Chapitre 14

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Je me réveille en sursaut, la respiration haletante, le cœur qui galope le plus vite possible et les larmes aux yeux. Ce n'est pas rare que je fasse des cauchemars sur le procès, durant une longue période j'en faisais même toutes les nuits, mais cette nuit était la première fois depuis longtemps. Avec assurance, je peux assurer que ça ne m'avait pas manqué.
Même s'ils sont en prison, j'ai l'impression que mes parents continuent de me faire du mal à travers ces rêves que je ne peux pas contrôler. Ce n'est pas comme quand j'y repense en plein milieu de la journée : je peux trouver un moyen pour me changer les idées, pour tenter d'arrêter de m'empoisonner la tête avec ces souvenirs atrocement douloureux.
La nuit, je suis victime de mon cerveau et des flashbacks dans lesquels il me replonge. Je subis, encore une fois, sans être capable de me sortir de cet enfer.
A plusieurs reprises mon médecin m'a conseillé l'hypnose pour y remédier et ne plus jamais avoir à revivre ces cauchemars. Mais si je suis prête à dire ne plus les revivre, je ne suis pas prête à laisser quelqu'un entrer dans mon subconscient et découvrir certaines choses que je n'ai jamais exprimées à haute voix, pas même devant les avocats.

Les paumes de mes mains suintent de transpiration et d'un léger voile de sang à force de m'enfoncer les ongles dans la peau pendant mon sommeil. Je sors de ma chambre et marche calmement vers la cuisine tout en essayant de ne pas faire de bruit pour réveiller mon invité qui doit probablement dormir paisiblement sur le canapé. Nous sommes rentrés il y a quatre heures du bowling et je lui ai proposé de rester dormir au lieu de se taper une heure de route. De plus, bien qu'il n'avait pas bu, ça me rassure qu'il ne prenne pas le volant si tard.

Les mains propres et la gorge hydratée avec un bon verre d'eau par la même occasion, je regagne ma chambre. Avant ça, je pivote la tête vers le salon où je remarque qu'Antoine ne dort pas, bien qu'allongé sur le canapé avec le plaid à côté de lui. Les yeux ancrés sur son portable, je ne vois qu'une partie de son visage. Sous mon poids, le parquet grince et son regard croise le mien, qui suis figée sur place.

- Pas discrète niveau espionnage non plus, se moque-t-il.

- Qui te dit que je ne suis pas là depuis une heure et que tu viens seulement de me remarquer ?

- Parce que je t'ai entendu te lever. T'es vraiment pas silencieuse.

Il allume le lampadaire derrière lui qui éclaire la lumière en la baignant dans une ambiance calme et paisible. D'un mouvement de main, il m'invite à venir m'asseoir à côté de lui et mes jambes m'y conduisent avant même que l'information ne circule entièrement dans ma tête. Quand je me dis que ce serait plus raisonnable d'aller me coucher, je suis assise sur mon canapé qui sert de lit à Antoine pour la nuit.

- Tu dors pas ?

- Bien vu Sherlock.

Cet échange me ramène à nos vacances à Cannes, juste avant que je l'entraîne à la grange pour passer le temps. Lui aussi y a pensé et son ton est moins cynique et moins insolent qu'il y a quelques longues semaines.

- Toi non plus ?

- Mauvais rêve.

A l'aide de son simple regard, je comprends qu'il me laisse le choix de m'exprimer davantage ou non sur le sujet. Je comprends aussi qu'il est prêt à m'écouter toute la nuit si besoin, si j'en ressens l'envie. Mais je ne sais pas si c'est une bonne chose. Peut-être que ce qui s'est passé tout à l'heure au bowling, quand on était très proche, sans l'être de trop, et que nos lèvres étaient attirées par les autres vient tout chambouler.
Même si j'ai envie de parler avec lui de mon passé pour qu'il comprenne qui je suis réellement, même si je persiste à me dire et à le dire aux autres que mon passé ne me résume pas entièrement, il fait parti de moi et je ne peux pas m'évertuer à faire comme s'il n'était qu'un détail.

À la poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant