Chapitre 2

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Selon les scientifiques, il faut deux mois à l'Homme pour qu'il adopte une nouvelle habitude. Alors après quatorze ans à partir une semaine dans le sud de la France chaque année, je peux affirmer qu'il s'agit plus que d'une habitude à présent, mais plutôt d'un rituel, d'une tradition, d'un acte logique de m'y rendre avec mes amis.

Ces sept jours coupés de nos études respectives ou de nos différents emplois nous permettent de nous retrouver et de nous reposer avant les derniers examens ou le rush de l'été qui n'annonce jamais quelque chose de calme et paisible.

Tout a démarré quand j'étais encore à l'école primaire, lorsque ma mère et deux de ses amies d'enfance ont lancé le projet. Depuis, nous perpétuons ce voyage, année après année, mais sans nos parents à présent.

Au cours de nos premières années de vie, un enfant a plus de connexions neuronales qu'un adulte pour lui permettre un apprentissage optimal. Mais à mesure que les années passent, la mémoire et sa capacité limitée est contrainte de laisser de côté certaines informations. C'est pourquoi on ne souvient pas de nos premiers pas, de nos premières années d'école, en règle générale. Alors je suis satisfaite de me souvenir de ma première rencontre avec mes amis les plus proches, ceux qui ont vu le premier jour de ce projet, ceux qui sont encore à mes côtés après les embûches sur nos chemins de vie et ceux qui répondent présents à n'importe quel moment de la journée.

Il n'y a, évidemment, pas qu'eux, mais Valentin et Maxence sont mes frères à mes yeux. Ils sont la famille que j'ai pu me créer, celle que je me suis attribuée, celle qui ne me détruit pas comme la première a pu le faire et celle qui me fait me sentir bien dans mon corps et dans ma tête.


Le train nous dépose avec une bonne dizaine de minutes de retard en gare. Notre groupe de cinq descend du wagon F avec nos valises et nos sacs qui nous encombre plus que tout. Je manque de chuter, me prenant le pied entre la marche du train et le terre-plein central. De justesse, je me retiens à un inconnu auprès duquel je m'excuse.

Le soleil cuisant du sud nous agresse dès notre sortie de la gare : même si nous ne sommes qu'au mois de Mai, les températures sont élevées dans cette région de France.

La rue qui se dresse devant nous à la sortie n'est pas autant bondée que dans mes souvenirs. Quelques taxis patientent devant et certains passants sont assis sur les bancs extérieurs, à regarder les allers et venus qui sont nombreux. Entre la gare, l'hôtel du Nord en face, les supermarchés aux alentours et les boutiques de vêtements un peu partout sur l'avenue, tout le monde trouve ce qu'il cherche sans se fatiguer à parcourir des kilomètres et des kilomètres.

Ce genre de grande ville est le total opposé de là où j'ai grandi : un corps de ferme, des vaches en guise de voisins et des champs à en perdre la vue. C'est avec plaisir que j'apprécie la civilisation.

N'étant pas venus en voiture pour éviter de faire une dizaine d'heure de trajet à se partager entre quatre, puisqu'une d'entre nous a une suspension de permis pour six mois, nous devons attendre le propriétaire des lieux de notre semaine de vacances qui ne va plus tarder.

Lui aussi est en retard, mais pas pour les mêmes raisons : une partie de notre grand groupe d'amis est arrivé depuis deux jours et ils ont profité de la soirée d'hier pour se faire un apéro qui a terminé tard le matin. Venir nous chercher à quatorze heures est donc trop tôt pour eux.

Je profite de ce moment d'attente à l'ombre pour me réapproprier les lieux : une semaine par an n'est pas suffisant pour profiter pleinement de cet endroit. Bien qu'avec mes études d'art j'habite à présent dans une grande ville, rien égale ce que nous avons sous les yeux : si l'on longe la rue face à nous, on tombe directement sur la mer méditerranée. Ici, c'est comme si les habitants étaient toute l'année en vacances. Alors je me demande : où vont-ils pendant les leurs ? Dans quel endroit arrivent-ils à trouver un endroit plus paradisiaque qu'ici ? A mes yeux, c'est impossible.

À la poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant