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Un croissant dans la bouche, j'enfile mon manteau tout en m'engageant hors de notre hôtel. Le froid me fait plisser le nez, et je lève les yeux vers le ciel. Tout est gris, et pour un mois de juillet, même si nous sommes au beau milieu des montagnes, il fait sacrément frais. Je jette un coup d'œil à mon téléphone. Mon père a donné rendez-vous sur la place de la veille à sept heures trente. Il est trente-cinq. Je joue avec le feu.

Lorsque j'arrive sur place, je passe l'ensemble des personnes présentes en revue. Les adultes discutent par petits groupes de trois ou quatre, et mon père semble si absorbé par sa conversation qu'il ne me remarque même pas. Ou alors, il ne prend pas la peine de tourner la tête. Je croise le regard de ma mère, qui me fait un simple signe de tête, qui signifie « éloigne-toi avant qu'il ait le temps de te punir ». Ma mère est la seule personne au courant à propos des Enfants. J'ignore comment elle a découvert leur existence, et comment elle a fait pour y survivre - puisque les témoins sont généralement éliminés - mais le fait est qu'elle sait à propos d'eux depuis ma naissance. Aujourd'hui, ses cheveux sont tressés en une longue natte épi de blé.

Obéissant à son conseil silencieux, je m'éclipse pour me diriger vers les plus jeunes. Kyle est accroupi et observe un escargot en compagnie de Claire et Lila. Emily, Jonathan et Liam parlent calmement, le blond platine me paraît aussi à l'aise socialement que son frère. En parlant de ce dernier, Thomas a été tiré à l'écart par Lili, et je devine à l'air qu'il arbore qu'il n'a qu'une envie ; lui échapper. Ma petite sœur déblatère sans s'arrêter, et le châtain hoche la tête de temps à autres pour lui faire croire qu'il l'écoute. Je ne mets pas longtemps à choisir vers qui me diriger.

- Tu es retard, gamine, commente Liam en jetant un coup d'œil à son portable.

Je lui jette une œillade de travers. Il était à l'heure hier, lui, peut-être.

- Bonjour, je réponds sèchement en croisant mes bras sur ma poitrine.

Je n'ai pas le cœur à aller embrasser tout le monde ce matin. Emily m'adresse un sourire, Jonathan un vague signe de tête.

- Nous avons composé les voitures sans toi, m'informe alors Liam, une pointe d'amusement dansant au fond des yeux. Thomas a demandé à ce que tu montes dans la mienne.

Je tourne la tête pour regarder son frère, toujours avec Lili. Il s'aperçoit cependant que je me suis tournée dans sa direction puisqu'il me sourit tout en répondant à ma sœur. Je détourne le regard pour me reconcentrer sur le blond platine.

- Tu n'as pas de voiture.

Liam me sourit.

- Mes parents montent avec d'autres adultes. C'est moi qui conduis leur voiture.

Je grimace légèrement. Il a beau avoir une vingtaine d'années, je n'ai pas confiance.

- Dis, Louise ? me demande soudainement Emily, et je tourne la tête dans sa direction.

- Oui ?

- Je n'ai rien contre ta sœur, mais...

Elle n'a pas besoin de finir sa phrase. Elle a passé l'après-midi d'hier à tenter d'attirer l'attention de Thomas. Je l'arrête en levant la main, enfonce mon croissant dans ma bouche, et lui tourne le dos pour me rendre jusqu'à ma sœur et le châtain. Je le contourne pour me placer derrière ma sœur, et lui chuchote :

- Papa veut te parler, à propos de mes retards.

Lili sait très bien qu'il a horreur des retards.

- Qu'est-ce que j'ai à voir avec ça ? râle-t-elle en se tournant pour me regarder dans les yeux.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant