JUILLET - AUJOURD'HUI
Enfermé dans les toilettes, le front contre le carrelage dégueulasse, je supplie mon coeur de ne pas s'emballer de la sorte et de me laisser respirer correctement. Peu importe mes prières, et mes menaces, il agit indépendamment de ma volonté et prend un malin plaisir à me torturer comme un con.
M'étant enfui directement après le concert, je ne suis pas étonné de voir mon téléphone s'allumer pour afficher un énième appel d'Evan qui, depuis cinq bonnes minutes, perd patience face à ma disparition, la deuxième de la soirée.
Je sais que je lui fais faux bon alors que nous devons faire un point avec l'équipe, mais à la seconde où je suis sorti de scène, je ne me suis pas senti bien.
Vraiment pas bien.
On a eu pour conseil de me dire : fais comme si tu chantais face à une seule personne, la personne que tu aimes; pour que le stress et le tract, malgré les concerts qui s'accumulent, disparaissent.
Mais quand la musique s'est arrêtée et que le public s'est mis à m'applaudir, cette personne a disparu et je me suis retrouvé face à quelques milliers de fans en délire.
J'ai eu beau chercher du regard où cette personne a pu disparaître, je n'ai réussi à rien obtenir comme réponse. Et mon coeur a commencé à se foutre de ma gueule en me torturant de la sorte.
Des fois, ton pire ennemi fait partie de toi et je n'ai jamais été aussi sûr de moi qu'à cet instant précis.
- Mais tu sais que tu me fais chier ?
Je sursaute en entendant la voix agressive d'Evan à travers la porte des toilettes. Il claque son poing dessus et je suis forcé de déverrouiller. Son visage est rougi par la colère et, avec sa main de libre, celle qui ne tient pas son fichu téléphone, il m'agrippe l'épaule et me fait sortir de la cabine.
- Je peux savoir pourquoi aujourd'hui t'as décidé de te planquer ?
- J'me sens juste pas bien, calme.
- Tu te pencheras sur tes sentiments de pétasse plus tard.
Il force pour me faire sortir des toilettes mais je lui donne un coup d'épaule pour lui faire comprendre que je n'ai pas besoin de lui pour marcher. Il s'apprête à rétorquer quelque chose quand je le devance en quittant la pièce pour aller jusqu'à ces fameuses loges 4, y faire acte de présence et me casser rapidement.
Sasha doit probablement m'attendre quelque part en plus.
La loge 4 est bondée de monde quand j'y entre et j'esquive au dernier moment le coude du batteur qui ne m'a pas vu entrer. Le calme revient quand Evan referme la porte derrière nous et tout le monde s'assoit. Je reste adossé au mur à côté de la porte, mon issue de secours. Du coin de l'œil, je suis soulagé de voir que Sasha est là. ll est plongé sur un pouf, le nez en l'air. Il ne m'a sûrement pas vu entrer tant il porte aucun intérêt à ce qu'il se passe en ce moment-même et je l'envie de cette nonchalance face à tout ça. Elle ne m'étonne pas puisqu'il n'a rien à voir avec la musique et que tout ça ne le concerne pas.
- Il nous reste quelques dates à faire avant la pause de la rentrée d'une semaine. Est-ce qu'il y en a qui ont des remarques à faire ou des suggestions ?
Comme personne parle, Evan reprend avec un ton plus sec et autoritaire.
- Plus vite on termine cette réunion, plus vite vous pouvez aller au bar ou rejoindre vos gosses. Alors grouillez.
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À la poursuite du bonheur
RomanceP1/2 : Une semaine de vacances à Cannes va bouleverser le quotidien de Juliette, jeune étudiante en arts de 23 ans. Marquée par les coups de ses parents durant sa jeunesse, elle a toujours souhaité être sauvée par une main tendue. Mais jamais elle n...