À la poursuite du bonheur

Chapitre 53

Le 23 Janvier, 16 heures

JULIETTE

" Paul

Tu peux me rejoindre devant le bâtiment C stp ? "

J'ai à peine le temps de sortir de ma salle de cours, la tête encore un peu embrumée par la soirée d'hier, qu'une notification apparaît sur mon écran de téléphone. Je perds le sourire qui a pris vie sur mon visage à l'instant où j'ai reçu ma note sur mon dernier devoir pratique donné. Vu les heures que j'ai passé à réviser et à me décortiquer le cerveau pour réaliser un projet plus que potable, le contraire m'aurait étonné.

Me pressant pour ne pas faire attendre Paul qui m'attend pour je ne sais quelle raison, je range mes feuilles de cours dans mon sac sans y faire attention. Me connaissant, je vais haïr Juliette du passé d'avoir agi ainsi.

En moins de cinq minutes j'accède au bâtiment C qui correspond aux études de langues.

Parmi la foule d'étudiants qui grouille dans l'immense cours, je reconnais une tête presque blanche avec un regard bleu perçant, des mains dans les poches de sa veste noire et un regard meurtrier qu'il lance à tous ceux qui osent croiser le sien.

Il faudrait vraiment qu'il songe à paraître plus sympa.

Sachant que c'est la première fois que je vois Paul dans mon établissement scolaire, je me sens un peu perturbée. Ça sonne faux.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? je demande en lui faisant la bise, ne l'ayant pas vu ce matin avant de partir à la fac.

- Les autres ont besoin de toi.

Imperturbable, il ne laisse entrevoir aucune émotion dans le timbre de sa voix, aucun brin de sensibilité qui pourrait me mener sur la piste de sa présence ici. Pourquoi est-il redevenu froid tout à coup ? Je pensais que nous avions dépassé cette limite depuis le temps ? Qu'est-ce qui se passe pour qu'il agisse de la sorte ?

Aussi transparent qu'un rideau opaque, il est impossible à cerner. Le retour agaçant de son air supérieur et hautain est sûrement la raison de cette barrière infranchissable.

- Par rapport à ?

Je plisse les yeux quand je le sens agripper mon coude pour m'inciter à le suivre hors de la cour et remonter les escaliers afin d'aller jusqu'à sa voiture garée sur le trottoir.

- Tu n'as pas le droit de te garer ici, je lui fais constater puisqu'il ne répond pas à ma question.

D'un geste presque violent il me lâche et me fait signe de monter à l'intérieur. Je sursaute lorsque sa portière claque et monte, penaude. Qu'est-ce qui lui prend ?

A peine suis-je montée dans la voiture qu'il démarre en trombe, n'ayant pas une minute à perdre. Il ne me laisse même pas le temps d'attacher ma ceinture ! La musique est tellement assourdissante que je ne m'entends plus penser et quand je m'apprête à la baisser, Paul la coupe entièrement à l'aide d'un bouton sur le volant.

- Tu vas me dire ce qui se passe ou tu restes avec cet air renfrogné ?

- C'est Antoine.

Mon cœur qui battait la chamade face au comportement étrange de Paul et à sa conduite sportive saute plusieurs battements.

Je comprends rapidement qu'il vaut mieux pour moi de ne pas poser davantage de questions : Paul a été missionné pour venir me chercher, non pour répondre à mes questions.

Qu'est-ce qui a pu se passer concernant Antoine ?

Hier encore, après sa soirée d'anniversaire, nous avons passé un bon moment. A-t-il, à nouveau, trop abusé ? Ou alors ... Non, mon imagination me fait peur et je ne veux pas la laisser s'immiscer dans ma tête et polluer mon cerveau d'horribles scénarios plus effrayants les uns que les autres.