Solivagant

Prologue-2.

Thomas :

Diego est un gros con. Par sa faute, je me retrouve coincé entre la fenêtre de la voiture et l'immense coussin de Liam. Ma tête, posée sur la vitre, vibre d'une manière très désagréable alors que mon père s'engage sur une route caillouteuse serpentant entre les montagnes. Si Diego était venu, alors j'aurais au moins eu quelqu'un à qui adresser la parole durant le trajet. Mais non, c'est sa copine d'abord. Être constant dans sa relation est franchement le seul mérite qu'il a. Si j'avais une copine, et que lui s'était retrouvé à ma place, j'aurais envoyé ma copine se faire foutre.

Tout ça, parce que son insupportable petite amie a décrété qu'il ne pouvait pas venir à cause de la présence d'une certaine Emily WANG dans notre groupe. Bordel, il a juste fallu que cette fille nous envoie un message sur Instagram afin d'éviter de se rencontrer en tant qu'inconnus, et Diego a refusé de venir.

Je lâche un grand soupir, les yeux rivés sur les montagnes devant moi, et ma mère s'impatiente :

- Tu comptes faire ça toute la semaine ?

- Peut-être bien, râlé-je en sortant mon téléphone.

J'ai discuté avec Emily le reste de la semaine. Bon, pour être honnête, si Diego avait été moi, sa copine aurait eu de quoi s'en faire. Mais Diego n'est pas moi. Loin de là, d'ailleurs.

- Il s'en remettra lorsqu'il aura rencontré Emily, ricane Liam, mon frère aîné, en retirant l'un de ses écouteurs.

Lui aussi a été ajouté dans le groupe créé par la jeune fille. A mon grand dam. Ce groupe réunit tous les jeunes du rassemblement que nous formons pour partager nos vacances, et si ma mémoire est bonne, nous sommes sept. Seulement deux d'entre les jeunes n'ont pas Instagram ; la plus petite sœur d'Emily, et si j'en crois une gamine - Lili -, sa grande sœur.

Près d'une demi-heure plus tard, nous arrivons enfin à destination. Un petit village perdu au milieu des montagnes, sans réseau, à peine assez grand pour posséder une boulangerie.

- Qu'est-ce qu'on va s'amuser... ricane Liam en sortant de la voiture, et je devine que sa musique s'est coupée faute de connexion.

J'ouvre grand le coffre, et un sac à dos tombe mollement à mes pieds. Je baisse les yeux pour l'observer. Il est à Liam. Alors, je ne prends pas la peine de le ramasser, saisis mon propre sac, et m'écarte en direction de notre petite auberge. Mon frère m'insulte dans sa barbe en se penchant pour attraper son sac, et je me retourne pour demander à ma mère les clefs. J'aperçois alors, en face de la place au milieu de laquelle nous nous sommes arrêtés, une petite fille qu'il me semble reconnaître.

Si j'en crois sa photo de profil ; Lili, treize ou quatorze ans, j'ai oublié, et particulièrement bavarde. Elle sort de l'arrière d'une voiture en criant quelque chose, et je me détourne pour entrer dans notre auberge, mes parents déjà auprès de l'accueil.

Malheureusement, et encore à cause de Diego, je partage ma chambre avec Liam. Je grimpe rapidement les quelques marches qui me séparent du premier étage, et ouvre sans ménagement la porte, devançant mon frère. Sans lui laisser le temps de dire un mot, je balance mes affaires sur le lit le plus proche de la fenêtre.

- Je me mets là, déclaré-je en allant inspecter la salle de bain.

- Rien à foutre, il caille ici, et à mon avis, l'isolement est à chier. Prends la, ta fenêtre.

Je me retiens de répliquer qu'en-dessous de la fenêtre se trouve le radiateur, esquisse un sourire, et ouvre le robinet. L'eau met quelques secondes avant de commencer à couler, et je le referme en soupirant. Sans prendre le temps de déballer mes affaires, je m'approche de la fenêtre en appuyant sur le contact de Diego. Je porte mon cellulaire à mon oreille alors que la première sonnerie retentit, et mes yeux se posent sur l'extérieur.

En face, la famille de la petite Lili installe ses affaires, tout comme nous. D'ailleurs, la petite blonde sort de l'auberge dans laquelle ils ont élu domicile, et je suis surpris d'identifier une deuxième jeune fille derrière elle. Du peu que je puisse voir, plus âgée, aux cheveux tout aussi blonds, de taille plutôt petite, si je rapporte au géant au crâne rasé derrière elle.

Elle attrape nonchalamment un sac à dos et bouscule Lili d'un coup d'épaule en se dirigeant de nouveau vers l'intérieur. J'arque un sourcil. Quel jeune de son âge n'a pas de réseaux, aujourd'hui ? Lorsqu'elle disparaît, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire alors que la voix de Diego résonne dans mon téléphone.

Sa copine aurait décidément eu de quoi s'en faire.