Chapitre 31 / Flashback

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SEPTEMBRE 2021



Interview sur interview.

Question sur question.

Si les concerts et les festivals m'épuisent, les interviews, bien moins nombreuses malgré tout, me transportent dans un état de fatigue et de lassitude d'un autre niveau qui me cloue à terre. Tout ce que je veux, c'est un grand et long bain gelé.


Base matifiante.

Fond de teint.

Poudre.

Je n'ai jamais autant eu de maquillage sur la gueule que lors de ces moments. Ça me chatouille le nez à tel point que l'envie d'éternue s'égale à ma forte envie d'aller pisser. Mais la maquilleuse du média du jour m'empêche de bouger, bloquant mon corps, mes mouvements. Elle s'entête à passer son pinceau sur mon visage, s'arrêtant au niveau de mes lèvres qu'elle regarde un peu trop langoureusement à mon humble avis.

Désolé ma grande, mais mes pensées sont obnubilées par une toute autre personne bien différente.

- Il est bientôt prêt ? crie l'assistant du bureau de journalistes, une oreillette à l'oreille, un calepin dans la main et un visage aussi strict que mes anciens profs de collège.

- Tout de suite oui, soupire sa collègue, la maquilleuse qui m'étonne à aussi bien manier le pinceau avec d'aussi longs ongles.

Et là, sans en comprendre la raison, elle pose son pouce près de mes lèvres pour retirer je ne sais quelle particule qui semble la gêner.

Son doigt me dérange et je recule le visage pour briser le contact qu'elle m'impose, peut-être sans s'en rendre compte.

- Allez on y va ! sourit Samia en entrant dans la loge aussi bordélique que ma chambre d'enfant.

Ses deux tresses collées donnent une plus belle vue sur son visage noir et ses yeux également sombres.

Si Evan est la froideur incarnée, Samia est chaleureuse, empathique et bienveillante. Je ne la vois que de temps en temps, quand mon agent ne peut vraiment pas être là pour moi. L'année dernière, il a dû prendre des jours de repos pendant qu'il faisait son deuil de sa mère tout juste décédée.

Si je peux me passer d'agent quand je vais au studio, ou dans la vie de tous les jours, c'est plus compliqué lors des interviews ou avant les concerts. C'est son rôle de gérer ça, du moins, je lui donne ce rôle et cette importance. Il m'a alors proposé les services d'une personne de confiance, Samia, et depuis, elle vient à ma rescousse dès que je crie " à l'aide ".

Avant de sortir de la loge, elle m'arrête pour passer une main dans mes cheveux et les coiffer un peu moins strictement que la maquilleuse a fait, se prenant pour ma coiffeuse.

- N'oublie pas de tout faire pour dévier les questions sur les photos et les vidéos. Si tu n'y arrives pas, ne t'en fais pas, tu gèreras malgré tout.

Puis elle fait un geste qu'Evan ne s'oserait jamais à faire en vue de l'infantilisation que je prends dans le pif à cet instant : elle me pince les joues et les tire doucement comme ce qu'on fait à un enfant qu'on apprécie bien.

Juste avant d'entrer dans le studio, un petit jeune frôlant les dix-huit ans à peine m'habille d'un micro cravate. Les mains tremblant de nervosité, il n'arrive pas à l'accrocher pendant que ce qui ressemble à sa responsable le juge sans aucune honte un peu plus loin.

- Florentin, tu te dépêches un peu ? Ça va être l'heure ! Laisse le partir.

Je soupire et attrape ce que le jeune a dans les mains pour l'installer moi-même, sans que sa responsable le remarque. Il me sourit faiblement et je prends la direction opposée, vers le studio.

À la poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant