Prologue

2.7K 108 42
                                    

Musique en média

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Musique en média

La lampe éclate et nous plonge dans la demi-pénombre, sabordant ainsi ma respiration d'un soubresaut. Au comble du tonnerre le plus dévastateur, il empoigne à pleine main la chaise en bois qu'il envoie se fracasser à l'autre bout de la pièce étroite, alors même que mon corps se rigidifie au beau milieu du cyclone.

Je suis... déconnectée.

Il hurle, enragé, les cordes vocales diluées dans la baignade informe d'une tristesse honteuse, les yeux lustrés d'une fine pellicule de larme, s'arrachant les cheveux à pleine main face à moi.

Donne m'en plus.

Il se tord en deux contre la table en bois, à quelques mètres insignifiant de mes membres tremblants sentant les frissons tempétueux d'adrénaline me grimper au cerveau à une vitesse ahurissante, comme une nuée d'insectes excités. Puis, face à moi, il éclate. Torrentueux, défait, complètement décharné. Tristan pleure, et pleure, tellement... qu'il en vient à pitoyablement s'effondrer au sol sans un mot, le fracas de son corps lourd frappant les lattes moisies.

Quelle idée...

Il geint des mots irréels, il pleure ma présence, enrage mon absence, ne me regarde même plus dans les yeux, alors que moi, je lève ces derniers dans les cieux. Ainsi abandonnés aux bras de l'imprévisibilité, je dois avouer que c'est mordant.

Je suis forte.

Il lève ses bras vers moi alors que la seule chose que je ne lui témoigne, ce sont mes travers de chute, ceux qui prônent le déclin, ceux qui adulent la décadence, ceux qui idolâtrent la déliquescence.

Je suis un gouffre.

Tristan est un corps que j'entasse pour me remplir. Il comble et choit mes fêlures, lorsqu'il me voue les siennes. J'adore quand il abdique à ma témérité, qu'il se soumet sans répliquer. Quand il me regarde, à nouveau, ses yeux berçant les miens, créant ainsi un cosmos de... rien.

Je suis béante.

Ses mains se portent à mon visage, avec pour pauvre sémantique l'espoir d'un renouveau divin, cherchant le destin à tâtons, celui-ci même qui se profile dans ma boîte crânienne bien sombre en l'instant, à en glacer le sang des innocents.

Je suis un monstre.

Je l'ai vu dégringoler de cette façon des milliers de fois, mais chaque fois, sa douleur réussit à me surprendre. Un petit peu plus, de plus en plus, ton âme je suce. À l'instar d'une bâtisse de béton bien ancrée, je m'enorgueillis de l'idée que ce soit moi, flamme... qui en ait consumé les fondations. Comme une tornade de feu, j'infiltre et consume, embrase et saccage, un torrent d'enfer, une diablotine délétère.

Ne le vois-tu pas ?

À genoux, faible et blême, je vois les pans de son âme s'atrophier comme on craquerait et briserait les ailes d'un ange déchu, perdant ainsi tout espoir. L'être démis, l'enveloppe démolie, je le vois, dans ses arceaux, cette adoration qu'il me voue.

Ses orbes bleues qui me fixent approcher comme si j'étais une divinité, alors que la seule idée qui m'en approche, c'est cette perte et cette ruine que ceux-ci ont permis à ma vie, et que je promets à la sienne. Ça clignote, clignote, éveille mon esprit, mais je l'abrutis, les yeux déguisés, les lèvres fabulées.

Pas ça.

Proche de lui, mes ongles griffent la peau de ses joues dans lesquelles je souhaite m'ancrer si fort, qu'il garderait le goût de ma peau sur sa langue une éternité. Comme deux puzzles fracassés, sans même qu'aucune pièce ne s'agence, je m'habitue à voir Tristan forcer ce conflit pour en créer une cohésion illusoire dont il se berce chaque soir, lorsqu'il s'agit de rejoindre mes bras qui ne lui tendront jamais la main... Lorsque la cataracte se l'emparera, celle de ma douleur, un rouge sans couleur, le noir le plus total.

C'est plutôt moi qui l'y pousserait.

Le sol sous mes pieds s'ébranle. J'avance comme une conquérante de terres aminiques, le coeur battant dans mes tripes. Un frisson me traverse comme une salve incisive. La fanfare de mes mensonges lui hurle à l'oreille, d'une dissonance qu'il raccorde pour tromper ses sentiments, joindre bouts de cervelles et débris de cœur dans une torpeur désespérée.

Confondre raison et sentiments pour m'espérer.

Espère, encore... espère, avec moi.

L'atmosphère se dilate comme un sursaut du temps. Ainsi figé, j'ai tout le loisir de l'égarer dans mes yeux, y faisant miroiter notre histoire incertaine, une fable transie, une fable meurtrie, peut-être que la morale, tu l'auras compris.

— Pourquoi, Gaël ? Pourquoi...

Sa voix comporte le timbre d'une mélancolie qu'il a toujours su me doter avec détresse. La peau lardée, ses traits se plissent, se nécrosent, altérés, décavés, j'en tressaille sur mes jambes qui flanchent, et serre les dents, closant mes deux doigts sur son menton moite où se joignent les deux cascades de ses pleurs.

Tristan se fragmente.

— Tu le sais, pourtant.

Je sais qu'il feint de ne pas savoir. Qu'il a beau se bercer d'illusion, un souffle au fond de lui geint et pointe mes mensonges. Il sait que je ne suis pas celle qu'il croit, que chez moi, l'amour n'a jamais fait loi. Une aigreur sentimentale, un mutisme émotionnel, rien ne vivote entre mes membres, à part peut-être l'esquisse d'une jouissance ardente qui me griffe les côtes, pour s'engouffrer dans mon coeur atone, lorsqu'il gémit mon nom en priant ma clémence et ma compassion.

Tristan tombe en morceaux.

Mais je me détourne.

Je foule la terre aride de la préservation au détriment de la forêt tropicale et incertaine d'empathie. De toute façon, cette route là ne m'a jamais intéressé : j'ai bien mieux à faire sous le soleil de ma grandeur, que sous les arbres qui me dominent.

La volute épaisse de puissance encense chacune de mes cellules frétillantes, capitonne chaque coin et recoin de mon être pour s'y ancrer et s'y sceller, comme marquée au fer pour ne jamais s'en délivrer.

Elle et moi, on est liées.

Je siphonne ses derniers trésors, son regard est d'or. Dévoué et loyal, comme un animal fidèle qui, malgré coups et blessures, frétille du museau et revient vers son maître en patientant la chimère d'une caresse à travers l'ignorance totale, mes aspirations déjà comblées.

— Pourquoi ?

Son ton est une peinture barbouillée qui coule, coule... et s'effondre.

Tristan s'écroule.

— C'est fini, Tristan. Toi et moi... ça n'aurait jamais pu fonctionner.

Même si tu y croyais.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant