même ? Se tournant dans tous les sens, il était impossible de dormir. Clary pensait à ce que sa sœur et elle, gardaient caché au plus profond de leurs corps ; cette part « sombre » comme l'avait dit Claudia. Clary avait du mal à concevoir l'idée que son père puisse être un Damné. Il ne ressemblait en rien aux créatures qui s'en étaient pris à elle au cours de ses premiers mois à Fox Glow. Il ne dégageait rien de maléfique. Mais peut-être qu'il s'était terré trop longtemps parmi les humains pour camoufler son essence.

Clary pensait à sa mère et les raisons qui avaient conduit à son meurtre. C'était injuste. Elle était persuadée d'une chose : Emilie Young s'était retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment.

Incapable de s'endormir, elle repoussa sa couette et passa le reste de la nuit à gribouiller des visages informes sur son carnet.

Le réveil ne fut pas compliqué ; insensible à la fatigue, Clary enfila une robe de chambre blanche comme si de rien n'était. Elle tira ses cheveux blonds emmêlés en arrière, les ramenant en queue-de-cheval. Lydia était déjà levée, tout comme son père. Ils s'activaient à préparer le petit-déjeuner des enfants encore endormis.

— Tu es déjà debout ? s'étonna Lydia en posant une assiette de pancakes sur la table du salon.

— J'ai eu un sommeil agité, marmonna-t-elle.

David lui tira une chaise, l'accueillant avec un sourire chaleureux.

Non, il n'y avait rien de damné dans cet homme-là. Tandis que Georges s'en alla réveiller Julian et Erika, Lydia prit place autour de la table pour se servir un café. Tout comme David, elle se fit scruter longuement par Clary qui gardait un visage placide. Elle n'arrivait pas à comprendre le rôle de sa famille dans la mort de sa mère et elle attendait de déceler un détail qui les trahirait sur ce secret.

Son père fut le seul à remarquer ce regard insistant. Il posa son journal, et demanda :

— Il y a quelque chose que tu veux me dire, Clary ?

Clary battit des cils.

— Est-ce que tu connais la déesse Lilith ?

Lydia s'étouffa avec son café.

— Hum... fit David en réfléchissant. Elle n'était pas la première femme créée par Dieu ? La religion, ce n'est pas un sujet que je maîtrise, ricana-t-il.

— Je ne te parle pas de cette version.

— Il y a une autre version ?

— Clary, coupa sa tante. Et si tu allais te préparer ?

La jeune fille n'osa pas rechigner, par crainte d'éveiller les soupçons. Elle se leva sans un mot, prit une pomme en passant, puis regagna sa chambre. Clary se débarrassa de son pyjama pour enfiler un jean, ainsi qu'un pull en cachemire. Elle jeta un coup d'œil au miroir de sa coiffeuse, elle avait du mal à reconnaître son reflet ; qui était cette jeune fille ? Celle qui ne connaissait plus ses sentiments, celle qui ne connaissait plus sa famille et celle qui ne connaissait plus sa propre personne.

Le changement était radical. Oh, ce n'était pas seulement l'éternel conflit de la recherche de soi qui troublait chaque adolescent, c'était également quelque chose de plus profond...

Clary était chamboulée. Et Erika ne fut pas dupe au mal être de son aînée lorsqu'elle la rejoignit sur le seuil de la porte.

— Tu as une tête de cadavre, lui lança-t-elle.

Les Élus de ParamoniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant