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Naïm est conscient que nous ne sommes pas des machines.

Alors nous avons droit à une pause toutes les trois heures. Pause durant laquelle nous nous sommes tous implicitement mis d'accord pour nous faire chier, apparemment. L'ambiance est toujours morbide. La plupart du temps, Ky', Tom' et Emy' discutent à voix basse, assis en tailleurs, et John' les écoute d'une oreille distraite, assis contre un mur, paupières closes. Lorsque je le vois ainsi, je suis persuadée que lorsqu'ils sortiront – parce qu'ils sortiront – le blond coupera les ponts avec chacun d'entre eux. Il ne voudra plus entendre parler d'eux. Il se débrouillera seul là où je sais qu'Emy' aura besoin du soutien de ses compagnons.

De temps à autres, il arrive qu'Owen reste discuter avec Amal, mais la plupart du temps, il s'en va je ne sais où. Quant à moi, je suis à peu près dans la même position que John', mais assise à l'écart, car les discussions ne m'intéressent pas. Je n'aime pas vraiment ces pauses, car je m'ennuie tellement que j'en arrive à réfléchir et me perdre dans des réflexions sans queue ni tête qui me démoralisent ou me donnent des maux de tête.

Aujourd'hui donc, je suis prête à m'endormir, je suis surprise qu'Owen se laisse glisser contre le mur à côté de moi en soupirant. Je ne lui jette pas un regard, quoique confuse, et après quelques minutes de silence qui me met mal à l'aise, je râle :

- Ma compagnie te manque déjà ?

Owen ricane.

- Peut-être.

C'est plus fort que moi. Je lui envoie un regard surpris. Son sourire s'élargit, et il laisse reposer sa tête contre le mur en fermant ses yeux. Ses cheveux retombent sur son front, légèrement ébouriffé car il vient toujours me chercher lorsqu'il sort de sa douche et ne prend visiblement jamais le temps de sécher ses cheveux.

Mon regard est toujours accroché à lui lorsqu'il soupire :

- Je voulais m'excuser, pour hier.

Je hausse les sourcils, franchement surprise. Owen, s'excuser ?

- J'étais énervé après Amal et je me suis vengé sur toi, continue-t-il sans ouvrir les yeux. Je n'aurais pas dû.

Je détourne les yeux et me mords la lèvre.

- Il est persuadé que tu me manipules, poursuit-il sans attendre que je réponde.

Il marque une pause, inspire profondément, puis lâche :

- En fait, ce qui m'énerve, c'est que je ne suis pas sûr qu'il ait tort.

- Je n'ai aucun intérêt à te manipuler, Owen.

Le châtain hausse les épaules et rouvre les yeux pour observer Tom', Emy' et Ky'.

- Peut-être, oui. Mais le fait est, lorsqu'on en vient à parler de toi, je rejoins l'avis de Nathanaël, qui t'est foncièrement loyal. Le problème étant, je suis censé te considérer comme une ennemie.

Je me pince les lèvres. Devant mon silence, Owen reprend :

- Je n'ai pas envie de te considérer comme une ennemie. Cependant, je ne suis pas sûr que tu n'en es pas une puisque je ne sais pas qui tu es.

Je tourne la tête dans sa direction. Ses yeux noisette sont rivés sur moi.

- Comment ça, tu ne sais pas qui je suis ?

Il hausse les épaules.

- Personne ne sait qui tu es sauf toi, mademoiselle.

Je détourne le regard. Pour être honnête, je ne suis pas sûre de savoir moi-même. Je laisse échapper un soupir.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant