𝙰𝙼𝚈𝙶𝙳𝙰𝙻𝙰 [TERMINÉ]

~Ninety-five

-"Cissy ?"

-"Rowena."

Pronécylia se dépêcha d'entrer dans sa maison et s'effondra sur son amie qui la retint.

-"Que se passe-t-il ?" Demanda la femme, inquiète en l'aidant à s'asseoir sur sa chaise.

-"J'ai fait quelque-chose." Murmura Pronecylia en reprenant contenance. "Quelque-chose qu'il ne me pardonnera pas."

-"De qui parles-tu, Cissy ?" Demanda calmement Rowena en s'accroupissant devant elle, posant ses mains sur les genoux tremblants de son amie.

-"Salazar." Souffla alors la femme et Rowena fronça les sourcils.

-"Salazar ? Qu'as-tu fait pour le contredire ?"

-"C'est lui qui était à la tête des meurtres de sang-de-bourbe, Rowena."

La femme se figea, digérant l'information. Son ami complotait contre ses propres élèves.

Pour autant elle crû Pronécylia sur parole, comme si quelque chose en son fort intérieur l'avait toujours poussé à se méfier de lui.

Elle releva les yeux vers Pronécylia, ses paupières tremblants.

-"Il ne doit pas le savoir." Murmura Rowena gravement. "S'il l'apprend, il-"

-"Il se vengera." Termina Pronécylia. "Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, j'aurai dû le laisser-"

-"Tu as fait ce qui fallait, Cissy."

Rowena se releva, fit les cent pas dans son salon, la main sur le menton en réfléchissant.

-"Retourne chez toi. Prends ton enfant avec toi, quelques affaires et retrouve-moi ici. J'irais parler avec lui."

-"Parler ? Et faire quoi, Rowena ? Le raisonner ? Le supplier de ne pas tuer ma fille ?"

-"Il ne lèverait pas la main sur elle." Tenta Rowena mais Pronecylia eût un rire cynique.

-"Il m'a déjà menacé de le faire, et honnêtement je l'en crois capable."

Alors il en était arrivé à ça. À ce point de non retour qu'ils avaient tous redouté jusqu'à en nier l'existence.

Rowena se pinça les lèvres, fixant le sol en quête d'une idée.

-"Nous trouverons un moyen. En attendant, prends ta fille et viens ici. Tu seras en sécurité."

Depuis quand leur amitié s'était-elle réduite à craindre pour leur vie ?
Quelque chose dans leur groupe s'était brisé depuis longtemps déjà mais personne n'avait voulu le remarquer.

Ils s'accrochaient au mince et futile espoir que tout allait s'arranger.

Que Salazar allait redevenir le jeune garçon qu'ils connaissaient.

Pronecylia se mit soudain à grimacer, prise de contractions au ventre.
Rowena fronça les sourcils, s'approcha d'elle.

-"Il y a quelques chose que je ne vous ai pas révélé." Murmura Pronécylia au bord des larmes en tenant son ventre.

Elle releva la tête vers son amie, désespérée.

-"J'attend un autre enfant." Murmura la femme.

Rowena ouvrit grand les yeux, étonnée, regardant le ventre pourtant presque plat.

-"Il arrive." Annonça Pronécylia, paniquant.

L'anxiété faisait bien des miracles, et l'ironie du sort voulait qu'elle le révèle au monde plus vite que prévu.

Au-dehors, le soleil commençait à se lever après la nuit ensanglantée.

Pronecylia, allongée sur le tapis près du feu de cheminée, reprenait des forces après s'être épuisée durant des heures à hurler à la lune de la laisser respirer.

Ses gouttes de sueur perlaient sur son front éclairé.

Elle laissait les flammes s'embraser dans ses iris bleutées.

Rowena revint de sa salle de bain, ayant gaspillé toute l'eau de ses réserves de pluie pour nettoyer le nouveau-né.

Elle s'approcha, tenant l'enfant en main.

Pronécylia tourna la tête, Rowena posa sa tête lourde sur ses genoux pour lui permettre de se relever quelque peu et Pronécylia attrapa l'enfant dans ses bras suants.

Elle ferma les yeux, plusieurs années, voulant profiter le plus possible de la sensation du tout petit être sur sa peau nue. La sensation de son coeur fragile battant à l'unisson avec le sien.

De savoir que c'était sa propre chair, que c'était son enfant, une autre partie de son âme.

-"Aide-moi." Murmura-t-elle alors et ses yeux fermés se mirent à trembler.

Rowena caressa ses cheveux trempés, laissant ses doigts passer entre ses mèches pour l'apaiser.

Pronécylia ouvrit les yeux, les leva vers Rowena au-dessus d'elle.

-"Prends-la pour moi." Supplia la mère.

Rowena fronça les sourcils, ne comprit pas.

-"Mon enfant." Elle se releva pour s'asseoir sur le tapis en sang. "Protège-la pour moi."

-"Je ne peux pas-" refusa immédiatement mais Pronécylia s'arracha son bébé pour le forcer dans les bras de son amie.

-"Rowena." Gémit Pronécylia. "Je ne peux pas le laisser savoir qu'elle existe. Je ne pourrais peut-être pas sauver Nessa de lui, mais je t'en prie, aide-moi à la sauver elle."

Le nouveau-né se repositionna dans les bras de la femme qui ne savait pas quoi en faire.

Les deux savaient combien ces mots pesaient pour la mère tremblante, son visage baignée de larmes.

-"C'est ton enfant." Murmura Rowena pleine de pitié.

-"Garde-le, Rowena. Garde-le jusqu'à ce que je puisse lui assurer un bel avenir."

Pronécylia se mit à genoux, s'inclinant jusqu'au sol, son nez collé au tapis. Rowena tenta de la relever mais Pronécylia n'en eut que faire, gémissant, pleurant de tout son soul.

-"Helena." Supplia Pronécylia au sol. "Prends mon Helena avec toi, le temps que je prenne Nessa avec moi."

Rowena posa sa main sur le dos de son amie, avec amour.

-"Je la garderais jusqu'à ce que tu reviennes." Promit Rowena.

Pronécylia se releva, emplie d'un espoir nouveau. Elle se leva, trébuchant devant sa perte énorme de sang mais se retint à la cheminée de justesse.

-"Je vais aller la chercher." Souffla-t-elle. "Ça fait trop longtemps que je suis partie."

-"Reviens vite." Demanda Rowena en se levant, Helena dans ses bras.

Pronécylia hocha la tête, dans sa sous-robe de lin, ayant enlevé son corset et tout ce qui l'alourdissait.

Elle regarda son amie, dont le diadème sur sa tête rayonnait sous les rayons du soleil qui se levait.

-"Merci." Souffla sincèrement la femme.

Rowena eut un coup au coeur, ne répondit rien et la regarda partir, tremblante.

Ce fut lorsque sa porte se referma et qu'elle se retrouva seule avec l'enfant que son cœur se serra.

Ce mauvais pressentiment qu'elle avait lui faisait regretter de ne pas l'avoir enlacé une dernière fois.