89 - trois seconds pas

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Je ne différencierais pas le bayou des plages

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Je ne différencierais pas le bayou des plages. Ils sont aussi fades et nuisibles l'un que l'autre ; à un défaut près que les eaux du bayou sont largement plus hideuses que je ne peux le supporter : c'est ainsi que le choix est opéré sans la moindre hésitation.

Un paréo sur les hanches, un maillot de bain purpurin sur le dos, et une paire de lunette sur le nez, je glisse une sucette entre mes lèvres en vérifiant l'heure. Je ne pense vraiment pas qu'il soit une bonne idée de sortir pour un bain de minuit, d'autant que nous souhaitions visiter les mangroves à travers une balade en kayak, demain, ce qui requiert que l'on se lève tôt pour se préparer ; mais comme la soirée est lancée, je foule le sable chaud en mirant l'étendue de la baie face à moi.

La lune chatoie comme une perle nacrée sur les houles étendues. Une foule de personne profite de la clarté et du temps agréable pour fêter je-ne-sais-quoi au bord de la plage. Escaladant un muret, puis sautant à plat pied sur la pente sablée, j'adresse un coup de main à Stacy qui danse en picolant une bière, suspendue à Sebastian qui rit aux éclats.

— Oh ouiiii ! l'entends-je hurler par-delà le tapage de la musique nocturne.

Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas amusée. Je la rejoins en secouant les hanches, joueuse, et lui colle un bisou en la serrant dans mes bras. Blottie contre son odeur de vanille, j'incline ma joue sur ses épaules dénudées et lui tapote les reins, en l'écoutant souffler :

— On oublie. On oublie... et on s'amuse. C'est notre première nuit !

Les autres m'acclament à coup de grands applaudissements — inutile de soulever la pétrification hargneuse de Marcus ; et lorsque Stacy me fiche sa bière dans la main, je la dresse dans l'air en riant et souris ; avant de la vider goulûment sous l'ovation qui ne tarit pas. Ils m'enlacent, puis on s'élance parmi les corps en dansant, chahutant, riant aux éclats, Pete me saisissant pour se faire pardonner. Dans un éclat de son, il me soulève de terre et m'embrasse le nombril, avant de me faire retomber pour marmonner :

— Tu sais que j'ai toujours été inquiet pour toi, Ruby... Te retrouver par la suite, si changée et si ouverte au monde... Je l'avoue, je n'ai pas osé t'approcher et...

— Ça va, Pete. Je sais, je te connais. C'est juste que... je ne sais pas trop comment je dois me comporter avec vous, maintenant, gloussé-je en m'essoufflant sur son épaule.

— Comme avant. Tu as beau croire que rien n'a changé, je crois que Sebastian est toujours aussi con, Stacy toujours aussi folle, et toi... toujours aussi secrète.

Je tords la bouche, me force à nouveau à sourire, et saisis ses épaules de mes deux mains en plissant les yeux. Malicieuse, je penche la tête en observant ses traits fins et harmonieux, comme une partition monocorde, et lui clame l'évidence :

— C'est bien pour ça que vous m'adorez...

Hochant la tête vers la droite, il m'observe de la tête aux pieds sans cacher son air perplexe. Les lèvres raides comment une droite, et les paupières reprenant un ballet beaucoup plus lent, j'admets un rictus incapable à éviter, et qui le fait déglutir.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant