59 - spectatrice pourtant actrice

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Musique en média

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Ruby

Parfois... la vie devient vide de sens.

Comme si un pan de rideau de ce théâtre universel coulait pour me révéler son artifice, je me retrouve face à un spectacle délabré, insensé, si aberrant que c'en est étourdissant. Un grondement m'élance les tympans, comme une résonance des rivages, les vagues se jetant le long des côtes, avant de disparaître pour recommencer. Puis... le bruit s'amplifie, gronde et gonfle. Les ombres fantomatiques passent en diffractant cette réalité irrationnelle, déchirant les lambeaux de la vérité. Chacune des mes cellules se figent, mes vertèbres me clouent, Dylan enchaîne coups de poings sur coups de poings. L'averse brutale est diluvienne. Il ne cesse, ne cesse, brise ses phalanges avec acharnement sur un Maël qui lève les bras en signe de reddition, bêlant clémence et miséricorde.

Mais je n'entends rien. Derrière les vitrines de l'hôtel, juste en face, tout le monde se meut en mouvement de foule catastrophée et unie en accourant pour séparer les deux hommes. Le tumulte est éloquent, presque trop fort, si bien que je perds le fil de ma déconnection un bref instant, au moment où le crissement des pneus me scinde les oreilles. Les cris, les pleurs, les larmes et le sang qui se lamine dans des giclées de sang chaudes sur le béton du trottoir, avant l'ultime rugissement de Dylan, comme un cri de loup à la lune.

Un hurlement vindicatif.

El Lobo me venge.

J'aurais dû me douter que je ne lui ferais pas changer d'avis. Que les confronter l'aurait poussé à décharger sa haine vorace. Et pourtant, je me tiens là, les doigts recroquevillés, un bruit bourdonnant reprenant son assaut, la réalité filant comme le déroulement d'un visionnage à l'écran qui m'érige spectatrice incapable d'intervenir.

Alors qu'ils sont à deux pas.

Dylan lui bousille le visage. Ses phalanges sont comme des coups de massue détonants. Et Maël a beau hurler à s'en arracher les cordes vocales qu'il est désolé, que ce n'est pas ce qu'il voulait... je m'en fiche.

À mes yeux, il le mérite.

Il s'étouffe dans ses suppliques, les yeux larmoyants, et défoncés. Le sang inonde ses traits, baigne dans sa bouche entrouverte et tordue. Il bêle, et bêle, et bêle...

— Espèce- de fils- de pute ! beugle Dylan à chacune des attaque qu'il cingle.

Maël est défiguré. Comme ma morale. Comme celle de Dylan. Comme les mines horrifiées des passants qui décochent leur téléphone. Notre perte. Dès que le premier smartphone pointe le bout de son nez, je recouvre instantanément mes facultés. Je clape des doigts pour me relancer, enfonce la capuche du hoodie de Dylan sur ma tête, et approche en flèche avant de le tirer rageusement à moi. Reprenant d'assaut chacune des possibilités permises par l'incartade soudaine qui s'est produite, je choisis d'effectuer quelques pas à travers la foule scandalisée, les hurlements fous se projetant dans tous les sens, et quelques œillades désapprobatrices condamnant Dylan, avant de l'enfoncer dans la ruelle étriquée faisant face à Central Park, m'y jetant ensuite à mon tour.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant