~Thirty-one

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Elle faisait un cauchemar. Elle le faisait souvent, ce cauchemar.

Elle se noyait.

C'était une horrible sensation, de se noyer.

Étonnement, dès qu'elle se réveillait elle oubliait son cauchemar, mais dès que ce cauchemar commençait, tous ses souvenirs revenaient.

Elle savait qu'elle avait tout tenté pour sortir, en vain.
Elle avait agrippé des rochers, avait tiré sur des algues, avait levé les bras vers la lune entre les vagues.

Mais toujours son corps sombrait et elle, impuissante, subissait sa propre mort.

Cela dit, ce n'était pas son corps, elle s'en rendait bien compte. Il était beaucoup plus léger, beaucoup plus grand, beaucoup plus alourdi par le poids des vêtements.

Ces cheveux étaient longs et fins tandis que les siens étaient épais et repiquaient aux pointes.

Ces phalanges étaient pâles et squelettiques là où les siennes étaient robustes et bronzés à force de rester au soleil même en plein hiver.

Ce n'était pas elle.

Ce n'était pas elle car de plus elle ne se sentait pas suffoquer. Elle s'entendait, certes, tenter de respirer, elle s'entendait s'étouffer mais ne se sentait pas se noyer.

Elle habitait un corps qui n'était pas le sien.

Godric, répétait l'âme qui l'accueillait. Godric.

Elle appelait à l'aide.
Qui était ce Godric ? C'était comme le prénom sur les papiers que retrouvaient Anthony. Avait-ce un rapport ?

Godric.

Oui, elle semblait le supplier de venir. Elle sentait dans les trémolos de son supplice l'impuissance d'une femme qui avait tant subit.
Il était son salut mais peut-être ne l'avait-elle su qu'après le moment propice.

Elle se noyait mais semblait s'être noyé depuis longtemps déjà, peut-être ne le savait-elle même pas. Elle avait été enfermée, enchaînée par quelque chose de plus douloureux encore que la mort.

Si elle avait su avant, peut-être se serait-elle sauvée à temps.

Edenalya avait de la peine pour cette femme qu'elle ne connaissait pas. Elle ressentait toute la douleur qu'elle éprouvait.

Elle ne devait pas faire les mêmes erreurs qu'elle. Était-ce pour ça qu'elle était là ? Elle ne devait pas finir comme ça, une pauvre âme sur un brancard pâle.

-"Edenalya ?"

Elle ouvrit les yeux, s'étira dans son lit, ayant mal dormie.

-"Flitwick veut te parler." Dit Anastasie en lui souriant. "Il t'attend en bas."

Edenalya laissa échapper un soupir, se leva lentement pour s'habiller, encore dans les vapes, et descendre.

-"Bien le bonjour, Edenalya." Flitwick eut un sourire, debout près de canapé de velours. "Tu sais sans doute ce qui m'amène ici."

-"Anthony vous a parlé des papiers." Murmura-t-elle en cachant son bâillement.

Il hocha la tête, soupira, lui intima de s'asseoir face à lui tandis que les élèves passaient pour aller prendre le petit-déjeuner.

-"Je fais évidemment, en tant que professeur, le lien entre tes cauchemars et ces mots, vois-tu." Il se racla la gorge. "Peut-être, durant ces cauchemars, écris-tu ce qui te semble important ?"

Elle nia.

-"Je ne fais plus de cauchemar depuis longtemps, c'est juste que je dors mal."

-"Serais-tu d'accord pour le vérifier ? Je vais installer un dispositif qui détectera si tu sors du dortoir des filles pendant la nuit."

Elle fronça les sourcils.

-"Non. Pourquoi faire cela ? J'aurai l'impression d'être en prison."

-"Pour-"

-"Admettons que ce soit moi, je ne fais rien de grave, si ? Je refuse. Parlez-en à Dumbledore si vous voulez, je suis certaine qu'il trouvera ça futile."

Elle se referma complètement, comme une huître apeurée.

Il eut un long soupir, la regarda longuement.

-"C'était simplement pour t'aider, Edenalya. Si tu refuses, très bien. Je ne le ferais pas."

Elle le remercia d'un hochement de tête. Ce n'était pas elle, elle en était certaine. Mais elle n'était pas non plus un rat de laboratoire. Surveiller si elle sortait la nuit ? Ce n'était pas un crime.

Elle eut un soupir, n'ayant même pas vraiment faim. Elle avait cette sensation de barbouillis, comme si sa gorge était coincée, bloquée.

Comme si elle étouffait.

Elle se leva du canapé, remonta dans sa chambre pour aller lire un peu avant que sa session avec le directeur ne commence.

C'était ainsi, ne l'avait-elle pas déjà dit ? Elle avait une session par mois avec lui, pour "relâcher la pression" mais elle savait que c'était uniquement parce qu'elle n'avait pas été assignée à une maison et que la curiosité du professeur était dévorante et pas forcément dans un but purement professionnel.

Peut-être voulait-il l'ajouter à sa collection d'Elu.

-"Avez-vous bien dormi ?"

-"Très bien." Mentit Edenalya en souriant, s'autorisant à prendre un réglisse. "Et vous ?"

Il sourit, crispé.

-"Excellent, sachant que je vous revoyais aujourd'hui."

Elle degusta son réglisse aussi lentement que possible.

-"Comment s'est passé le bal ? J'ai entendu dire que c'était de votre fait."

-"Très bien, je suis allée dans la tour d'astronomie pour voir les feux d'artifice des moldus."

Il parut peu étonné, sachant déjà ses activités annuelles.

-"Et avez-vous apprécié le spectacle ?"

-"Beaucoup. C'était sans violence." Murmura la jeune femme en s'y revoyant.

Il la regarda, longuement. Peut-être tentait-il d'apercevoir dans ses iris la moindre trace d'un quelconque passage divin. D'une quelconque prophétie.

Mais, malgré cette tâche dans sa vie qui en obsédait certains, Edenalya était tout à fait normal.

-"J'avais une autre question tout à fait personnel, à vous poser. Puis-je ?"

Curieuse, Edenalya l'invita à continuer.

-"C'est à propos de votre famille, Mademoiselle Frazer."

Il la sentit, automatiquement, instinctivement se refermer.
Il la jaugea, voyant sa réaction peu opinée. Puis, comme ayant déjà eu sa réponse, il sourit.

-"Bien, ce fut une séance riche en émotions. Vous pouvez disposer, Mademoiselle Frazer."

Elle hocha la tête, se leva en le remerciant brièvement puis sortit de son bureau, qui semblait soudain bien plus oppressant.

𝙰𝙼𝚈𝙶𝙳𝙰𝙻𝙰  [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant