Les Élus de Paramoni

28/L'abandon de la raison

CLARY REMUA les paupières avant d'ouvrir les yeux. Sa vision était floue et une sourde douleur la tenait juste en dessous de sa poitrine. Elle reconnut le plafond de l'infirmerie du pensionnat, les dessins grecs apaisèrent son angoisse. La dernière chose dont elle se rappelait était sa conversation avec Neven à propos de leur amitié. Elle tourna la tête sur son oreiller, il y avait quelqu'un près d'elle mais elle ne put dire qui. Il fallait battre des cils pour que sa vision s'éclaircisse ; Neven était là. Assis sur une chaise près du lit, il était occupé à écrire dans son journal. Il s'était également changé, il avait passé un pull en maille noir mais elle put discerner une rougeur sur ses mains comme s'il s'était tâché.

— Neven ?

Il redressa immédiatement la tête vers elle, les prunelles pétillantes.

— Clary, tu es réveillée, soupira-t-il de soulagement.

Il se débarrassa de son journal pour lui prendre la main et la serrer avec tendresse dans la sienne.

— Comment tu te sens ?

Elle haussa les épaules.

— Une épée t'a traversée, tu te souviens de ça ?

— Je te demande pardon ? Une épée ?

Clary se rappela en effet les événements avant qu'elle ne perde connaissance, elle se souvint que Tim était un démon.

— Tu as failli mourir, murmura-t-il. Tu as perdu beaucoup de sang.

— Pourquoi ne pas m'avoir emmené à l'hôpital ?

Neven allait répondre mais ce fut Hector qui prit la parole, émergeant de derrière les rideaux blancs qui entouraient le lit.

— Si c'est pour être autant ingrate, j'aurais dû te laisser mourir.

Clary leva les yeux vers Hector qui se plaça près de Neven, les bras croisés. Il était toujours impressionnant avec sa grande taille et sa poitrine robuste dont le tee-shirt qu'il portait moulait les formes. Il portait un vieux blouson marron qui avait de multiples déchirures et marques d'usure. Néanmoins, sa mâchoire carrée et la finesse de ses traits révélaient toute une beauté divine qui contrastait avec sa tenue. Ses yeux dorés observèrent Clary avec mépris et le pli sévère qui barrait sa bouche ne faisait qu'accentuer la froideur d'Hector.

— Pourquoi tu ne l'as pas fait ? marmonna Clary sur le même ton cynique.

— Parce que Neven a voulu que je te sauve.

Clary regarda Neven qui avait toujours sa main dans la sienne, il ne l'avait pas lâchée.

— Ta blessure était trop importante pour que je te déplace à l'hôpital, répondit Neven. J'ai fait venir Hector avec des remèdes grecs afin d'arrêter l'hémorragie provoquée par la lame, le temps de t'emmener au pensionnat. C'est Côme qui t'a soignée, il est parti te chercher de quoi te requinquer à ton réveil, c'est lui que tu dois remercier.

— C'est aussi à toi, ajouta Clary. Merci Neven et... Hector.

— Enfin un peu de gratitude, j'apprécie.

— Et pour Tim ?

— Il est mort, lui assura Neven. Je l'ai tué.

— Tu le connaissais ? s'enquit Hector.

Clary hocha la tête et tenta de s'asseoir mais la souffrance que lui provoqua son geste la rétracta dans l'instantanéité. Neven posa une main ferme sur son épaule pour la tenir allongée contre les oreillers.

— Pour répondre à ta question Hector, oui je le connaissais. Tim travaillait avec mon père au poste de police, c'est lui qui nous a déposées ma sœur et moi au lycée à plusieurs reprises.