UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]

35 - le réconfort avant l'effort.

Musique en média

— Ils ont essayé de me tuer sept fois, très exactement. Une seule fois par arme blanche. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'aide sociale a l'enfance est intervenu, et nous ont ensuite placé en foyer.

L'homme face à moi s'efforce de ne rien laisser transparaître de sa déroute, mais un tic aussi fugace qu'un battement de cil ébranle ses sourcils de zibeline.

— J'étais droguée si souvent que mon corps a fini par devenir accro. Comme un traître à moi-même. J'ai dû me sevrer les six premiers mois de mon placement dans un établissement spécialisé.

Les pires mois de ma vie.

Le psychologue blêmit, mais n'en montre rien. Près d'une demi-heure dépassée, et je me résous enfin à parler pour qu'il cesse de m'étaler sa science. Moi, froide et insensible, je poursuis en saisissant entre mes doigts un éléphant en verres colorés posé sur son bureau en chêne, avant de m'y adosser.

Il est assit face à moi, le calepin posé sur la petite table en bois à sa droite. Les couleurs de la pièce sont sobres et les meubles sophistiqués. Une touche de taupe, quelques notes de marron, une large baie vitrée dont la position permet au soleil de ne pas frapper directement dans notre direction.

Son fauteuil est accueillant, ses tableaux le sont un peu moins. Des ébauches abstraites, des peintures d'enfants, des tableaux représentant des éléments futiles du quotidien. Il y est même représenté le vase que je me souviens avoir récuré sans cesse pendant des années dans la maison de mon oncle.

Tiens ?

— Sais-tu quel type de drogue on te faisait ingérer ?

Ah, oui. Il a mis de côté le vouvoiement d'entrée de jeu pour que je sois plus encline à la discussion. C'est surtout pour mieux m'amadouer. Me caresser dans le sens du poil en me serrant la gorge pour me faire parler.

Les psychologues non plus, ne sont pas si originaux.

Je relève brièvement mes yeux dans son regard blanc, ses iris perlées — un gris bleuté — me scrutant sans discontinuer.

— En général, ce qu'ils avaient sous la main. Des opiacés pour me calmer, style héroïne, voire du GHB lorsque je me débattais. Chloroforme volé ou somnifères prescrits sur ordonnance lorsque c'était prémédité. Et puis, il y avait les autres soirs...

Un court moment de silence lui fait comprendre que je m'égare dans mes méandres. J'en parle avec une telle froideur d'esprit que je comprends rapidement que j'ai appris à mettre une distance incommensurable entre moi et ces événements passés.

Pourtant, lorsqu'ils me rattrapent...

— Les autres soirs ? soulève-t-il calmement.

Je pousse un profond soupir et fixe mon regard aux courbes carrées de son éléphant qui pèse son petit poids dans ma paume.