Chapitre 31

27 3 0
                                    



Le chemin du retour est long et épuisant.
J'ai versé chaque larme disponible dans mon organisme, puisant dans mes ressources les plus profondes.
Me remémorant chaque parole, chaque regard et chaque mouvement en boucle, je ne vois que ça, je n'entends que ça et me concentre uniquement que là-dessus.

Mon coeur a mal.
Mon orgueil à mal.
Et ma dignité a pris un sale coup.

Mais surtout, je suis partagée entre la colère contre Antoine et la colère contre moi-même.
Si je n'avais pas menti, nous n'aurions pas eu cette conversation et il n'aurait pas cru Alicia. Il ne m'aurait donc pas lancé ces horribles paroles, ne l'aurait pas laissé m'insulter et m'aurait soutenu.
Au lieu de ça, il a foncé tête baissée.
Parce qu'il était blessé.
Parce que c'était Alicia.

Je ne sais plus.
Je ne sais pas.
Ai-je déjà su ?

Pendant que je conduis, je reçois plusieurs messages et appels, principalement d'Antoine qui me demande de revenir pour qu'on discute et qu'on reparte sur de bonnes bases, de Nathan qui m'explique que ce n'est pas de ma faute et que je ne dois pas m'en vouloir de la dispute entre les deux garçons, et de Paul, justement, qui me jure n'avoir rien dit à Alicia mais qu'il ne comprend pas comment cette dernière a été mise au courant.

Honnêtement, je m'en moque.
Le mal est fait et on ne peut plus le défaire ou prétendre n'avoir jamais rien fait.
Il faut assumer ses actes.

Et c'est ce que je fais :

J'ai menti à Antoine.
J'ai blessé Antoine.
J'ai trahi la confiance d'Antoine.

Mais je lui ai menti parce que je croyais bien faire et l'aider.
J'ai blessé Antoine parce que je suis maladroite et que je n'ai pas le bon choix.
J'ai trahi la confiance d'Antoine parce que je suis une merde qui prends les mauvaises décisions dans sa vie et qui réitère à chaque fois, croyant que la suivante sera la bonne.
Mais spoiler alert : ça n'est jamais la bonne.

Et bon sang ce que je hais cette Alicia ! Elle est la première depuis longtemps à me donner des envies de meurtre. Son air satisfait, ses mimiques, ses mains sur Antoine, ses paroles, sa connaissance de la situation qui sort de nulle part ... Tout chez elle m'insupporte.

J'enfonce mon pied sur la pédale d'accélération.

Je ne sais pas où je me trouve, ayant oublié d'activer le GPS avant de partir en furie du parking où j'ai laissé un Antoine blessé derrière moi.

Les routes sont mauvaises et la visibilité est très réduite. Je devrais réduire la vitesse, me ranger sur le côté et lancer mon téléphone.

J'enfonce mon pied sur la pédale d'accélération.

Les arbres autour de moi défilent à grande vitesse, bientôt, je ne pourrai plus les compter.
Les virages sont serrés, je tourne le volant à grands coups de bras pour me maintenir sur la route.

J'enfonce mon pied sur la pédale d'accélération.

Des ombres sur le côté de la route devraient me faire ralentir, en temps normal. Mais pas là.

J'enfonce mon pied sur la pédale d'accélération.

Plus les mètres me séparant de cette ombre étrange se dissipent, moins j'ai peur. Je suis confiante, à tel point que j'inspire longuement et détends mes épaules. Tout va bien se passer.
La masse étrange se décale et vient traverser la route. Mais au milieu de ma voie, elle reste statique. Ses grands yeux brillants viennent me regarder et les phares de ma voiture l'éblouissent.

Ralentis Juliette, tu vas tuer la pauvre biche.

J'enfonce mon pied sur la pédale d'accélération.

Le choc est rapide, puissant et douloureux mais à aucun moment j'appuie sur la pédale de frein. A aucun moment je donne de coup de volant pour m'extirper de la voie et tenter de ne pas toucher ce pauvre animal.
Ma voiture se retourne, ma tête cogne contre la vitre qui s'explose au premier choc, mes airs bags s'enclenchent tous et alors que, durant les quelques secondes qui me paraissent une éternité, je suis à l'envers, ma voiture faisant des tonneaux sur elle-même, je me dis que c'est la fin.
Enfin.

Ma voiture perd totalement le contrôle quand elle commence à patiner dans le sang de l'animal. Je retire mes mains du volant et les pose sur mes cuisses.

C'est la fin.
Enfin.

Et je suis plus que prête à l'accueillir.




FIN DE LA PARTIE 1 DU TOME 1.

*

*

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
À la poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant