74 - on se ressemble dans nos différences

226 28 0
                                    

Un, deux, trois, quatre, cinq

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Un, deux, trois, quatre, cinq... six ans que je n'ai pas revu cet homme. Revu ce monstre. Le temps me hait, car il ralentit, comme balayé par un vent inexistant. Avec son visage carré, brute, et si propre à la monstruosité, ses yeux tout noirs que j'ai toujours haï, à m'observer dormir, alors que je faisais semblant. Et puis ses mains, mes démons, deux poignes intransigeantes, contre lesquelles je n'ai jamais pu lutter. Peu importe la taille, l'âge, le poids, la personne que j'aurais pu être, face à elles, jamais je n'aurais pu faire quoique ce soit. Comme dans l'instant. Ses jambes droites et bien campées, faisant fi de sa rigidité. Extérieure, comme intérieure.

Un hurlement d'effroi m'échappe. Imprévu. Glaçant. Profond. Je pose mes mains sur mes yeux. N'entends plus rien, ne vois plus rien, ne dis plus rien. Ne sais plus rien. Je recule, percute un type. La foule s'est refermée, les corps incarnent dorénavant un carcan terrifiant. Je me tourne et pousse une fille qui boit, une bouteille à la main que je lui arrache en prenant la fuite.

C'est un cauchemar. C'est ça. C'est un cauchemar. C'est impossible.

Son poing s'abat autour de mon poignet, une nouvelle fois. Persévérant dans un espoir que je ne lui saisis pas, me concernant. Que ferait-il là ? Je me débats tout de même, sans oser me tourner pour le gifler de toutes mes forces, une boule croissant en mon ventre en prenant de la place, de terreur et d'horreur, à me rejouer des scènes qui me remontent la bile et m'étouffent. Je vais mourir.

— Dylan ! hurlé-je à pleins poumons, lorsque mon oncle me fait faire volte-face une nouvelle fois, les yeux clos et les membres tremblants.

Ma gorge me brûle, mes yeux dégoulinent de je-ne-sais-quoi. Ma poitrine éclate et déverse ses torrent de blessures. C'est pas beau, c'est moche, même laid, ça me tord en deux, et me fait hurler une nouvelle fois en le repoussant sans que cela ne fonctionne. J'ai l'impression d'attaquer un mur. Peu importe les manœuvres, la toile de ses bras me happe, se tissent dans tous les sens, tentaculaires, pour m'attirer sans pitié.

— Shantaruby c'est toi ?

— Non ! crié-je dans les sanglots.

— Mec, lâche-la ! intervient un inconnu.

Un second hurle, et une main fine enroule mon avant-bras pour essayer de me faire reculer. Une femme prend ma défense, et une deuxième vient jeter ses bras dans tous les sens pour scier la rencontre, scier le violet. Une personne rouge endiablée, une autre bleue de tristesse. Moi, et lui, moi, et ce que je suis devenue. Et tout ça, c'est de sa faute !

On m'a dit souffle, respire, compte ou...

Mes doigts se referme autour de la courbe de la bouteille, tous mes atomes s'excitent comme une nuée électrique, ma vue se voile d'un drap opaque, et d'un mouvement de bras enragé, j'entends les tessons griffer et déchirer le silence sur son cri furieux. L'instant d'après, comme si j'avais été frappée d'une absence, son crâne dégarni dégouline de larmes de sang.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant