Catharsis [Spin-off]

Chapitre 58

★ Jacob ★

J'avais toujours redouté mon père. Non seulement parce qu'il était flic, autoritaire et rigide, mais surtout à cause de ce que j'avais découvert très tôt sur lui. À douze ans, je l'avais surpris en train de donner une fessée à une femme. Ce souvenir m'avait hanté pendant des années avant que je ne comprenne qu'il s'agissait d'un acte consenti, un jeu sexuel entre adultes. Mais sur le moment, mon esprit d'enfant n'avait rien compris à cette scène dérangeante, et cela m'avait perturbé.

Cependant, ce qui m'avait véritablement brisé, c'était Michael. Lui n'avait pas eu de permission, ni de consentement. Je ne nierais pas l'avoir aimé, et peut-être que cet amour avait franchi les frontières de l'innocence lorsque je l'avais laissé me toucher, toutes les fois où il s'était glissé dans mon lit, mais je n'aurais jamais accepté de passer à l'acte avec lui. Et encore moins être forcé à le faire.

Ce qu'il m'avait fait dépassait l'entendement, et pendant des années, ma mémoire avait préféré effacer les détails, m'offrant une sorte de répit illusoire. Mais mon père, lui, n'avait jamais voulu reconnaître ce qui s'était passé. Mon silence ; ma « perte de mémoire », tout cela l'arrangeait. Ça lui permettait de rester dans le déni, de ne pas affronter la réalité monstrueuse qui entourait son foyer.

Alors, non, je n'éprouvais aucun regret d'avoir laissé Ayden se faire passer pour Xavier et le confronter.

J'étais trop terrifié à l'idée de lui dire les choses en face, alors j'avais pris la voie la plus facile : un message laissé sur son répondeur, où je dévoilais tout ce que je gardais enfoui au fond de moi depuis trop longtemps ; je lui avais avoué être gay, et que ma cérémonie dans le club BDSM n'aura jamais lieu, car je n'étais pas un dominant, mais un soumis. Et puis, que l'homme qu'il comptait poursuivre en justice pour l'avoir agressé n'était pas mon mentor, mais mon maître, et que s'il avait ne serait-ce qu'un peu d'estime pour moi, il ne s'en prendrait pas à lui. Je lui avais même révélé que ma mémoire était revenue, que je me souvenais désormais de tout ce que Michael m'avait fait. Et que je ne le pardonnerai jamais.

Je n'avais aucune preuve physique à présenter, juste mes souvenirs amers, mais j'avais menti en prétendant en avoir. J'étais même allé plus loin, menaçant mon père : si jamais il s'en prenait à Ayden, je m'en prendrais à Michael. Je savais que l'idée d'avoir un fils gay était déjà une honte insurmontable pour lui. Mais la réalité d'un fils violeur et capable de tuer... Ça, il ne pourrait jamais le supporter.

Voilà déjà quatre jours, et il ne m'avait pas répondu. J'avais fait ma part, soulageant ma dette envers Xavier en le tirant d'affaire, alors maintenant, il ne me restait plus qu'à attendre. Et vivre ma vie.

Connaissant mon père, il pourrait très bien ignorer mes avertissements et porter plainte contre Ayden, maintenant qu'il connaissait son vrai rôle dans ma vie... Et à ce moment-là, je n'aurai pas d'autre choix que de l'affronter en face. Et ce ne sera peut-être pas plus mal, après tout...

Depuis qu'il ne voyait plus Éloïse, mon Dom me réclamait plus souvent, parfois en pleine après-midi, alors que j'étais au boulot, ou pire, en plein milieu de la nuit. Nos séances étaient toujours soft, or, je commençais à le soupçonner d'être de plus en plus frustré. Il avait besoin d'un plus, que je ne pouvais pas lui donner. À sa façon, Éloïse lui manquait, ou du moins, certaines pratiques qu'il faisait avec elle.

En fait, avoir une vie sexuelle si active me dépassait. Mon temps libre était divisé entre mes séances avec Ayden et mes rendez-vous galants avec Enzo. Avec ce dernier, nous n'étions pas « officiellement » un couple, mais nous avions franchis certains caps : comme nous tenir la main et nous embrasser langoureusement. La prochaine étapes serait peut-être pour ce soir, après notre balade au parc pour admirer la lune de sang, on finirait chez moi ou chez lui... mais étais-je prêt pour cela ?