~Ninety

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-"C'est pour moi ?"

Pronécylia ouvrit grand les yeux devant le collier préparé par son enfant.
Nessa, assise sur le sol dans sa robe en lin, attendit que sa mère le mette autour de son cou puis eût un sourire.

-"Je l'ai fait avec les cendres de Phénix."

Elles se tournèrent vers l'oiseau de l'enfant. C'était Godric qui le lui avait ramené d'un voyage dangereux au sommet d'une montagne lointaine. Un phénix n'était pas aisé à domestiquer mais, voyant dans doute la pureté de l'enfant, il était resté auprès d'elle.

Le jeune oiseau qui venait de renaître fixa le collier, reconnaissant sans doute ses cendres que Nessa avait cristallisées.

-"Il est magnifique, ma fille." Pronécylia attrapa son visage en coupe pour déposer un baiser sur son front.

Ravie, Nessa eût un sourire et se leva alors pour aller caresser son oiseau, le remerciant de sa participation.

Pronécylia, accroupie sur le sol, la regarda faire avec tendresse.

Les années étaient passées bien vite. Nessa marchait, parlait, savait compter jusqu'à 100 et transformer un rat en verre de vin.

Ses grands yeux bleus avaient laissé place à de tendres yeux émeraude de la couleur de son père.

Ses cheveux longs et lisses s'étaient assombris pour devenir aussi noir que les plus purs corbeaux d'Écosse et son nez en champignon se plissait lorsqu'elle riait.

Elle avait peu pris des traits de sa mère.

Nessa Salazar portait bien son nom, sa mère devait le reconnaître.

-"Mère." L'enfant se tourna vers la femme près d'elle qui l'admirait. "Et si je vous montrais un joli tour ? Je peux faire chanter Phénix."

-"Tu ne devrais pas prendre ça à la légère, Nessa." Prévint sa mère en se relevant pour venir prendre Phénix.

Il se détacha de sa branche qu'ils avaient installés près de la fenêtre et s'agrippant sur le bras de la femme qui se rassit sur le lit de paille de sa fille.

Nessa resta debout face à elle, intriguée tandis que Pronecylia caressait tendrement l'oiseau qui se laissait faire.

-"Les chants des phénix puisent dans le cœur de ceux qui les écoutent. Les cœurs purs deviennent plus courageux et braves, et les cœurs sombres s'emplissent de terreur." Le phénix baissa légèrement la tête tandis qu'elle le caressait, fermant ses yeux pour confirmer ses dires.

-"Je n'ai pas peur quand il chante." Dit la jeune enfant et sa mère sourit en la regardant.

-"C'est normal Nessa, tu n'es pas mauvaise."

Pronecylia regarda Phénix un long instant, cherchant quelque chose profondément.

Que se passerait-il, si elle l'écoutait chanter ? Aurait-elle le courage d'arrêter la folie qui s'était emparé de Salazar ? Aurait-elle le courage d'arrêter ces vengeurs de sang qui lui appartenaient ?

Et que se passerait-il si, au contraire, c'était Salazar qui l'écoutait chanter ?

Serait-il brave, ou bien terrorisé ?

Elle ne se sentait pas capable de vouloir le savoir.

Elle n'en avait pas la force.

Sans s'en rendre compte, ses doigts cessèrent de caresser l'oiseau et se posèrent le long de ses plumes neuves.

Il releva la tête, la fixa de ses yeux globuleux, posant son bec sur son avant-bras.

-"Mère ?" Appela Nessa en voyant qu'elle était ailleurs.

Phénix fixa la femme longuement, la jugeant.

Puis sans doute comprit-il le destin qui lui incombait, car il ouvrit son bec et un doux sifflement leur parvint aux oreilles.

Nessa eût un tendre sourire, profitant de ce chant qu'elle aimait tant et qui faisait gonfler son petit cœur.

Pronecylia releva la tête, fixa l'oiseau qui continuait.

Ses fardeaux semblaient, le temps d'une courte chanson, s'être envolés, comme fait de cendres face au vent.

Son cœur s'allégeait et pourtant se durcissait, elle le sentait battre sous ses tempes.

C'était un instant privilégié qui lui était accordé et la pure enfant ne savait pas la chance qu'elle avait de l'écouter souvent.

Pronecylia ferma les yeux, inspirant, savourant ce doux présent.

Puis lorsque Phénix referma son bec et que le son se tut, même les oiseaux au-dehors restèrent silencieux, ne voulant rompre cet instant béni des dieux.

En un souffle, Pronecylia embrassa le crâne de l'oiseau en le remerciant et se releva, le reposant sur son perchoir avant de prendre Nessa dans ses bras avec amour et de l'embrasser partout.

Nessa rit aux éclats, amusée par sa mère qui ne se lassait pas puis se vit reposer sur le sol de sa chambre lorsque la voix de Salazar retentit dans le manoir.

-"C'est l'heure d'y aller." Hurla-t-il depuis le rez-de-chaussée.

-"J'arrive." S'écria alors Pronecylia et elle s'accroupit à la hauteur de sa fille.

-"J'ai déposé les livres de la journée sur la table à manger." Dit-elle. "J'ai récolté les pommes de terre ce matin alors tu n'as qu'à les éplucher pour ce midi et nous serons de retour ce soir après le couvre-feu des élèves. Attends-nous si tu le souhaites, ou bien dîne seule et va te coucher si tu es fatiguée." Elle embrassa son front. "Demain matin, nous regarderons sous le gui s'il n'y a pas quelques figurines de bois pour toi."

Nessa eût un sourire et sa mère tapota ses plis du nez avec amour.

Elle se releva, caressant les cheveux de son enfant.

-"Je viendrais à Poudlard dans trois ans." Compta Nessa. "Dans trois ans, je n'aurais plus à travailler seule ici, je travaillerais avec vous à Poudlard !"

-"Oui ma fille." Salazar s'avança dans la chambre. "Dans trois ans, tu pourras intégrer Poudlard et devenir une Serpentard."

Il fit mine de réfléchir.

-"Cela dit, tu en es déjà une."

Nessa rit et sa mère eût un sourire crispé.

-"Allons-y, c'est bientôt l'heure de leur petit-déjeuner." Dit-elle et effectivement le soleil commençait à se lever.

Elle salua Nessa et descendit en premier les escaliers, le cœur rempli d'espoir. Elle se sentait capable de tenir tête à Salazar. Elle devait élaborer un plan pour se débarrasser des vengeurs de sang, avant que sa lâcheté ne reprenne le dessus.

Oui, ce soir était le bon soir.

Salazar embrassa Nessa avant de commencer à partir mais se ravisa.

-"Ma Nessa." Appela-t-il et elle se tourna vers lui. "La prochaine fois que cet oiseau de malheur se met à crier jusqu'à me faire sursauter, je l'empaille. Alors éduque-le bien."

Et il descendit à son tour, tandis que Nessa restait dans sa chambre debout, son âme d'enfant refusant de comprendre ce que son cœur savait déjà.

𝙰𝙼𝚈𝙶𝙳𝙰𝙻𝙰  [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant