81 - Aurore

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Musique en média

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Musique en média

J'ai besoin de mon aube.

« Mademoiselle Richmond est dorénavant plongée dans le coma depuis quatre ans. C'est aujourd'hui, en quelques sortes, l'anniversaire de son combat. « C'est long. Très, très long... c'est très compliqué à gérer pour notre famille. Mon père est si confus. » atteste monsieur Richmond. »

J'ai besoin de mon matin.

« L'auteur des faits reste introuvable. Toujours aucun témoin. Selon une source proche des enquêteurs, les recherches nous mènent vers une Toyota Yaris 100 VVT-i, modèle cinq portes. Le suspect a donc pris la fuite, et risque des démêlées sérieuses avec la justice. »

J'ai besoin qu'Aurore se lève.

« L'espoir semble s'étioler... Monsieur Richmond a parlé de la débrancher dans une autre interview accordée à Feelit, malgré son manque de temps. « Je l'ai dit, c'est très dur de voir ma fille dans cet état. Ce n'est pas une façon de vivre... Elle ne pourra pas rester ainsi éternellement. »

Pas d'éternité.

L'attente est indescriptible. Elle me creuse de l'intérieur et me vide. À la pelle, on me désosse petit à petit, jusqu'à atteindre mon coeur et ses valves atrophiées. Bat-il encore ? Que reste-t-il de moi ?

La Veuve Noire demeure reine de son monde imaginaire. Elle s'étale et s'étend jusque dans le nôtre, impératrice de ses toiles cliniques, maîtresse de la tristesse qui pèse dans mon monde à moi. Tentaculaire, Ruby hante tous les esprits.

Comme si elle n'était pas rassasiée.

— Et moi, Ruby ? Qu'est-ce que je devrais te préférer ?

Un choix ? En possède-je réellement un ? La débrancher ou patienter une vie ? Comme je l'ai fait avec Dulce ? Harcelé par un fantôme, amoureux d'un spectre, consolé par ma hantise ?

— J'ai eu l'impression de te voir étendue près de moi, hier. Je m'étais tellement défoncé que je sentais plus le bout de mes doigts, mais ça m'a aidé. Je me suis dis que je ne sentais pas ta peau à cause de cela. Réveille-toi !

Moment de pic colérique qui concorde avec l'aplatissement de sa courbe verte. Je retombe, terne, dans la réalité ingrate lorsque son coeur pulse contre mes lèvres. Nuque inclinée grâce à mes phalanges meurtries, je pose l'arête de mon nez contre sa gorge diaphane en priant ce qu'il me reste d'espoir. Il faut qu'Aurore se lève, pour éveiller mon royaume décharné.

— C'est marrant... j'ai l'impression que les journées sont toutes les mêmes. J'arrive pas à croire que ça fait quatre ans que t'es... t'es... dans cet état...

J'ai beau avoir le visage le plus figé possible, une larme me lèche l'œil. Je l'écarte d'un mouvement rageur, et me rassois dans ma chaise sans quitter sa main, son pouls battant contre mon pouce. Tout se suit et se ressemble, les heures deviennent des jours, les jours deviennent des mois, les mois des années d'agonie. La réalité et les responsabilités flottent autour de moi, comme si j'étais au beau milieu d'une rue bondée de New-York.

Esseulé, démuni, les gens gambadent autour de moi à une vitesse qui me fait comprendre que je stagne réellement un moment de vie. Si rapidement... qu'ils en deviennent des couleurs bariolées autour de moi, témoins de croisade sans arrêts.

Ma vie est en pause, comme si elle était cadencée par la sienne. Une force motrice dorénavant figée ; mon coeur flotte à la dérive, j'ai besoin de mon phare dans l'océan obscur ; de mon moteur, dans les eaux troubles, de son sourire, dans mon chagrin. Perçant et défaisant mes plus douloureux instants.

— J'ai fêté mes trente et un ans seul, cette année. T'aurais dû me voir... j'étais dans un hôtel cossu avec Vanessa. Elle n'a jamais été aussi reconnue : elle a rempli Accorrhotel Arena. Et en rentrant... j'ai fondu en larmes. C'était pathétique, mais tu m'as jamais jugé quand je pleurais. En tout cas, pas à voix haute. Oh ! Ruby. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

Ma voix se brise, comme un verre que l'on serre trop fort et qui se fêle avant de lâcher un sifflement de prévention : desserre la prise. J'ai l'impression de chuter chaque jour un peu plus profondément, comme si parfois, tout ça n'était pas réel. Comme si elle n'avait jamais existé, que tout était faussé, c'était un complot, une malédiction.

Autrement... ce serait trop douloureux !

Tous ces moments passés à la trappe, tous ces nouveaux perdus à cause de son égoïsme. Je la hais ! Je l'aime tant. Amoureux du tourment. Perdu dans le temps. Chronologie douloureuse arrêtée le 18 Décembre 2015.

Un nuit fatidique, horrible, l'élément clé des événements passés, et futurs. Je sais l'horrible vérité de cette nuit. Son oncle gémissant de souffrance ne m'en a pas appris plus, non... j'ai tout compris grâce à Ruby. Comme si elle me l'avait murmuré pour m'achever.

— Pourquoi, Ruby...

Mais elle ne me répond pas. Un bref moment, le temps d'un battement, j'ai l'impression que ma petite diablotine mutine me fait une blague : un rictus apparaîtrait alors, elle se lèverait de façon lascive vers moi, m'attirerait par les passants et m'embrasserait encore en riant.

« Oh, allez... c'est drôle ! » d'une toute petite voix.

Et je dirais que ça ne l'est pas.

L'espoir s'étiole. Monsieur Richmond a parlé de débrancher mon amour. Sa main de fer impitoyable va s'abattre et face à cela, je ne peux rien, à part me questionner sans cesse sur cette scène de minuit où un chauffeur l'a percuté. Mais tout s'agence petit à petit, j'ai compris l'abominable tournure que les choses ont prise.

— Je te hais... Je te hais... Pourquoi, putain...

J'ai compris le secret monstrueux. J'ai compris à quelle point Ruby pouvait être épouvantable.

Tout ce qui est arrivé... c'est de sa faute.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant