Les Élus de Paramoni

10/Les indices d'une vie passée

  EN COURS d'Histoire-géographie, la première chose qui frappa Clary était l'absence de Neven. D'ordinaire, il était toujours arrivé avant elle et isolé au fond de la classe mais cette fois-ci, la table était vide. Elle leva un sourcil, intriguée mais passa bien vite cette réflexion ; ça ne la regardait pas. Clary alla donc s'asseoir près de Vicki qui observait le paysage gris à travers les fenêtres.

— Toi, ça ne va pas, déclara-t-elle. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— Je suis fatiguée, marmonna Clary en défaisant son manteau. Neven n'est pas là ?

— Apparemment non, voilà qui est étrange, dit-elle. Il a dû souffrir un peu plus hier qu'on ne l'aurait cru. Tom était vraiment dans un sale état, il ne pourra pas préparer le match qui arrive. Je crois que c'est plutôt sérieux... Neven risquerait pas mal si ça venait à se savoir.

— Tom a prévu de porter plainte contre lui ?

— Je ne pense pas, ça serait risqué de s'en prendre à Neven au plan juridique.

Neven n'était pas son problème, elle devait laisser tomber de vouloir s'accrocher autant à garçon qui ne ferait que lui briser le cœur. Monsieur Adamas débarqua dans la petite classe, il posa son cartable en cuir sur son bureau et jeta un coup d'œil aux élèves.

— Sortez une feuille, rangez vos trousses, devoir, déclara-t-il sur une voix monotone.

Clary entendit Vicki s'étouffer.

— Monsieur ! gémit Vicki.

Il n'écouta pas les plaintes, il se contenta de se lever pour écrire des questions aux tableaux et attendre que les élèves exécutent ses ordres. Clary, aussi dérangée que son amie, sortit une feuille dans un geste lent.

— Il ne s'agit que de questions de leçon, vous avez une heure pour y répondre alors ne perdez pas votre temps avec vos lamentations, maugréa Monsieur Adamas en retournant s'asseoir.

Clary voulut écrire. Et c'est ainsi que le problème survint ; sous un tic-tac d'horloge pensant, Clary réalisa qu'elle n'arrivait toujours pas à lire. Elle se crispa sur son stylo, les yeux ronds face aux lettres qui se mouvaient dans tous les sens. Elle avait beau faire tous les efforts du monde, les questions étaient illisibles.

Elle ravala sa salive, paralysée sur sa chaise, elle n'entendait que les mines des crayons qui écrivaient. Une profonde angoisse germa en elle, elle ne savait que faire !

Clary hésita à copier sur Vicki mais Monsieur Adamas surveillait chaque élève comme un vrai bulldog. Elle tenta d'écrire son prénom mais la seule manière de le poser sur la feuille qui lui vint en tête était sous forme de lettres grecques. Et si Maeline avait dit vrai ? Comment pouvait-elle connaître la langue grecque sans jamais l'avoir pratiquée ? Tout était limpide dans sa tête, les divers symboles de l'alphabet grec s'étaient imprimés dans son esprit sans qu'elle n'ait d'effort à faire. Elle avait beau essayer de reprendre une écriture dans sa langue courante, impossible, elle ne savait plus son alphabet anglais.

Prise de court, Clary froissa sa feuille et se leva.

— Mademoiselle Young ?

— Je suis désolée, il faut que je m'en aille, bafouilla-t-elle en récupérant ses affaires.

Vicki l'interrogea du regard et Clary lui fit comprendre que quelque chose n'allait pas. Elle posa sa feuille sur le bureau du professeur et sortit du cours. Un profond déni l'habitait, tourmentée par de nombreuses questions sans réponses.

Elle comprenait le grec. Elle était capable de l'écrire et de le lire comme si elle l'avait toujours parlé. Sans prendre le temps de réfléchir convenablement, Clary partit en courant du lycée.

Elle prit le chemin de la maison, elle rentra sans même se retourner. Au fond d'elle, elle savait que sa fuite serait réprimandée mais elle ne pouvait rester plus longtemps au lycée. Quand la porte fut fermée, Clary laissa tomber son sac au sol avant de se faire glisser contre la porte.

Elle renversa la tête en arrière pour observer le crépit blanc, que lui arrivait-il ? Pourquoi tous ces mystères se mettaient-ils à planer au-dessus d'elle ? Qu'est-ce que son passé renfermait réellement ?