80 - les contes de fée

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Musique en média

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Musique en média

Ma sorcière bien-aimée dort...

« Troisième année de coma pour l'héritière de l'entreprise Adon.
Rappelez vous : le drame prend place dans la nuit du 18 Décembre 2016. Gaël Ruby Richmond se fait violemment percuter par un automobiliste, et perd la vie quelques minutes, avant d'être ramenée d'entre les morts, et d'entrer en phase de coma. »

Ma diablesse somnole...

« Gaël Ruby Richmond ne montre, depuis, aucun signe éventuel de reprise de conscience. « Gaël est ma fille. Elle est comme moi. C'est une battante. Je veux y croire jusqu'au bout » déclare le PD-G inconsolable de la célèbre marque Adon, Roland Richmond. « Elle se réveillera » poursuit-il, la voix pleine d'espoir. »

Mon aurore ne veut pas se réveiller...

« Hospitalisée à l'hôpital Corodro, de nombreux proches de la jeune femme ne cessent d'affluer pour lui adresser des messages pleins de bienveillance, en espérant surpasser la barrière du coma. L'espoir est de mise.
« Je n'arrive pas à y croire... c'est une tragédie. Je connais Gaël depuis des années, je la connais mieux que n'importe qui. Je suis certaine qu'elle nous entend. J'irai tous les jours tenter de la réveiller » promet Stacy Catutti, fille de l'ancienne actrice Christine Catutti, devenue célèbre grâce au fameux opus "Voie Lactée" et du célèbre diplomate Yannick Catutti. »

Où est mon espoir ? La mince feuille de journal se froisse dans mon poing. J'arrache la page, étouffant le cri de rage grelottant qui me plombe le torse. Mes doigts blancs tremblent en serrant les pages fines, grisâtres. "Je la connais mieux que n'importe qui" ; combien se sont succédés en l'arguant, alors qu'ils ne connaissent même pas son vrai prénom ! Ah... Ruby.

Ruby.

Je sais que c'est toi qui dors, qui songe, rêve d'un monde plus doux que celui qui t'a été offert à ta naissance. Je comprends, cariña... Je comprends que tu ne veuilles pas te réveiller. Tu as l'air d'une petite fille innocente, couchée sur le dos de cette pièce froide et blanche, le teint porcelaine, grands yeux clos.

"J'irai tous les jours tenter de la réveiller". Un souffle grelottant me secoue la gorge. Le pouce enfoncé entre mes dents, et les yeux humides, je tape du pied sur le sol en la parcourant du regard.

Je veux la réveiller.

Mais j'ai beau presser mes lèvres, le plus délicatement possible, le plus amoureusement possible, sur les siennes... ça ne fonctionne pas. Au contraire, les ténèbres referment leur harpon sur mon coeur et le secouent jusqu'à me monter la bile. Je gémis de douleur en refermant mes doigts sur son ventre, son état me brouillant la raison, me plongeant dans la confusion.

— Ils disent que tu nous entends, dehors. Est-ce que c'est vrai ? chuchoté-je.

Même l'encéphalogramme silencieux ne répond pas à une question adressée à un surnaturel qui devient mon seul pilier. Un hoquet de détresse m'écharpe la colonne, me fend en deux, comme une structure qu'on démolit, morceaux par morceaux, pour en créer un vestige de rempart. La guerre m'emporte.

Je t'ai promis d'éclater avec toi, à chaque fois... c'est ce que je fais. Petit à petit. Je tiens ma promesse.

Les tuyaux filent en dédale autour de son corps inerte. Ils créent et érigent une toile qui entérine sa position de Veuve Noire : je m'égare dans cette vision mystique, m'enlise dans ce qui s'en dégage, de façon occulte. C'est tétanisant.

— Hé, querida, dis... tu m'entends ?

Une larme roule sur ma joue, finit sur son avant-bras, un rayon de soleil la fait miroiter. Mais Ruby n'est plus aussi chaude et fiévreuse qu'elle le fut autrefois. Ni taquine, ni enjouée, ni vulgaire, ni... vivante. À cent pour cent.

— J'arrive même pas à savoir si la voiture t'a foncé dessus, ou si c'est toi qui t'es jetée en travers, Ruby. Putain...

Je serre ses doigts, et abdique à la souffrance qui réclame du répit. D'un doigt tremblant, j'approche sa gorge, y glisse mon doigt, tâte son pouls. Il est là.

Boum-boum. Boum-boum. En deux temps. Trois mouvements. Je l'ai embrassé de nouveau, ai reculé pour la contempler, ai pleuré pour la ramener. Mais ça ne fonctionne pas.

— J'y arriverai pas, haleté-je, les doigts serrés sur mon tee-shirt. J'y arriverai pas, muñeca. Si tu te réveilles pas...

Elle aurait beau se dresser pour m'insulter, rien ne serait plus douloureux que de la contempler amorphe, presque morte, sans possibilité de retour que de son propre chef. Elle finira par succomber, si elle ne trouve pas le chemin vers la maison. Vers moi. Mes bras. Je me penche une nouvelle fois pour la frôler, hume l'odeur clinique de sa peau, vérifie ses manifestations vitales sur un écran dépersonnalisé, onde jade sur teinte noir. Ça pique. Je l'aime. J'espère. Ça redescend. C'est terne. Colère.

— Ruby ! m'étranglé-je.

Je berce sa joue de ma paume, enroule l'arc de son oreille de mes doigts tremblants.

La désillusion est plus éprouvante que l'attente immuable. Ça a l'air d'un atermoiement désespéré. Mais je l'embrasse une toute dernière fois, nos lèvres s'accrochent, nos peaux se scellent, peinent à se décrocher, caressés par les vapeurs de mes sanglots. On s'imbrique, mais nous nous perdons.

Aurore, réveille-toi.

Je veux mon crépuscule, ce soir.

Mais ça ne fonctionne pas. Ses yeux ne frémissent même pas. Mon amour ne l'envahit pas. Je tremble de frustration, à la mirer... figée : ces contes de fée mensongers ! Un coup. Une percussion. Le battant claque.
Je crois que je suis parti avant même d'attendre.

Je comprends, cariña... Je comprends que tu ne veuilles pas te réveiller, mais j'ai besoin de toi.

Seulement... Ruby s'est égarée dans ses limbes. Elle vagabonde mes tourments, ayant enfin atteint son paradis ; celui porté si loin de cette terre austère.
Égoïste jusque dans l'inconscient.

UNDER THE SPELL 🥀 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant