𝙰𝙼𝚈𝙶𝙳𝙰𝙻𝙰 [TERMINÉ]

~Ninety-nine

-"Maman !" Hurla-t-elle à plein poumons.

Elle s'effondra sur le sol, attrapant le lourd visage de sa mère dans ses mains pour le poser sur ses genoux, tremblante, posant ses doigts un peu partout sans savoir quoi faire.

Nicolas pointa sa baguette sur elle, trouvant presque ça trop facile et pathétique.

Il commença à incanter, lassé, mais alors sa baguette se fit dérober et il se tourna vers le château.

-"Tiens." Il parut peu surpris. "C'est toi."

Sa sœur s'approcha, ayant laissé Lily quelque part dans un autre bataille.

La baguette levée elle fit léviter l'homme, les yeux ternes.

-"J'ai regretté toute ma vie de m'avoir laissé partir, ce soir-là." Souffla-t-elle.

-"Tu as fait ça parce que je suis ton frère." Suffoqua l'homme en se tenant la nuque, agitant ses pieds dans le ciel.

-"Oui." Répondit-elle honnêtement. "Je l'ai fait parce que tu es mon frère."

Elle s'avança de nouveau, désormais près de lui, et se tourna vers le corps inerte qui gisait sur les genoux d'une enfant bien trop jeune pour tout comprendre.

-"Mais les liens du sang ne suffisent plus, désormais. Ils n'auraient jamais dû suffir."

Elle serra sa baguette, se mordant la lèvre inférieure, ses rides se creusant sous sa culpabilité.

-"Je t'en prie." Souffla l'homme, désespéré. "Je t'en prie, sauve-moi. Tu es ma grande soeur, n'est-ce pas ?"

-"Ça ne marchera pas."

Les traits de Nicolas se déformèrent sous la rage.

-"Sale ingrate !" Hurla-t-il. "Tu n'as jamais été bonne qu'à donner des leçons alors que tu n'as pas été fichu de garder ton mariage ni de protéger ta famille !"

-"C'est ce que je fais maintenant !" S'écria-t-elle à son tour. "Je protège ma famille !"

-"Je suis ta famille !"

Elle se pinça les lèvres, regarda Edenalya qui hurlait, pleurant de tout son soul.

-"Elle est ma famille." Murmura alors la femme et elle regarda son frère avec une nostalgie évidente.

Puis elle délia ses lèvres, et deux mots vinrent réduire le tortionnaire à s'effondrer sur l'herbe, sans un bruit.

Et alors qu'Edenalya suppliait sa mère de lui revenir, de ne pas l'abandonner de nouveau, Nicolas n'eut le droit à aucune larme.

-"Je suis désolée."

Sa tante caressa les cheveux d'Edenalya, tendrement et machinalement, écoutant avec agonie les sanglots déchirants de l'enfant.

-"Je venais de la retrouver." Supplia la jeune fille en frottant les bras de sa mère pour tenter d'y retrouver de la chaleur. "Je venais de l'avoir."

-"Je suis désolée." Répéta la femme derrière elle.

Edenalya essuya son nez coulant, gémissant sans arriver à s'arrêter, laissant le visage de sa mère sous le sien se tâcher de gouttes salées.

C'était si injuste. On la lui arrachait de nouveau, on la retirait de ses bras sans rien lui laisser d'autre que sa glaciale absence.

Elle n'arrivait pas à respirer, comme une nouveau-né, ses larmes ne cessaient de couler et ses hoquets l'empêchaient d'inspirer. Elle s'étouffait dans ses propres larmoiements, pathétique qu'elle était.

Si elle avait eu le courage de le tuer en premier. Si elle avait eu la force de le faire avant.

-"Maman." Sa gorge se serra entre deux sanglots.

Elle attrapa sa main, la sienne trempée et pressa sa paume contre la sienne si froide.

-"Maman." Supplia-t-elle d'une voix étouffée. "Maman."

Elle mit sa main libre sur sa bouche, fermant ses yeux embués de larmes.

Sa tante continua ses tendres caresses mais elle les sentait à peine.

Elle baissa la tête lentement, posant son front sur le visage de sa mère, laissant ses mains descendre jusqu'au ventre qui ne bougeait pas, serrant le haut de la femme comme si elle tentait de s'y désespérément raccrocher.

Les oiseaux s'étaient tut. La bataille avait cessé. Ils avaient perdu.
Elle avait perdu.

Dans son cœur la guerre s'était arrêté.

Il ne restait que le silence, à l'intérieur. Le terrible et lourd silence d'une défaite à jamais invengée.

Et son martyr pleurait, dans un recoin sombre du monde, le corps se glaçant sous ses mains brûlantes.

-"Il faut y aller." Sa tante frotta son dos. "C'est dangereux de rester là."

-"Je ne veux pas." Réussit à articuler Edenalya entre deux hoquets, sa voix étranglée noyer dans son flot de larmes.

-"Allons-y." Demanda la femme.

-"Non-" sa voix gutturale se fit suppliante.

Sa tante l'attrapa par la taille, la forçant à se relever mais Edenalya s'accrocha désespérément au bras ballants de Vanessa.

-"Non !" Hurla-t-elle, enfermée dans son propre timbre sifflant.

Sa tante la tira, l'efforcant de lâcher le corps mais Edenalya se débattit faiblement, lui hurlant de la lâcher.

Elle traîna des pieds, refusant les bras tendus à la recherche de sa mère qui n'était plus.

-"Laisse-moi." Tenta-t-elle de dire mais sa voix resta coincée dans sa gorge.

Elle ne voyait plus sa mère, les yeux embués de larmes et la vision troublée. Elle ne voyait plus sa maman.

Elle tenta de griffer les bras de sa tante mais elle ne se démonta pas et continua de la tirer hors de la malgré les supplications tremblantes de sa nièce qui n'arrivait pas à aligner deux mots intelligiblement.

Ça faisait tellement mal.
Elle avait tellement mal.

Elle l'avait perdu, encore.

Et cette fois, elle ne la retrouverait pas, parlant à ses plantes ou bien arrosant le jardin d'un pavillon près du sien.

Elle ne la retrouverait plus.

Elle porta sa main à son cou, le serrant de toutes ses forces en espérant délier sa gorge asséchée, l'empêcher de lui laisser ce goût amer sur le palais, cherchant désespérément à sentir autre chose, n'importe quoi d'autre que la douleur de la perte qu'elle ne supportait pas.

Même sa jambe en sang désormais se taisait, respectait les douleurs du coeur qui à jamais surpassaient n'importe quelle douleur du corps.

Elle ne comprit même pas où l'emmenait la femme qui la tirait, se laissait faire, trop faible désormais pour riposter, ses yeux se posant sur le vague du paysage, les lueurs de ses iris s'éteignant une à une pour ne laisser que la pénombre de ses pupilles.

Et finalement, ayant tout épuisé, elle cessa de pleurer.

Et ne resta bientôt que le bruit assourdissant du silence.