Solivagant

59-

Cela fait deux semaines qu'Owen ne m'adresse plus la parole, ni la moindre attention, d'ailleurs. Naïm dit que c'est passager, qu'il finira par se rendre compte qu'il se trompe sur mon compte et qu'il viendra s'excuser.

Je n'y crois pas. Je n'y crois plus.

J'ai tenté de m'expliquer, pourtant. J'ai essayé calmement, je me suis énervée, j'ai désespéré, mais il reste complètement imperméable à chacune de mes tentatives. J'ai abandonné. Et dieu sait que ce n'est pas mon genre.

Exténuée faute du peu de nuits de sommeil de ces derniers jours, je suis encore à moitié dans les vapes quand Owen vient me chercher. Ainsi, il me faut plusieurs minutes pour percuter :

- On ne va pas dans la bonne direction.

Le châtain reste silencieux quelques secondes, avant de déclarer :

- Naïm te demande.

Quoique surprise, je n'émets pas d'autre commentaire et me laisse guider jusqu'au bureau du chef aux yeux vairons. Et lorsque la porte s'ouvre, j'écarquille les yeux. Non, je n'hallucine pas.

Nathanaël se tourne vers nous et m'adresse un sourire gêné. Je ne peux m'empêcher de sourire nerveusement et de lâcher en me détachant d'Owen pour aller le prendre dans mes bras :

- Tu te fous de ma gueule.

Il rit légèrement en me serrant contre lui.

- Tu avais raison, une vie normale, c'est chiant à mourir.

Je souris d'autant plus et nous nous tournons d'un même mouvement vers Naïm. Il hoche doucement la tête en m'observant.

- Bien deviné, Lou'.

Je le gratifie d'un regard, et il poursuit :

- Je l'attendais pour les explications. Je t'en prie maintenant, Nathanaël.

Mon cousin opine et passe une main dans ses cheveux bruns.

- Après que Lou' a été partie, Luc a voulu m'entraîner dans un truc très... enfin, il disait que c'était pour la retrouver... il n'a pas voulu m'en dire plus, mais c'était une sorte d'association.

- Les Enfants, deviné-je aussitôt.

- Quel enfoiré, soupire Naïm en s'enfonçant dans son fauteuil. J'étais sûr qu'il ne perdrait pas de temps.

Je jette un coup d'œil à Owen. Il observe Naïm, tendu. Nathanaël, lui semble légèrement perdu.

- Les Enfants ?

- Une formation de l'élite du gouvernement, explique brièvement le chef.

- Oui, ça devait être ça. Mais les méthodes étaient un peu... horribles.

- En janvier, ils s'entraînent à la torture, déclaré-je.

- Comment est-ce que tu sais ça ? S'étonne mon cousin.

Je hausse les épaules en grimaçant.

- Je n'allais pas chez le psy tous les jours de cinq à vingt-et-une heures. C'est l'explication qu'on donne à Lili mais...

- Tu t'entraînes avec eux ? S'étrangle-t-il.

- Je m'entraînais, rectifié-je, mais ça n'est pas le sujet.

- Je pense qu'il faut qu'on éclaircisse quelques petites choses, Lou', me contre Naïm.

Je me tourne vers lui, surprise. Il m'adresse un signe de tête et je soupire.