Prologue -4

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Jonathan :

Je suis judoka. C'est bel et bien l'unique chose notable de ma vie. Je suis judoka. Le reste ? je suis transparent. Entièrement transparent.

Je suis blond. Pas un magnifique blond doré, non, plutôt blond cendré, qui tire vers le gris. Le genre de blond, si l'on recherche sur internet, la première chose que l'on voit, c'est : « Le blond cendré : un blond qui se fait discret ». Transparent. J'ai les yeux verts. Pas un vert émeraude transperçant, non, un vert tournant au marron, visible que si l'on regarde de près. Personne ne me regarde jamais de près.

Je ne suis pas grand. Pas petit. Pas beau. Pas moche. Pas bête. Pas intelligent. Pas sympa. Pas chiant. Pas, pas, pas.

Cette transparence me rend fou. J'ai l'impression de n'être qu'une âme errante à la recherche d'un sens à donner à sa vie. Je n'ai pas de but. Le judo est la seule chose qui m'extirpe de cet horrible sentiment. Parce qu'en judo, je suis bon. Alors je ne me concentre que sur ça, le reste n'a pas beaucoup d'importance. Je passe mon temps au dojo. Je ne vois plus personne. Je consulte à peine mon téléphone. Je combats, tout le temps. J'aime ça. Je me sens utile. Pendant une brève période, mais au moins, elle est réelle, cette période.

Rêver ne m'a jamais conduit nulle part. J'ai rêvé devenir grand, beau, fort, riche, heureux. Rien n'est arrivé. Juste le judo.

Alors mes parents se sont inquiétés. « Jonathan, tu n'as plus aucune relation sociale, plus aucun goût à rien... »

J'ai vu un psy.

Il m'a remboursé.

Ma mère est très croyante. Alors elle s'est dit que « Dieu m'épaulerait » si je me rapprochais de lui. Mon Dieu, comment lui avouer que je suis athée ?

Je n'ai pas osé.

Donc me voilà perdu dans un petit chalet en haut des montagnes, à me geler les miches, parce que cet endroit est une place stratégique des pèlerins. Mon père a presque protesté. Presque. L'amour rend fou. Moi, je ne suis pas fou.

Je me suis démené. Je n'irai pas prier tous les matins, non. J'ai finalement réussi à intégrer ma famille à un petit groupe de voyageurs qui – certainement en voyant mon état de désespoir – ont chaleureusement accepté de nous intégrer dans leurs activités. Ma mère n'y a vu que du feu. Oui, je veux enfin renouer du lien social. Rien que l'endroit m'a métamorphosé.

Je ne lui ai pas dit qu'une certaine Emily avait créé un groupe pour nouer du lien et que je n'ai jamais ne serait-ce qu'envoyé un bonjour. A quoi bon ? Elle n'y répondrait même pas. Elle est déjà obsédée par Thomas et Kyle, qui eux, pour le coup, ont créé du lien social.

J'ai tout de même fait une résolution. Le judo est tout ce à quoi j'accorde de l'attention. J'ai une semaine pour trouver un intérêt dans autre chose.

Une semaine, perdu au milieu de nulle part, pour donner un sens à ma vie. 

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