Être invitée dans une maison où l'une des locataires ne me porte pas dans son cœur me met la pression, je l'avoue, mais je fais comme si tout était normal tout en m'appliquant dans la tresse que je tente de terminer.
Antoine m'a proposé de venir chez lui puisque la rentrée avance et que cela voudra dire que mes temps libres ne seront plus si nombreux que ça. J'ai eu beau demander à plusieurs reprises ce qu'il allait faire à la rentrée, il ne m'a jamais répondu, trouvant toujours un moyen pour dévier la conversation sur un sujet qu'il maîtrisait mieux. Peut-être est-il perdu dans ses études, ou qu'il n'a pas de travail pour le moment et que cela l'angoisse ... En tout cas, ça ne l'empêche pas d'avoir toujours des chaussures de marques aux pieds et même si je ne m'y connais pas tellement, je sais qu'elles ne coûtent pas 30 euros. Mais ce ne sont pas mes histoires et il gagne sa vie comme il le sent.
Du moment qu'il ne tue personne, le reste n'est pas très important.- Arrête de bouger ça va être râté ! je réprimande mon ami en lui tirant les cheveux en arrière pour qu'il se rapproche à nouveau.
- Je crois que c'est déjà foiré, se moque quelqu'un derrière moi.
En me tournant, j'entraîne avec moi la tête d'Antoine, contraint puisque je n'ai pas lâché ses cheveux que je tente de tresser depuis au moins dix bonnes minutes. Mais ce dernier, assis sur le tapis du salon, entre mes jambes, pendant que je suis installée sur le canapé, ne fait que gigoter et me retarder dans ma progression. Dans ma tête, le projet semblait plus facile à réaliser qu'en vrai. Peut-être que si j'avais une tête à coiffer ce serait différent : elle au moins ne serait pas une vraie pile électrique qui bouge sans raison apparente.
- T'es sérieux ? je m'offusque faussement. C'est super bien fait !
Thomas, un des amis d'Antoine qui ne vit pas ici mais qui passe la plupart de son temps libre ici, si j'ai bien compris, fait une grimace et s'assoit à côté de moi. Il manque d'écraser la main d'Antoine qui ne se prive pas de grogner au passage.
- Laisse-moi faire, je vais te montrer mes talents.
- EH ! Je ne suis pas une poupée et encore moins Mathilde alors calmez-vous !
- Qui est Mathilde ?
- Ma fille, répond Thomas en prenant les cheveux d'Antoine.
Ses gestes sont maîtrisés et l'assurance avec laquelle il ponctue la seconde tresse avec un élastique m'épate : moi-même je ne suis pas aussi douée quand je dois le faire avec mes cheveux ...
Avec deux tresses collées sur le crâne, Antoine a perdu tout le volume de sa chevelure. Quand il se tourne vers nous, je suis assez surprise de le voir ainsi mais ça lui va plutôt bien, je dois l'admettre. Il grimace en se regardant sur son téléphone mais ne touche pas à sa coiffure pour autant. En revanche, il se relève pour aller chercher une autre canette, après avoir fini la sienne.- Elle a quel âge ta fille ?
Je n'ai vu qu'une seule fois Thomas mais je ne lui avais pas parlé durant cette soirée où Antoine m'avait demandé de venir pour voir un film. Nous n'étions pas resté longtemps, juste le temps qu'Antoine cherche ses clefs de voiture, et nous sommes parti rapidement au cinéma. Au retour, trois heures plus tard, il était déjà parti.
- 4 ans.
Thomas est le total opposé d'Antoine : sa peau à lui n'est pas couverte de tatouage et aucune trace d'ancien piercing ne se distingue sur son visage. Tout comme Anthony, que j'ai rapidement aperçu au supermarché la dernière fois,
En revanche, quand je le regarde, je ne ressens pas cette chaleur qui enveloppe l'entièreté de mon corps, pas comme quand je me donne le droit d'observer Antoine, non, de l'épier, de le dévorer du regard.
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À la poursuite du bonheur
RomanceP1/2 : Une semaine de vacances à Cannes va bouleverser le quotidien de Juliette, jeune étudiante en arts de 23 ans. Marquée par les coups de ses parents durant sa jeunesse, elle a toujours souhaité être sauvée par une main tendue. Mais jamais elle n...