Les Élus de Paramoni

14/La battue

LE DIMANCHE APRÈS-MIDI s'annonça chargé. Clary avait décidé de participer à la battue pour retrouver la bête. Il était tôt, le jour était à peine levé et pourtant toute la petite ville était réveillée. Il ne s'agissait plus de retrouver une bête mais également un élève du lycée porté disparu. L'annonce était devenue sérieuse dès que les vingt-quatre furent dépassées.

David Young avait déclaré dans le journal de la ville que des interrogatoires allaient commencer pour obtenir des informations qui permettraient de retrouver Derrick le footballeur. Clary espérait tout au fond d'elle qu'il n'avait pas croisé la route de cette bête sauvage. Elle semblait peu craindre les humains, se baladant dans les rues à son aise, elle était redoutable.

La voiture de police s'engagea dans un petit chemin qui se démarquait de la route nationale. C'était un petit chemin terreux aux trous qui faisaient cahoter la voiture, ballottant Clary de gauche à droite. La forêt semblait ne pas se terminer, les kilomètres de bois s'étendaient à perte de vue. De plus, un épais brouillard s'était levé. Le shérif Young avait longuement hésité à annuler la mission mais il devait retrouver Derrick ; il fallait prendre cette bête avant qu'un autre habitant en soit la victime.

« Et dire que Derrick peut être n'importe où... » se dit Clary.

Enfin, le bois déboucha sur une petite clairière où plusieurs voitures étaient déjà sur le pied de guerre, dont une qu'elle reconnut très vite ; une Buick sport noire. Elle fit de grands yeux et chercha à se faire aussi plate que possible, glissant sur son siège pour éviter que Neven ne la voit s'il était dans sa voiture. Ce comportement intrigua David qui leva un sourcil avant d'aller se garer près des deux autres voitures de police. Clary se redressa et se retourna, elle avait perdu de vue la voiture de Neven qui s'était effacée derrière les autres véhicules stationnés. Ouf... David sortit et se dirigea vers le coffre qu'il ouvrit, il s'empara de deux lampes torches dont une qu'il tendit à Clary. Elle la serra dans ses mains.

— Tu ne veux pas me donner une arme au cas où ?

David secoua la tête avec un léger sourire.

— Premièrement, jeune fille, tu ne sais pas t'en servir. Et deuxièmement, tu seras avec moi parce que je répartis un policier dans chaque groupe de recherches.

Clary acquiesça et regarda autour d'elle, observant les habitants se réunir les uns avec les autres. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle aperçut Delen Cinnéide rejoindre le groupe de recherches, elle portait un long manteau noir en fourrure, contrastant avec sa chevelure translucide qui se soulevait gracieusement à chaque pas. Neven se plaça près d'elle pour lui parler, tous deux semblaient anxieux. Leur conversation était agitée, Neven ne tenait pas en place. Pourquoi étaient-ils seulement tous les deux ?

— Tu viens Clary, on va rejoindre les autres, dit son père en l'entraînant vers l'essaim grouillant d'habitants inquiets.

Clary baissa la tête et suivit son père, elle voulait éviter à tout prix un contact avec Neven. David se détacha de sa fille pour aller retrouver ses camarades policiers afin de répartir les groupes et de donner les consignes.

Elle aurait souhaité que Vicki et Brandon soient là seulement, son amie avait une exposition de dessins et Brandon ne voulait pas sortir de son lit parce que selon lui « Derrick lui avait cassé le bras en maternelle ».

Clary alla s'asseoir sur un rocher, attendant que son père face son discours de shérif. Elle attrapa un bâton qui était coincé sous une motte de terre, elle le sortit et s'amusa avec, dessinant des yeux semblables au tatouage de Neven sur la terre mouillée par la précédente averse. Elle en fit des dizaines jusqu'à ce qu'une paire de bottes ne l'interrompe. Elle leva les yeux sur les fines jambes qui lui faisaient face avant de tomber sur de beaux yeux verts.

— Blondie, fit Neven. Quelle surprise...

Il s'accroupit pour se trouver à sa hauteur, discrètement elle effaça de son pied les symboles.

— Tu vas mieux ?

— Depuis quand mon état t'inquiète ?

— Depuis que j'ai failli te renverser et te tuer par la même occasion... alors ?

— Je vais bien, Neven.

Il lui adressa un petit sourire satisfait.

— Tant mieux parce que ça m'aurait vraiment fait chier d'avoir ta mort sur la conscience, reine du bal.

— Tu es ici pour retrouver Derrick ?

Neven secoua la tête en se levant, il rangea les mains dans ses poches de manteau noir en kraft qui lui allait si bien. Il avait l'air d'un prince des ténèbres dans cet accoutrement, ayant pour royaume celui des ombres et pour sujets les démons des mille mondes.

— Derrick était un enfoiré, je ne viens pas pour lui.

— Arrête d'être aussi grossier et sans cœur.

— Et toi que fais-tu ici Blondinette ? Tu viens jouer les Robin des Bois ?

Clary se leva.

— Je viens aider mon père, répondit-elle simplement. Et je fuis ma sœur parce qu'elle m'énerve mais ça c'est une autre histoire...

Deux mignonnes fossettes apparurent sur le visage de Neven. Même s'il savait qu'il était beau, il ne pouvait pas imaginer à quel point il l'était véritablement.

— Profite de ta sœur tant qu'elle est encore là, lui dit-il à mi-voix.

Clary leva un sourcil à ces paroles et alors qu'elle comptait répondre, Delen fit son entrée.

— Tiens, Clarissa, que fais-tu ici ? s'enquit Delen en posant ses mains sur ses hanches, moulées par un ensemble noir qui s'accrochait avec des lanières et parcouru de sangles.

« Un ensemble peu commun pour une recherche de bête sauvage » songea Clary. Cela ressemblait davantage à une combinaison de combat, qu'à une tenue adaptée à des recherches.

— Elle cherche à retrouver la bête, Delen, ne sois pas aussi agressive, marmonna Neven en se tournant vers elle.

Clary fut surprise que Neven prenne sa défense, elle cacha un sourire.

— Tu n'as qu'à faire équipe avec nous, proposa Delen. Ton père est shérif, tu dois avoir quelques facultés. J'espère que tu n'es pas totalement inutile sinon je te largue...

— Je serais utile, déclara Clary en serrant les poings.

Neven passa un bras sur les épaules de Clary et la serra contre son torse musclé.

— Bienvenue dans l'équipe Ceaillagh, Blondinette. Allons traquer le grand méchant loup...