Chapitre 38 / Flashback

6 0 0
                                    

OCTOBRE 2021

J'ignore si d'autres artistes ressentent cette même impression lorsqu'ils produisent une musique, qu'ils sont dessus depuis des jours entiers et que rien avance, jusqu'à ce que, au bout d'un certain moment, peut-être est-ce dû à l'agacement, la fatigue, la frustration, cette musique leur sorte par les yeux.

Parce qu'en ce moment même, c'est totalement mon cas.

She's made of something I hate m'énerve, me dérange, me casse les pieds et me donne envie de tout casser.
Ce que je ne ferai pas : un seul bouton dans ce studio d'enregistrement coûte excessivement cher. On va éviter les dégâts inutiles, alors je serre juste les mâchoires pendant que Camille, du même avis que moi mais concernant la prod, modifie des réglages.

Mon genou sautille nerveusement et j'ai beau tenter d'enfoncer mon pied dans le sol avec toute la force possible, il persiste, encore et encore, dans l'unique but de trahir aux yeux de tous ma nervosité et mon impatience.

- Le soucis c'est quoi, les paroles ou la prod ? s'intéresse l'élément indésirable derrière nous qui, malgré ses très maigres paroles, m'agace.

Sa simple présence m'irrite.

Je crois que je suis de mauvaise humeur aujourd'hui alors que la journée avait très bien commencé.
J'étais dans le lit avec Maxence, c'était parfait. Puis il a fallu qu'Evan m'appelle, que Leonard se la joue ... Leonard et que je me tape deux heures de route avec un bougon à ma droite qui changeait de musique toutes les trente secondes et tirait sur le col de son tee-shirt tout aussi fréquemment.

Autant dire que le trajet a été plus qu'insupportable et que, pour couronner le tout, je me suis fait flasher à vingt kilomètres heures de trop.

J'aurais mieux fait de mettre mon téléphone en mode avion, de le tenir éloigné de la table de nuit tout en gardant près de moi Maxence. Là, la journée n'aurait pu être que parfaite.

- Les deux, répond Camille en grommelant. Ou rien du tout, j'avoue qu'à ce stade, je ne sais plus.

Sa main, celle portant son alliance qui l'unit à son épouse dont je ne connais que le prénom, s'agrippe à l'arrière de sa tête et tire ses cheveux. Il a vraiment l'air ... agacé ? Ça a l'air d'être ça oui. Agacé et énervé par ce manque de résultat qui commence à perdurer.

- Je peux retourner dans la cabine, si tu penses que c'est ma voix le soucis.

- Tu peux, mais je pense que ça ne changera pas tant que le passage entre le premier et le deuxième couplet n'est pas réglé.

- Vous ne pouvez pas travailler une autre musique en attendant ? Il nous reste deux mois, mais deux petits mois avant la sortir de l'album. Le directeur du label me fout la pression pour qu'il ai une idée de ce que ça va rendre.

Synchroniquement, Camille et moi faisons face à Evan. Si sa demande n'est pas déplacée et stupide, elle reste tout de même crispante et déplaisante. Il se retrouve confronté à nos deux regards désobligeants, ce qui me surprend follement venant de la part de mon producteur de son.

Lui qui laisse toujours passer les remarques au-dessus de sa tête, qui préfère se taire plutôt que de chercher la petite bête ou même de riposter face à Evan, me prend de court. Je ne semble pas être le seul quelque peu déstabilisé si je me fie à l'amusante expression de mon agent aux fausses allures de beau-père : sa bouche ouverte témoigne de sa stupéfaction et le pli créé entre ses sourcils démontre sa frustration.

À la poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant