Chapitre 26.1

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Oliver

Adossé contre l'arbre de notre jardin, les bras croisés sur mon torse, j'observe le coucher du soleil, attendant Lyrie, le cœur battant. J'ai eu beau essayer de ne pas penser à cette soirée, peine perdue. Je me suis entraîné durant des heures afin de trouver le discours le plus simple et le plus honnête pour justifier que je lui aie menti après avoir effacé sa mémoire. Que je n'aurais jamais dû me rapprocher d'elle avant de lui révéler la vérité à mon sujet. Elle va me détester, c'est certain.

Essaiera-t‑elle de me planter une dague en plein cœur ? Je frissonne à cette idée. Ce serait mérité, au vu de toutes les fois où j'aurais pu tout lui dire. Quand bien même, je n'ai pas envie de crever !

OK, j'inspire et j'essaie de me calmer. Ça va bien se passer. Elle comprendra. Et elle me pardonnera. Et alors, eh bien... je lui donnerai un baiser de dingue ! Je l'embrasserai comme si ma vie en dépendait ! Parce que j'en crève d'envie depuis des jours ! Et je sais qu'elle aussi.

Je sursaute en entendant des bruits de pas et me tourne vers la porte d'entrée. J'ai le souffle coupé en voyant Lyrie descendre les marches, vêtue d'une robe turquoise digne d'une dame de cour. Elle est cintrée à la taille par une ceinture de perles et de dentelle, des motifs sont brodés sur le bustier élégant. Son épaisse crinière pourpre est tressée, parsemée de perles nacrées. Un maquillage discret colore légèrement ses joues et ses yeux ambrés. Quant à ses lèvres rouges... Elle est renversante.

— Ne me regarde pas comme ça, m'ordonne-t‑elle en croisant mon regard.

— Comment ?

— C'est Nanou et Rina qui ont insisté pour me vêtir de la sorte, bougonne-t‑elle. Et tous ces froufrous et ces trucs dans mes cheveux... C'est ridicule.

— Ridicule ? je répète, incrédule.

— Je ressemble à une poupée.

Je ne peux m'empêcher de rire devant sa mine déconfite. Elle me lance un regard noir, agacée. Mais je pose soudain ma main sur son bras en un geste doux qui la fait frissonner. Elle lève les yeux vers moi avec une intensité qui me trouble, tandis que ses joues rougissent.

— Lyrie, je t'assure que tu n'es pas ridicule. Tu es magnifique, crois-moi. Aucune reine, aucune princesse, ne saurait être à ta hauteur.

Ses yeux s'écarquillent une seconde avant qu'elle ne rougisse davantage. Elle est vraiment craquante. J'ai envie de la serrer contre moi, de humer son parfum. Mais à l'inverse, je romps le contact et me détourne pour l'inviter à nous mettre en route vers le palais.

Une calèche nous attend devant le portillon du jardin. Lyrie s'arrête devant et observe avec curiosité le véhicule.

— Qu'est-ce que c'est ? me demande-t‑elle, inquiète.

— Une calèche, je réponds, amusé.

— On est censés monter là-dedans ?

Je souris à nouveau avant de lui expliquer :

— Tu vois les deux chevaux à l'avant et l'homme assis sur la banquette en hauteur ?

— Oui...

— Ce sont eux qui vont nous tracter et diriger la calèche jusqu'au palais, pendant que nous serons confortablement assis à l'intérieur.

— Pourquoi ne chevauchons-nous pas directement ? s'étonne-t‑elle, non convaincue.

— Il n'y a pas de calèches à Evalon ? je finis par lui demander, surpris.

— Non ! Pourquoi irions-nous demander à des animaux de tirer ce machin pour nous ? Je ne comprends vraiment pas le principe...

— Eh bien, c'est un cadeau du roi, alors...

J'ouvre la porte et l'invite à monter. Elle s'exécute et prend place sur la banquette en velours. Je l'imite et m'installe en face d'elle, avant de siffler pour indiquer au cocher qu'il peut démarrer. Elle paraît nerveuse. Elle observe les ruelles défiler à travers la petite fenêtre, silencieuse.

J'en profite pour contempler son profil discrètement, gravant dans ma mémoire son visage à la fois gracile et marqué par les épreuves. Lyrie m'a dit que ses cheveux étaient blonds à l'origine. De la couleur des blés. J'essaie de l'imaginer telle qu'elle était avant de sceller le pacte qui l'oblige à me protéger jusqu'à sa mort. Sa blondeur devait adoucir encore son visage. Le pourpre lui confère un air plus sanguinaire, plus dur.

Sa tête pivote et elle tourne son regard vers moi. Nous nous observons mutuellement, sans un mot. Mais la tension qui émane de nous est soudain palpable. A-t‑elle elle aussi envie de rompre la distance qui nous sépare ? Parce que moi, j'ai cruellement envie de la serrer contre moi. De toucher sa peau, de prendre sa main dans la mienne. De poser mes lèvres sur la peau délicate de son cou, d'entendre ses gémissements, et de sentir son corps réagir à mes caresses.

Comment puis-je éprouver autant de désir rien qu'en la regardant ? Je vois ses joues rougir au moment où elle détourne enfin les yeux, les rivant à nouveau sur l'extérieur. Je soupire et m'enfonce dans le dossier, tentant de calmer mon excitation. Et la raideur dans mon pantalon.

— Comment sont les enfants du roi ? demande-t‑elle pour rompre le silence.

Ravi de pouvoir penser à autre chose que sa présence, je lui réponds aussi franchement que possible :

— Le roi a deux enfants. Le prince Vincent, âgé de vingt-huit ans, et Yella, la princesse qui fête ses dix-huit ans aujourd'hui. J'ai souvent l'occasion de côtoyer le prince, et j'ai la conviction qu'il sera un roi juste et bon. Il est plus sanguin que son père, parce que c'est un jeune homme qui a des choses à prouver. Mais il est intelligent et respectueux. Il aime combattre et, parfois, nous nous entraînons ensemble.

— Il s'entraîne avec toi ? s'exclame-t‑elle, étonnée. N'a-t‑il pas des précepteurs ?

— Si, mais aucun ne sait manier l'épée comme moi, je précise en toute humilité, bien qu'avec une pointe de fierté.

— Hum... Il est vrai que je t'ai observé lorsque les drauhr nous ont attaqués. Tu as réussi à survivre et à repousser plusieurs hordes. C'est assez exceptionnel, pour un humain.

— Dois-je le prendre comme un compliment ? je la taquine, armé d'un sourire.

Elle acquiesce en rougissant de nouveau. Je reprends :

— La fille du roi, Yella, est très timide. C'est une jeune femme polie et aimable, d'une gentillesse à toute épreuve. Comme sa mère, la reine Sandra, une femme très pétillante et bienveillante. Tu t'entendras bien avec elle.

— Hum, d'accord. Le roi semble t'apprécier. Tu as pu approcher toute la famille royale et être nommé chasseur de la Couronne. Une prouesse, pour un orphelin.

Je sens à son ton que quelque chose l'intrigue. Commencerait-elle à se poser des questions ?

— Tu n'as vraiment aucune idée de l'identité de tes parents ? insiste-t‑elle. Le roi t'a lui-même confié à Fergus pour te sauver. Pourquoi se serait-il intéressé à un orphelin tel que toi ?

Bon... Ce n'est ni le lieu ni le moment de tout lui expliquer. Mais si je dois lui répondre maintenant, je vais encore lui servir un autre mensonge.

— Je ne sais pas, Lyrie. Écoute, je... Ce soir, j'aimerais te dire quelque chose d'important. Quelque chose... que j'essaie de te dire depuis déjà plusieurs jours. Et je...

La calèche s'arrête d'un coup sec, me coupant dans mon élan. Le cocher descend pour venir nous ouvrir, sans me laisser le temps de terminer ma phrase. Elle me lance un regard qui semble dire : « Cette conversation n'est pas terminée », avant d'accepter la main du cocher qui l'aide à ne pas s'emmêler les pieds dans sa robe lors de la descente. Je ferme brièvement les yeux et sors à mon tour. 

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant